Sans doute n’avons-nous pas besoin de Noël pour nous émerveiller devant chaque nouveau-né rencontré tout au long de l’année. Mais que Dieu lui-même se soit fait si petit, qu’il soit passé de main en main, qu’il ait été ballotté au gré des événements, qu’il ait eu soif de lait, qu’il ait dormi des heures et des heures d’un sommeil souverain, voilà qui ne doit cesser de nous interroger. Car la plupart du temps, nous l’esquivons : cet être étrange qu’est le tout petit nous fascine autant qu’il nous dérange, et nous sommes alors prompts à ne le considérer – tel saint Paul – qu’en devenir, jusqu’à ce qu’il s’adapte à nous et acquière notre langage, à l’âge dit « de raison ». Pourtant, si Adam est né « adulte », Jésus, « nouvel Adam », est bien né, comme tout un chacun, nourrisson. Et le Christ en est tellement conscient qu’il confère aux tout-petits une connaissance des mystères divins supérieure à celle des savants spécialistes de l’Écriture. Ainsi lorsqu’il loue les petits enfants qui, dans le Temple, répercutent par leurs cris les acclamations entendues au moment de son entrée à Jérusalem : « Hosanna au Fils de David ! » (Mt 21,15- 16). Provocation vis-à-vis des grands-prêtres qui vont bientôt le condamner ? Peut-être, mais surtout admiration pour la capacité des petits à reconnaître instantanément leur Père, leur Abba. Car de là vient qu’ils nous percent à jour, qu’ils nous réfléchissent dans leurs regards fixes, où demeure presque intact le reflet du Créateur.