En ce jour-là, quelques pharisiens s’approchèrent de Jésus pour lui dire : « Pars, va-t’en d’ici : Hérode veut te tuer. » Il leur répliqua : « Allez dire à ce renard : voici que j’expulse les démons et je fais des guérisons aujourd’hui et demain, et, le troisième jour, j’arrive au terme. Mais il me faut continuer ma route aujourd’hui, demain et le jour suivant, car il ne convient pas qu’un prophète périsse en dehors de Jérusalem.
Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu !
Voici que votre temple est abandonné à vous-mêmes. Je vous le déclare : vous ne me verrez plus jusqu’à ce que vienne le jour où vous direz : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »

Il me faut continuer ma route aujourd’hui. Il nous est donné de recevoir un passage poignant de l’Evangile qui manifeste combien Notre Seigneur a vécu notre condition humaine et notamment sur le chemin qui le conduit à la Croix. Dans ce passage de l’Evangile, Jésus, par le questionnement d’autres personnes, des pharisiens, doit manifester sa manière de se situer par rapport aux menaces qui planent sur lui. Et nous voyons que le Seigneur répond en engageant sa liberté selon sa propre promesse, celle de prophète. Il en accepte le quotidien, « aujourd’hui, demain et le jour suivant ». Il se reconnait dans un collectif dont il assume l’appartenance « il ne convient pas qu’un prophète périsse en dehors de Jérusalem ». Nous retrouvons là, la triple dimension d’une vocation. La vocation, comme appel intérieur, le Fils de Dieu incarné a reçu mission de manifester la gloire de son Père, cela implique de demeurer ouvert aussi à la provocation de la situation qui se présente toujours nouvelle, ici le martyr, ainsi qu’à la convocation de la fidélité à son groupe d’appartenance : les prophètes. C’est cet ensemble qui lui donne de continuer, de trouver sens en ce jour et de le maintenir. Faire autrement serait renoncer, défaillir.

Sachons nous aussi, dans la tempête qui peut surgir en nos vies, repérer ce qui nous maintient dans notre groupe d’appartenance, ce qui maintient le sens profond dans ce qui nous arrive, aussi dur cela soit-il, alors notre liberté demeure.
 
Et vous n’avez pas voulu !
Assuré de sa position intérieure, de là où le conduit sa libre réponse, Jésus peut aussi considérer l’extérieur de sa mission, qui se signe par un échec. Il n’a pas été reçu, malgré ses nombreuses tentatives. Le Seigneur exprime toute sa tendresse, comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes. Une tendresse toujours offerte mais qui prend acte de la réponse de l’autre liberté.
Sachons nous aussi dans la tempête continuer à poser les pas de notre mission, en demeurant ouvert à nos proches, tout simplement jusqu’au bout faisons ce qui est en notre pouvoir dans la perspective de notre liberté.
 
Votre temple est abandonné à vous-mêmes
Dès lors, souverainement libre, alors qu’il marche vers sa passion,  Jésus voit profond dans l’homme. Il sent combien le groupe qui ne répond plus à sa propre mission véritable va devenir comme un bateau qui a rompu ses amarres. La liturgie juive des sacrifices au temple perd son sens, tout se délite. Le peuple juif ne va que pouvoir s’abimer sur les récifs de la destruction. Seront sauvées les personnes. Bientôt, seul le silence aura du sens, le silence qui devient le lieu de la germination de la nouveauté. Jusqu’à ce que vienne le jour
Sachons nous aussi ne pas réagir violemment, demeurer bienveillants envers tous y compris, nos opposants, accepter vraiment que tout de ce qui a été construit aille à sa ruine. Vivons dans la confiance qu’une nouvelle forme collective pourra renaître qui redonnera un sens collectif.
 
Cette phrase de la liturgie reçoit de ce passage de l’Ecriture une saisissante signification. Au cœur même de l’échec, se signe la liberté de l’Homme-Dieu. Il nous appelle à la suivre
 
Au moment d'être livré et d'entrer librement dans sa passion
Il prit le pain, il rendît grâce,
 il le rompit Et le donna à ses disciples en disant :
« Prenez et mangez-en tous : ceci est mon corps livré pour vous. »