Que la divinité soit miséricordieuse et pardonne les fautes, les païens d'avant la Bible le proclamaient déjà si nous en croyons les traducteurs modernes des hymnes et supplications babyloniennes et égyptiennes1. Cela fait partie des épithètes divines et royales, le roi étant le représentant de la divinité nationale. C'est encore plus vrai du dieu personnel de chaque homme qui est à la fois son maître, son père, son protecteur et son interlocuteur. Quand l'homme est malade ou en détresse, c'est que « son » dieu l'a abandonné, qu'il est en « colère » contre lui. Mais il peut revenir et lui pardonner et lui rendre la plénitude de vie si le fidèle se met « devant » son dieu2. Le Dieu d'Abraham ne fera pas exception et, avec lui, ce qui n'était qu'une intuition parmi d'autres va recevoir un relief et des précisions inconnues.

On sait en effet combien équivoque est le langage. Pourquoi, comment, dans quel but et à quelles conditions le vrai Dieu pardonne-t-il ? Il appartenait à la Bible de le fixer à travers les épreuves purificatrices d'Israël. Le pardon peut être le pardon dédaigneux d'un Royer-Collard : « Vous avez beau entasser injure sur injure, jamais elles n'arriveront à la hauteur de mon mépris ! » Ce peut être le pardon je-m'en-fichiste : « Va ton chemin, je vais le mien… » Il y a aussi le pardon de faiblesse : « Tu fais mal ; tu suis une mauvaise voie, mais je n'ai pas la force de t'en détourner. » Il y a enfin le pardon paternel du Père qui réintègre le fils prodigue dans la famille. Le Dieu des Prophètes allait-il jusque-là ?

Pour savoir en effet tout ce que recèle de richesse divine une parabole comme celle de l'enfant prodigue, il est bon de se rappeler que le Nouveau Testament est l'achèvement de l'Ancien (Mt 5,17). Le don de Dieu est alors total – « consummatum est ». Et il est bon aussi de se rappeler que, en français, il y a, dans « pardon », la syllabe « don ». Mais, pour éviter toute apparence de jeu de mots, suivons le vocabulaire biblique et sa manière d'exprimer le pardon divin.

Origines

La plus ancienne expression est peut-être « faire grâce » : « Noé trouva grâce devant Dieu » (Gn 6,8). Puissance au milieu des autres