Comme la langue d'Ésope, le genre littéraire du témoignage spirituel peut recouvrir le meilleur ou le pire, avec toujours le risque du voyeurisme ou du débordement affectif. Il a fallu certainement du courage à Julien Leclercq pour évoquer ici son itinéraire vers le baptême, tant l'auteur n'hésite pas ici à parler de ses propres failles personnelles, sans pour autant s'y complaire. Il est vrai que pétri de culture littéraire, directeur de la rédaction de la revue Nouveau Cénacle, il sait ponctuer son récit de conversion de nombreuses références littéraires ou plus spirituelles qui, sans être pesantes, lui permettent d'appuyer son propos. À la différence de son préfacier Thierry Bizot qui se définissait comme un Catholique anonyme, il déclare être lui un catholique débutant. Venu d'une famille athée de grande banlieue populaire, lui-même passé par l'extrême gauche et un marxisme dur, il va peu à peu se trouver bousculé par des questions existentielles, notamment l'expérience de la mort de proches : ainsi, à travers la perte d'un ami cher et surtout celle d'une grand-mère croyante, dont l'agonie qui suit un accident vasculaire cérébral le marque au plus profond. Si une séance de catéchisme où, enfant, il participe par hasard, ne lui laisse pas un impérissable souvenir, c'est à l'âge adulte qu'il va être amené à rencontrer un prêtre de sensibilité plutôt traditionnelle et pouvoir éclaircir ses questions jusqu'au baptême. Bien mené, ce récit nous permet de cheminer avec lui, dans sa découverte de l'Église, avec ses rites et ses communautés, sa découverte d'un Dieu de présence et d'amour. Aux moments d'enthousiasme succèdent les périodes de creux, des questions nouvelles, l'affrontement aux démons intérieurs : ce n'est pas parce que l'on est tout frais baptisé que l'on atteint la perfection. La foi chrétienne ne se réduit pas à une ascèse impossible à tenir. Sans être indiscret, l'auteur n'hésite pas à partager sa pratique de la prière, la manière dont il vit en paroisse ou se trouve engagé dans une relation amoureuse appelée à durer. Témoin d'une nouvelle génération avec des perceptions différentes, marquée par exemple par les figures de Gilbert Keith Chesterton ou de Benoît XVI, Julien Leclercq n'hésite pas à écrire sans complexe : « La religion catholique a été une évidence pour moi. » En filigrane, cependant, on voit combien ce catholique débutant s'appuie sur la solidité de sa famille, même si elle est loin de la foi, une famille aux origines polonaises et marquée quand même… par un arrière-fond de catholicisme.

Un témoignage qui doit interpeller à un moment où nos communautés d'Église ont à accueillir et à accompagner des profils de catéchumènes de plus en plus divers, sans surplomb ni supériorité.