Peut-on faire l'éloge de la répétition ? Bien avant ce numéro de Christus, un philosophe amoureux de la répétition s'y est essayé résolument : le danois Søren Kierkegaard, avec la publication, en 1846 sous le pseudonyme savoureux de Constantin Constantius, d'un essai étonnant intitulé La répétition1. Il y chante, avec des accents parfois lyriques, la beauté de la répétition : elle est pour lui « un habit inusable qui vous tient comme il faut en restant souple, sans vous étouffer, ni vous ballonner […], une épouse adorée qui ne vous lasse jamais, car seule la nouveauté est lassante […], le pain quotidien qui nourrit votre faim à profusion ». Et de poursuivre : « Seul celui qui a choisi la répétition vit vraiment […]. Il va tranquillement son chemin, enchanté de cette répétition. »
Mais si Kierkegaard a raison, comment se fait-il que la répétition fasse si peur, qu'elle soit d'emblée associée pour nous à l'expérience grise de la monotonie, à la facilité de la redite, à ces sentiments si peu désirables que sont l'ennui et la lassitude ? Et surtout, de quelle répétition parle Kierkegaard, qui mériterait cet éloge ? Car il semble bien qu'il y a différents visages de la répétition et donc convocation au discernement. C'est-à-dire, si l'on suit ici la bonne tradition ignatienne, qu'il y a convocation à faire d'abord œuvre d'intelligence, pour repérer ces différents visages ; convocation ensuite à sentir quel est l'esprit qui parle en chacun de ces visages ; convocation enfin à prendre position et s'engager pour la répétition quand elle est porteuse de vie, la refuser quand elle étouffe la vie. Pour éclairer un peu ce chemin de discernement, je prendrai Freud et Kierkegaard pour compagnons de voyage et