Rassemblant des articles publiés dans les revues Carmel et Documents Épiscopat, cet ouvrage souligne d'abord la grâce que représente pour l'Église catholique le Renouveau charismatique, « nouvelle Pentecôte » dont les premiers signes se manifestèrent dès 1967 à l'aumônerie de l'université Duquesne (Pittsburgh, Pennsylvanie). Il rappelle, documents à l'appui, le soutien que lui ont apporté, après le cardinal Léon-Joseph Suenens, les papes Jean Paul II, Benoît XVI et François. Mais le principal souci de l'auteur est de fournir aux membres du Renouveau des clés de discernement face aux manifestations parfois spectaculaires de la vie dans l'Esprit. Si « l'effusion de l'Esprit conduit à la vie mystique », elle n'abolit pas pour autant les principes de discernement auxquels celle-ci a été soumise depuis les origines de l'Église.

C'est à la tradition du Carmel que fait appel le père François-Régis Wilhélem, sans surprise, puis qu'il est membre de l'Institut Notre-Dame de Vie (Vénasque). Face aux complaisances excessives dans les « phénomènes extraordinaires » (guérisons, sommeils mystiques, révélations, prophéties, etc.), l'auteur rappelle l'extrême prudence, pour ne pas dire plus, qu'a toujours manifestée Jean de la Croix, qu'il cite abondamment (Montée du Carmel, II, ch. 11 et 17). Il ne craint pas de citer aussi l'étonnant dossier publié au XIXe siècle par le pasteur presbytérien puis congrégationaliste Charles Grandison Finney sur « les excitations malsaines dans les réveils [revivals] ».

Mais la référence majeure, contemporaine, est le père Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus (1894-1967). L'auteur rappelle et développe la distinction qu'établit celui-ci entre l'action de l'Esprit et ses « ondes de choc », entre « l'action de Dieu [par les dons du Saint Esprit] et l'expérience que nous pouvons en avoir », entre « le cœur de la vie dans l'Esprit » et les phénomènes extérieurs éventuels et secondaires. Il est vrai que l'usage du mot « mystique » et du mot « expérience » par le père Marie-Eugène semble assez flottant et peut prêter à confusion (ainsi : « On ne saurait affirmer qu'il n'y a pas de vie mystique sans expérience mystique »). De manière générale, la représentation de la vie spirituelle et de ses « antinomies » se veut fidèle à la doctrine thérésienne dualiste exposée dans le Livre des demeures, doctrine faisant écho à celle de saint Augustin : distinction entre « secours général » et « secours particulier », Dieu intervenant d'abord pour aider l'âme humano modo puis lui-même directement, divino modo, pour faire accéder à la vie proprement « mystique ».

On le voit, le discernement dont il est fait état dans ce livre porte surtout sur les « phénomènes extraordinaires » de la vie spirituelle qui fascinent certains, ainsi que sur les « formes avancées » de la vie spirituelle. Ceux qui s'estiment débutants dans la pratique de l'oraison et la docilité, au jour le jour, à la voix de l'Esprit dans la parole de Dieu ne s'y reconnaîtront pas nécessairement.