J'ai l'habitude de raconter cette histoire : un juif va pour la première fois en Israël. Il arrive à l'aéroport de Lod-Tel-Aviv, prend un taxi et dit : « Ça ne vous dérangerait pas de m'amener… Vous savez, là où il y a un mur… Où tout le monde pleure ?… » Et le taxi l'amène à l'Hôtel des impôts ! Moralité : il faut savoir de quoi l'on parle quand on parle pour bien se comprendre !

À mon sens, le dialogue interreligieux est plus que jamais d'une urgence capitale. Certes, il a existé de hauts moments de rencontres interculturelles comme à Cordoue au Moyen Âge ; c'est vrai qu'il y a eu, à toutes les époques, des hommes et des femmes de bonne volonté qui ont dialogué ; mais l'urgence vient de ce que nous savons aujourd'hui, comme disait Paul Valéry, que « nous sommes mortels ». Le siècle qui s'achève a montré jusqu'où la dictature et la barbarie pouvaient aller ; et le religieux n'est pas à l'abri de ces passions destructrices, bien au contraire, malheureusement. Je crois que nous pouvons faire sauter sept fois notre petite planète que l'on essaye de garder bleue.

Le temps théologique

Nous pouvons distinguer deux temps dans l'histoire des religions. Le premier, celui de la naissance des structures religieuses, je le nomme le temps théologique. Ce temps est celui durant lequel les religions se construisent. Et, lorsqu'elles se construisent, elles le font en général en repli sur elles-mêmes, afin d'affirmer leur identité, leurs dogmes, leur foi, leurs rites et, en même temps, afin de donner une cohérence sociale à leurs fidèles. À ce stade, quand les religions apparaissent, elles se construisent contre les autres. Cela est aussi vrai dans la tradition d'Israël. Lorsque Moïse s'adresse à sa génération, à celle qui va entrer en Terre promise, il proclame : « Surtout pas d'alliance avec les Cananéens ! » C'est vrai que ces derniers avaient des pratiques immorales, comme la prostitution sacrée et les sacrifices d'enfants. À ce stade, Moïse n'envisage donc aucun compromis. De même, l'Église ou la Mosquée, quand elles en eurent les moyens,