Préf. J. Dujardin. Cerf, coll. « Théologies », 2005, 196 p., 22 euros.

La saveur de cet ouvrage paraît d’abord incertaine à cause de la personnalité même de Bérulle : l’homme est loin d’avoir le charisme — et la plume inventive — de son presque contemporain François de Sales. Surtout, écueilplus rude encore, cette étude ne se veut pas qu’historique. Elle examine favorablement la pertinence pour aujourd’hui d’une spiritualité dont « servitude » est le maître mot, alors que cette notion heurte la sensibilité actuelle… La lecture achevée — par une conclusion synthétique lumineuse —, force est de constater l’apaisement de nos réticences.
Certes, on retrouve dans les écrits de Bérulle la passion quelque peu rigoriste qu’il déploya pour implanter en France le Carmel réformé, puis l’Oratoire : l’homme apparaît chez lui esclave de son néant, comme créature et comme pécheur. Mais sa vie spirituelle l’oriente résolument vers le Christ. Et, dans l’anéantissement partagé qu’est l’Incarnation, Bérulle reconnaît le Christ parfait serviteur et adorateur, indissociablement Fils et vassal, entraînant les hommes de la vassalité à la filiation. Dans l’aventure intérieure, l’expérience de « servitude » peut alors s’accueillir comme un sommet du chemin spirituel, là où s’unissent anéantissement et déification.
Aux communautés qu’il avait en charge, Bérulle voulut assigner cet horizon en rédigeant des « voeux de servitude ». Même ses amis les contestèrent.
Mais, paradoxalement, c’est de cette tentative que le P. Cadoux tire de stimulantes pistes de réflexion pour notre époque : si le chrétien ne se conçoit plus « serviteur » par goût d’un néant sacrificiel, n’a-t-il pas toujours à raviver la joie du service ? Une joie que Bérulle n’exprime guère, mais qu’il désigne mystérieusement, attaché qu’il est au véritable Serviteur.