Elle est vraiment catholique, universelle, cette église, car elle est une assemblée d'hommes, de femmes de plusieurs races et nationalités. Elle fait partie du diocèse de Créteil dont tous les évêques ont tenu à êtte en lien avec ses membres par une aumônerie formée de prêttes, diacres, religieuses et laïcs envoyés là en mission. La prison de Fresnes comporte Uois lieux d'enfermement : le grand quartier où séjournent environ 2000 hommes en Uois bâtiments ; un hôpital rassemblant 250 personnes, où viennent de toute la France des hommes et des femmes atteints de maladies graves, avec un centte psychiatrique en lien avec le centre Paul-Guiraud de Villejuif ; une Maison d'arrêt des femmes (MAF) pour 60 à 80 personnes... Sur le domaine de la prison habitent également des familles de surveillants. Certains surveillants célibataires y préparent leur mariage qui est le plus souvent célébré en province. Mes rapports avec les gardiens ont toujours été respectueux et compréhensifs, même lorsqu'il fallait expliquer avec certains la présence de l'aumônerie.
Missionnaire de saint François de Sales, j'ai été envoyé par mon évêque en 1992 pour un mi-temps au service des prisonniers, et un autre au service des habitants de Fresnes et Rungis. Jusqu'à la fin 1999, j'ai passé de seize à vingt heures par semaine à la prison. J'arrivais le matin, un peu avant 10 heures, à la porte du sas extérieur, passais au portique de détection, puis par la deuxième porte donnant sur la cour intérieure. Un surveillant dans une cage de vene m'ouvrait la grille de détendon en me donnant la clef qui permet l'accès à toutes les cellules : une centaine par étage sur quatre niveaux. Dans chaque cellule, tout est groupé pour deux ou trois hommes : table pour le repas, pour écrire, ttois lits superposés et WC. Drôle d'appartement dont les occupants changent souvent.
Ce sont les prisonniers qui demandent la visite de l'aumônier par lettre remise au surveillant de l'étage et transmise dans ma boîte. Leurs lettres reflètent aussi bien des besoins matériels que spirituels : « Je me permets de vous écrire pour vous voir. Je n'ai pas de visite, je n'ai rien » ; « J'aimerais, si cela est possible assister aux messes du dimanche » ; « Si vous pouviez m'apporter un peu de tabac du papier, des enveloppes, des timbres » ; « Je voudrais une bible, un chapelet, une croix » ; « Je ne suis pas catholique, je n'appartiens à aucune religion, je désirerais communiquer avec une personne qui pourrait m'aider à croire à quelque chose, si ce n'est au moins à moi... » Autant d'appels auxquels il faut répondre par des visites.
 

Visiter les prisonniers


Avant d'entrer dans chaque cellule, je me présentais au surveillant par respect pour la responsabilité qu'il avait de son étage Avant d'introduire la clef, je frappais à la porte. C'est à ce geste peu habituel que le détenu me reconnaissait avant de me voir : « C'est le Père Louis, l'aumônier. » Dès l'entrée, salut amical, poignée de main à tous, avant de connaître celui qui a demandé à me rencontrer. Un dialogue simple s'instaurait avec les deux ou trois qui étaient là... Quelquefois, ils m'offraient un café ou un thé que je ne refusais jamais par respect de leur générosité.
C'est une chance pour l'aumônier de découvrir le détenu dans l'univers de sa cellule Certains dessinent, lisent quand ils savent lire ; d'autres restent couchés sur leur paillasse toute la journée, ou sont rivés à la télé qu'il faut payer 65 francs par semaine. On y découvre aussi la misère. En prison comme dehors, les uns ont des possibilités financières, d'autres pas. L'indigence en prison est, comme dans nos villes, une réalité. En passant dans les étages, on rencontre des détenus comme on rencontre des malheureux dans les mes de la ville ou dans le métro. A cause de l'enfermement, l'indigence est plus dure. Pendant ces visites, des choses importantes sont confiées. Le détenu parle vraiment de lui-même, de ses inquiétudes, des difficultés réelles de sa vie carcérale, de sa famille quelquefois de ce qui l'a amené ici, plus rarement de ses victimes. Les prisonniers sont toujours heureux de recevoir chez eux ce visiteur extérieur et étranger à l'administration, à la justice, aux services sociaux, aux avocats qui les convoquent dans les sinistres parloirs et bureaux du rez-de-chaussée. Ils montrent les photos des enfants, de la copine, de la maison, des vacances passées au temps où ils étaient dehors. Heureux le détenu qui a des liens affectifs et qui les a gardés ! Pour lui, c'est la base d'une espérance pour l'avenir. J'admire encore le courage de ces femmes, épouses, compagnes ou mères, qui, durant parfois des années, sont fidèles au parloir au prix de longs déplacements, en apportant le linge propre, écrivant, envoyant des mandats et se tuant au travail pour faire vivre la famille et son prisonnier.
Après ces visites, comment sommes-nous perçus ? Qui sommes-nous pour eux ? Un aumônier, un homme de l'extérieur, religieux, quelqu'un qui ne juge pas, à qui on peut tout dire : son silence est sacré. Il est l'ami à qui l'on peut faire appel, car les amis d'avant la prison vous ont laissé tomber. Il est quelquefois le seul lien humain qui redonne confiance. Après ma visite au quartier d'isolement, Frédéric m'écrit : « C'était la première fois depuis longtemps que j'avais une personne devant moi, venue pour moi, seulement pour moi. »
 

Ecouter


L'écoute, une écoute attentive et prudente, est particulièrement importante quand le détenu se pose des questions sur lui-même, sur son passé, sur ce qui l'a amené ici, sur sa famille, son avenir, sa vie à Fresnes où il a l'impression de n'être plus rien, d'être traité au mieux comme un enfant, mais davantage comme un objet, un numéro d'écrou, comme quelqu'un qui n'a plus rien à dire, plus aucun droit, aucune initiative à prendre.
Entre détenus, de plus, c'est souvent la loi de la jungle, même si la solidarité existe aussi : la promiscuité est telle qu'elle peut devenir tout à fait insupportable. D'où leur agressivité les uns vis-à-vis des autres. Il y a les bons délits et les mauvais, ce qui permet toujours de trouver plus mauvais que soi : les prévenus ayant tué ou volé sont les « bons » ; les prévenus pour affaires de drogue et abus sexuels (les « pointeurs ») sont les plus mal vus Tout cela crée un fort ressentiment par rapport à l'injustice ou au mépris dont ils sont victimes. « J'ai fait une bêtise énorme, d'accord Je paie, mais je ne suis pas un chien. J'ai droit au respect. La prison n'aide pas au changement, elle est inhumaine. La pire des prisons, ce n'est pas ces murs, mais la haine au coeur », me disait l'un d'eux. Un autre de 23 ans m'avouait, après avoir parlé pendant une heure et demie : « C'est la première fois de ma vie que je peux parler à quelqu'un qui m'a écouté. »
Il m'est souvent arrivé d'être interpellé discrètement dans les couloirs, à l'insu du surveillant, juste pour dire deux ou trois petites choses, quelques mots, échanger des regards, des sourires. C'est à ces moments-là, ai-je l'impression, qu'ils se sentent reconnus. A Christophe posté depuis longtemps devant sa cellule, je lance : « L'attente est longue ! — Vous m'avez remarqué ? Ici, personne ne nous voit. Je suis transparent. Vous êtes l'aumônier ? Je suis chrétien évangélique, votre présence, votre attention me prouvent que j'existe Merci. » L'écoute permet de réveiller le meilleur de chacun et d'ouvrir les coeurs à l'essentiel. A Fresnes, c'est l'enfer : beaucoup le disent et je l'ai constaté quelquefois, mais, dans cet enfer, il arrive qu'on rencontre Dieu. Claude, après plusieurs rencontres et dialogues, me demande : « Croyez-vous qu'il peut me pardonner ? - Qui ? - Dieu ! »
Je me souviens encore de David, malheureux depuis son enfance passée à l'Assistance publique tiraillé d'une famille à l'autre, et qui s'était laissé entraîner dans une bande où il trouvait un peu d'affection. Depuis son entrée en prison, il dialoguait avec son codétenu musulman sur sa non-croyance A sa question : « S'il m'arrivait de mourir, croyez-vous que Dieu me mettrait de côté ? », j'ai répondu en parlant de l'enfant de l'Evangile qui demande des comptes à ses parents et qui s'en va, et le Père qui l'attend les bras ouverts. Après ce partage, David me dit : « Quelle parole vous nous laissez avant de partir ? » J'avais avec moi le Prions en Eglise du mois. C'était le jour où, en Me 12,28-34, un scribe interroge Jésus sur le premier commandement. « Le premier, répond Jésus, c'est : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur" Et voici le second : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même" Il n'y a pas de commandements plus grands que ceux-là... "Aimer Dieu, aimer son prochain, vaut mieux que toutes les offrandes et sacrifices ?", reprit le scribe. Et Jésus répondit : "Tu n'es pas loin du Règne de Dieu." »
Je venais de vivre cette rencontre de Jésus avec David et ses compagnons de cellule Quelle joie pour nous quatre ! C'était déjà la parole de Dieu au coeur de ces hommes, la mise en pratique de la mission fixée par notre évêque au diacre et à tous les membres de l'équipe au service des prisonniers : « Vous direz à chacun qu'il est personnellement digne d'amour et de respect quelle que soit son histoire. Près de chacun, vous témoignerez qu'il est infiniment aimé de Dieu, que Dieu veut le prendre un jour avec Lui dans son paradis pour en faire son enfant (cf. Le 29,42). »
 

Témoigner de Dieu


La mission des membres de l'aumônerie est de témoigner. J'ai rencontré à Fresnes des détenus de toute confession : catholiques, protestants, israélites, musulmans. Chaque trimestre les différentes aumôneries se retrouvent pour un partage du vécu dans les murs Quelquefois, des célébrations oecuméniques ont lieu.
En raison des aléas d'une vie familiale souvent chaotique beaucoup de prévenus ne savent plus très bien où ils en sont. La prison laisse des loisirs pour s'informer, prier. Certains manifestent le désir de chercher le sens de leur existence, de se rapprocher de Dieu pour rettouver la confiance. C'est souvent la première fois qu'ils ont affaire à quelqu'un qui les écoute avec patience et intérêt, et qui les accueille, avec bienveillance, tels qu'ils sont.
Recevoir quelqu'un comme un ami humanise un moment la vie carcérale Je n'ai jamais autant ressenti le signe de la dignité humaine que donne l'Eglise Au cours des visites en cellules, j'ai entendu des appels comme ceux qu'entendait Jésus de Nazareth : « Apprenez-moi à prier »<; « J'aimerais soulager ma conscience. Si Dieu pouvait apaiser ma souffrance et me redonner un peu d'espoir ! Il est grand temps pour moi de revenir à lui » ; « Merci d'être venu Je n'ai fait que parler, mais il fallait que cela sorte » ; « Ma mère m'a dit : "Si tu retombes, je te laisse tomber." J'ai lu la Bible. Le prophète Isaïe me dit ce que Dieu pense : "Une mère n'abandonne pas son enfant ; même si elle l'abandonnait, moi, Dieu, je ne t'abandonnerais pas." Dieu n'est pas dégoûté par nous. Il s'est mis à notre place pour nous relever. »
Après avoir confié leurs actes, leur désespoir et leur confiance, certains ont le sentiment de naître à nouveau. Cette renaissance, ils l'expriment par des poèmes, des prières, des dessins Ils renouent les liens familiaux en faisant le premier pas quand ils sont abandonnés par les leurs. D'autres se font un petit coin de joie et d'espérance dans la cellule pour y fixer quelques belles images, des photos de leurs femme et enfants. D'autres encore se posent des questions en vue du baptême ; des musulmans demandent le Coran, les heures de prière, le temps du Ramadan.
Le dimanche libre permet la renconue de ceux qui veulent partager l'évangile avec une religieuse de l'équipe Pour participer, les prisonniers font une demande écrite à l'aumônier qui les visite pour clarifier la demande. La réunion de partage se déroule dans une salle polyvalente — lieu de rencontre entre eux, mais aussi vraie rencontre avec Dieu, espace de liberté. Un prisonnier affirmait : « Je ne suis pas croyant, mais j'y vais parce que c'est un lieu où l'on est respecté. »
La messe est célébrée dans cette salle polyvalente que l'on décore chaque fois avec des dessins de prisonniers. Elle devient la salle de l'« assemblée- Eglise » de la prison : chants préparés, partages de lectures, prières universelles. La parole de Dieu adressée aux prisonniers et aux habitants de Fresnes et Rungis est la même. Venir à la messe est déjà un témoignage pour les autres prisonniers et les surveillants. Avant d'entrer dans la salle, les participants sont entassés dans des petites pièces appelées « placards ». L'ordre d'ouvrir, c'est. « Envoyez la messe ! » Un dimanche, un surveillant a changé la formule en disant : « Jésus est là ! » Quand les détenus m'ont rapporté cette réflexion, j'ai dit : « Cet homme dit une vérité qui le dépasse. Jésus est là. C'est vous, c'est moi, c'est tout homme. Jésus s'est identifié à toute personne, heureuse ou malheureuse. C'est lui qui parle lorsque nous lisons l'Evangile Le moindre geste en bien ou en mal envers quelqu'un atteint Jésus Dieu parmi nous. »
 

Les prisonniers ont la parole


Après ces rencontres avec les prisonniers, visités, écoutés pour célébrer la vie mêlée de tristesse, dedésespoir et d'espérance, j'arrête mon parcours pour les laisser dire comment Dieu devance nos rencontres avec eux.

• Thierry nous dit comment il a perçu le Bon Pasteur dans les pires circonstances de sa vie :
 
« Un témoignage vécu me vient à l'esprit pour dire combien, comme dans la parabole du Bon Pasteur, Jésus est toujours là, à nos côtés, pour veiller sur ses brebis, même dans les pires circonstances.
En juin dernier, j'ai eu l'immense douleur de perdre ma mère Je n'ai pu lui dire au revoir et n'ai pas été autorisé à assister à son enterrement. C'a été une épreuve terrible pour moi. Outre ma foi profonde qui m'a donné la certitude qu'elle avait cessé de souffrir et qu'elle était maintenant dans la paix et l'amour de Jésus Christ j'ai reçu de bouleversants témoignages d'amitié d'anciens codétenus, des visiteurs et visiteuses, du personnel de l'antenne médicale et même de surveillants, qui m'ont réconforté.
Alors, j'ai réalisé, moi qui me voyais au bord du gouffre que je n'étais pas seul, que dans l'amour de Dieu, des gens de tous bords m'avaient tendu une main amicale. J'ai compris que c'était cela, la plus grande force de Jésus Christ : que ceux qui ont compris sa bonne nouvelle sont tous frères dans la paix du Christ. C'a bouleversé ma vie et m'a permis d'accepter la mort de ma mère et de .continuer à vivre en essayant de rendre aux autres un peu de ce que j'ai reçu moi-même »

• Jean-Pierre
raconte comment il vit sa foi en prison :
 
« Sur cette grande page vide de la vie carcérale, il nous reste à nous, chrétiens, la liberté de vivre notre foi, et même parfois de la vivifier grâce au temps libéré de toutes les contraintes et éparpillements de la vie active Près d'un détenu sur dix participe régulièrement aux cultes catholiques organisés dans chaque division, et il suffit de vivre une célébration pour savoir que la présence des uns et des auttes n'est pas un simple passe-temps convivial, mais un vrai moment de partage de prière Plus qu'ailleurs, le geste de paix prend ici un sens profond qui nous permet de suivre le Christ sur le chemin du respect de l'autre et de sa différence, et ce n'est pas rien dans un milieu où se côtoient plus de soixante nationalités différentes et autant d'histoires personnelles chaotiques.
Nous pouvons correspondre avec les aumôniers sous pli fermé. Il faut rappeler que nous avons la possibilité de demander leur visite en cellule afin de pouvoir dialoguer en toute confidentialité. Leur regard, leur parole nous redonnent de la valeur dans cet univers où toute dignité se trouve souvent dissoute Leur accompagnement est un don précieux qui nous permet de traverser les "zones de turbulence" d'une incarcération qui nous interroge forcément sur le sens de l'existence et en fait marcher plus d'un sur le fil du rasoir.
La place de l'Evangile dans notre vie de détenu peut aussi s'enrichir d'un temps d'enseignement, de réflexion, de prière, pour ceux qui désirent s'inscrire aux groupes de formation biblique ou puiser des lectures dans la bibliothèque des aumôneries. Puisque la solidarité matérielle ne nous est pas permise réglementairement, il nous reste le sourire la poignée de main, le mot de réconfort le dépannage furtif. Et aussi la prière pour l'autre et avec l'autre Elle nous rappelle, dans la lumière de son regard, que Dieu éclaire toujours une partie, même infime, du coeur de chacun. »

• Eric
nous dit le début de sa guérison de l'alcoolisme et sa confiance en Dieu :
 
« Je suis arrivé en prison à Fresnes après un séjour de deux mois en hôpital psychiatrique, quelques jours passés en centre d'hébergement d'urgence avec juste un sac plastique contenant les quelques affaires qui me restaient. J'avais fait disparaître tout ce qui m'appartenait : meubles, vaisselle, vêtements, livres et tous les papiers me concernant.
C'est vous dire dans quel état psychologique et dépressif j'étais dans le fourgon qui m'amenait vers ma "nouvelle demeure". J'avais touché le fond, je ne voulais plus rien posséder, je n'étais plus rien, je ne voulais plus exister, j'avais même essayé de disparaure physiquement.
Ma dépression était due, en partie à mon alcoolisme à ma solitude et aux actes qui me valaient mon arrestation. J'avais attendu trop longtemps (j'ai 39 ans) pour aborder mes problèmes avec des spécialistes, et, malheureusement, on ne peut pas changer le passé. Mais il reste toujours une étincelle de vie qui un jour se rallume.
Aujourd'hui, le présent s'est amélioré grâce aux personnes à qui j'ai demandé de m'aider, car, seul, on n'est rien. Elles m'ont fait comprendre que même la détention peut être un tremplin pour renaître à Dieu. La foi que j'avais presque oubliée, je l'ai de nouveau appréciée avec ces personnes qui ne vous jugent pas, mais compatissent à vos souffrances et vous font espérer. Il y a aussi les Alcooliques anonymes que j'ai fréquentés dès mon arrivée. Nous nous voyons chaque semaine, et, chez eux, il existe une fraternité que je ne soupçonnais pas. Nous nous relevons moralement et physiquement grâce à leur programme, en sachant que notre maladie sera toujours là à nous guetter. Il y a enfin ma psychologue avec qui j'analyse mes comportements passés et présents pour ne plus recommencer les mêmes eneurs. C'est un travail journalier, mais absolument nécessaire pour retrouver la sérénité perdue.
De la douleur naît l'espérance .
je regrette sincèrement le mal que j'ai fait aux auttes, mais il n'est jamais trop tard pour faire le bien et se racheter. C'est grâce à toutes ces personnes, que je remercie du fond du coeur, que je vais mieux aujourd'hui. Elles donnent enfin un sens positif à mon existence. Je n'ai plus à me demander : "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu laissé faire cela ?", mais juste : "Qu'est-ce que j'ai fait aujourd'hui pour les autres qui puisse plaire à Dieu ?" Cela va vous paraître bizarre mais, même ici, derrière mes barreaux, je suis presque heureux, libre dans ma tête pour naître dans l'amour du Christ en priant chaque jour pour les détenus et les personnes comme vous qui sont libres d'aller et venir où bon leur semble. Et pour être heureux, comme le Christ nous l'a montté, soyons attentifs à ceux qui souffrent autour de nous. Il surfit de peu de chose quelquefois, pour montrer aux auttes que nous sommes tous frères. »

• Jubilé des prisonniers. Plusieurs d'entre eux se sont joints par la pensée et par acte fraternel aux pèlerinages du diocèse de Créteil provoqués par le Jubilé 2000 :

« Un pèlerinage vers la liberté, la liberté hors les murs à laquelle j'aspire forcément mais aussi celle qui, à l'écoute de Jésus Christ me libérera le coeur et fera de moi, ici et dehors, maintenant et demain, un autre homme. Après tout pourquoi ne pas fixer quelques étapes en chemin pour jalonner ce pèlerinage ? Et, pour ne pas présumer de mes forces, je peux choisir un itinéraire plus ou moins long. L'important est de me mettre en marche humblement avec pour tout bagage ce que je suis à ce moment de ma vie :
• M'obliger, en rencontrant un autre détenu, à ne pas chercher pourquoi il est en prison, mais à savoir qui il est et comment je pourrais l'aider.
• Lire ou relire un ou plusieurs évangiles pour réactualiser dans ma vie les paroles du Christ.
• Apprendre par coeur une nouvelle prière ou un psaume qui me plaît. Ecrire une prière à offrir en partage.
• Lire un témoignage d'un homme ou d'une femme d'hier ou d'aujourd'hui dont la vie a été bouleversée par Jésus Christ.
• Prendre sur nioi pour être plus souvent à l'écoute de l'autre en oubliant mes propres préoccupations.
• Ecrire à une personne extérieure dont je n'ai plus de nouvelles et qui sera peut-être heureuse de savoir que je pense toujours à elle. En prison, je peux offrir ce que j'ai en abondance : le temps.
• Apprendre à offrir un peu plus de temps à Dieu, chaque jour, en silence
• Demander à un prêtre le sacrement de réconciliation une fois dans l'année
• Tendre la main ou vaincre mon appréhension pour adresser la parole à un détenu qui semble m'ignorer ou me mépriser. Lui aussi est sans doute en grande souffrance.
• Accepter de temps en temps de sacrifier le superflu (cigarettes, sucreries) pour dépanner un voisin que je sais dans le besoin et qui n'a rien demandé.
• Maîtriser mes propos pour éviter de blesser ou de colporter des "on-dit" qui risquent d'enfermer une seconde fois ceux qui sont incarcérés.

• M'abstenir de toute réaction violente même face à la provocation et à l'injustice
• Essayer, avec l'aide de Dieu, de cheminer vers le pardon et la réconciliation au plus profond de mon être avec ceux qui ont pu me faire du mal
• Sourire aux auttes comme je veux sourire aux bonnes nouvelles qui peuvent m'arriver.
• Poser un acte de jeûne (nourriture, télé, cigarettes).
• Ne pas me contenter d'un mensonge pour résoudre une situation délicate. Rendre grâce à Dieu qui me donnera la force de la franchise et de la sincérité.
• Devenir missionnaire en accompagnant un frère qui chemine à la recherche de Dieu. »
 
* * *

Toute cette vie vécue dans les murs des prisons invite tout ceux qui vivent dehors à prier avec Michel et ses compagnons qui chaque jour prient dedans :
« Seigneur, que ton amour soit la clé qui déverrouille les portes de nos prisons, celles des murs et celles des coeurs. Dans l'épreuve de l'exclusion et de l'impuissance, nous te prions, Seigneur, pour que nos humiliations se transforment en actes d'amour.
Préserve-nous, Seigneur, de la tentation de blesser l'autre comme nous sommes blessés, de juger l'autre comme nous sommes jugés, et ouvre notre coeur au pardon reçu et au pardon offert Ne nous laisse jamais désespérer de nos frères et de nous-mêmes, puisque tu es capable de nous transformer.
Fais rayonner en nous et sur nos visages le sourire de ta tendresse. Qu'avec tous nos frères d'ici et de l'extérieur, et comme eux dans une égale dignité, nous soyons toujours les témoins de ton amour dans la vie quotidienne. »