Arfuyen, 2006, 130 p., 14 euros

Qu’est-ce qui nous fait pressentir quelque chose de la perfection, de la plénitude, de l’équilibre ? En poésie, cela est difficile à déterminer, mais c’est pourtant visible, non seulement dans la reconnaissance de la maturité d’une écriture, mais aussi dans le rythme qui lui est imprimé. Une respiration soudainement est là, puissante, libre, et on veut la boire à pleines mains. On veut saisir les mots qui nous transportent. Et on peut admirer au passage celui qui a pu recueillir le feu de ce brasier invisible ; et cependant bien réel, voire incandescent.
L’écriture de Jean Mambrino nous apporte à la fois un souffle de fraîcheur, une plongée dans la contemplation de la beauté du monde, dans ses profondeurs, dans les éléments qui constituent sa vitalité. Car « le feu aime à se cacher / sous les paupières, alors / que la nuit fulgure en silence. / Là se préparent les larmes / des sources plus hautes / et plus basses que le ciel ». Ce seul poème résume à lui seul l’intensité de la respiration que porte cette poésie, équilibrée de manière heureuse entre l’acte d’habiter sa propre maison intérieure et les voyages terrestres et célestes dont est investi le voyageur et le poète, saisis par ce mouvement.
Cette respiration est pleine de sensualité. Le poète se laisse étonner par le parfum des choses les plus extérieures comme aussi par leur enveloppe intérieure, « où une louange plus haute et profonde / que toute adoration / emplit ton être / tourné à travers les créatures / vers leur créateur-abîme / inaccessible dans son intimité ». Le monde du poète s’élargit vers le cosmos total et vers la plénitude intérieure qui en émane.
Dans la dernière partie, le poète porte son regard sur l’éternité, comme si « à l’heure où les ombres s’allongent » cela lui permettait une saisie plus immédiate de ce qui attend le croyant. Et une reconnaissance du temps mûr, du corps et du regard intérieurs en osmose avec l’appel du grand large, l’infini de Dieu.