Le christianisme a raison de dire qu'il y a un temps personnel, existentiel. Ce temps-là est la maturation de la décision libre et du caractère absolument définitif qui affecte celle-ci. Il est la maturation de l'existence temporelle par le dépassement qu'il opère de son caractère fluent. Toutes les idéologies qui font de l'avenir (au sens habituel de déroulement du temps) un absolu auquel il faudrait tout sacrifier, au lieu de n'y voir qu'une réalité qu'il faut dominer à l'instar du simple présent, ne voient pas qu'il y a dans ce temps personnel un avenir absolu ; que le seul avenir vraiment absolu, c'est celui qui découle de la liberté de la personne. Il n'est pas à concevoir sur la ligne d'un temps à venir ; il est déjà là, dans la personne spirituelle et dans son action libre, et il prend conscience de lui-même lorsque la vie touche à son terme biologique et qu'arrive à son point final son déroulement linéaire, ouvert sur l'infini. […]

En professant que la personne se forge librement un destin qui est propre à chacun et qui a le caractère du définitif, [le christianisme] possède, à la différence des idéologies et des utopismes terrestres, un concept du temps qui dépasse celui d'une succession linéaire de moments orientés vers un simple futur. […] Il le dépasse en ouvrant à l'homme un avenir trans-terrestre, transhistorique, qui échappe à l'écoulement perpétuel du temps. Cet avenir, c'est la vie éternelle, qui émane du temps sans en être ; c'est un avenir dont on peut dire, et de lui seul, qu'il a déjà réellement commencé dans le présent, à tout instant qui passe, dans le cœur de l'homme qui pose des actes libres inspirés par la foi et l'amour.