Dans le cadre de la collection « Spiritualité et politique », Jean-François Petit, philosophe, assomptionniste, nous propose une entrée stimulante : l’engagement. L’engagement est sans aucun doute « la » réponse à la désaffection envers la chose politique engluée dans la société post-moderne. Cette société du mépris, où toute allusion à une transcendance semble lunaire, conduit à un enfermement dans l’immédiat, dans le déni de l’histoire qui transforme toute visée politique en programme à courte vue. L’engagement ne peut être la voie d’une humanisation plénière que si le lieu politique est celui d’une « fidélité créatrice » (expression reprise de Gabriel Marcel).
Pour établir ce lien entre l’engagement politique et la fidélité créatrice, l’auteur convoque d’abord les « grands ancêtres » de la philosophie de l’engagement : les ténors de l’existentialisme, Sartre, bien sûr, et Camus, puis les références obligées de la phénoménologie : Husserl, son disciple Reinach et Ricoeur. Merleau-Ponty et Édith Stein auraient pu être ajoutés au tableau sans le défigurer, bien au contraire. Mounier, que l’auteur connaît bien, est placé au coeur du dispositif – position justifiée dans la mesure où, sous l’influence de Paul-Louis Landsberg, Mounier place l’engagement dans son véritable lieu : l’historicité, avec ce que cette intrusion du temps historique charrie de relativité herméneutique et de vulnérabilité.
Après avoir posé les fondements philosophiques de l’engagement politique, Jean-François Petit n’a guère de mal à en souligner la condition spirituelle : la fidélité, sans laquelle aucune identité n’est pensable. Or l’identité – l’auteur ne le souligne peut-être pas assez – n’est pas une affaire de l’individu face à soi-même : elle convoque d’emblée la collectivité sociale et politique hors de laquelle l’individu n’est rien. Dans la pure tradition judéo-chrétienne, l’auteur montre alors que toute fidélité repose sur une promesse. Sans promesse, la fidélité se dessèche en fondamentalisme destructeur de toute vie politique. Il aurait été intéressant de creuser ce filon pour laisser résonner les attendus des promesses électorales. Hors de tout jeu de mots, cela aurait permis de poser la distinction, fondamentale ici, entre les objectifs politiques et la légitimité du pouvoir.
Sur un ton mesuré, où sourd de temps à autre l’étincelle d’une image, Jean-François Petit conduit son lecteur depuis les considérations les plus abstraites jusqu’aux exigences les plus percutantes touchant le rôle des associations comme bouillon de culture de la vie politique, ou encore l’engagement européen de la France. « Les promesses ratifient en définitive l’origine du battement de la vie secrète propre au coeur de la personne. » Chemin faisant, le lecteur cueillera quelques bonnes pensées touchant l’obéissance, notamment l’obéissance religieuse, qui n’échappe en rien à la dimension politique de toute vie en société. Il rencontrera l’exigence qui fait la dignité de l’être humain : structurer des lieux de médiation sociale, loin de tout enfermement dans les préoccupations immédiates. Sans l’avoir peut-être voulu, l’auteur souligne ainsi le tragique de toute existence, tendue entre la mémoire structurante et la promesse motivante, dans un présent qui est, comme la marche à pied, une chute perpétuellement amortie.

Etienne Perrot