Devant le tragique de la vie, devant la souffrance qui fait crier, le mal qui s’abat ou la mort aveugle  qui frappe, Jésus ne se dérobe pas. Ni dans une sagesse compatissante mais immobile, ni dans une éthique  qui rassure en condamnant, Jésus est là, bien présent par toutes les fibres de son corps. « Pris aux entrailles » devant la veuve de Naïm qui porte son fils unique en terre ; « ému aux larmes » devant la ruine à venir de Jérusalem, détournant son chemin pour suivre Jaïre dont on pleure déjà  la petite fille, « touché » par la demande du centurion,… Jésus partage les émotions de ses contemporains et trouve les gestes et les paroles qui pacifient, réconfortent, rendent espoir.  
 
Il ne s’installe pas avec eux dans une émotion sans suite et indéfiniment reprise, manipulable à souhait, dont il ferait un instrument de son message et de  sa puissance : quel dieu pervers inspirerait cela ! Tout à l’inverse, Jésus n’invoque pas ici telle ou telle faute ou cause, il désire et agit en sorte que « l’œuvre de Dieu soit manifestée » (Jn 9, 3) dans les impasses du drame et de la faiblesse.
 
Il sollicite la mémoire  des proches, il ouvre  l’émotion à la parole et  la sidération au dialogue, il « change la plainte en louange » qui honore justement les victimes. Dans l’échange où il se communique lui-même, se crée une relation nouvelle qui apaise et patiente, qui ouvre les yeux, fait renaître à la vie et au désir, là où la mort fermait l’horizon de toute compréhension.
 
Chercher des justifications et des boucs émissaires n’entame pas la violence du mal. Mais se rendre présent à l’autre dans sa peine,  devenir l’hôte de celui qui souffre et frère de celui qui n’a que son manque à partager,  cela   tisse des liens que l’émotion appelle et que la mort ne peut défaire.  
Se faire en toutes circonstances le prochain de l’autre nous met à la suite du Christ et rend justice à la fragilité qui nous fonde. C’est donner chair, aujourd’hui même, à la miséricorde.