Desclée de Brouwer, coll. « Littérature ouverte », 2010, 253 p., 17 euros.

Voilà un recueil, de belle écriture, de poèmes et de notes de voyages, un peu à la manière d’un Réda ou d’un Jaccottet. Certains textes empruntent aux comptines enfantines, d’autres, à l’adolescence, à l’écriture plus recherchée, naissent à l’ombre des grands : le Rimbaud des villes et des voyelles, où déjà s’affirme l’acuité d’un regard, le désir de se faire voyant. D’autres encore, la plupart, à l’écriture plus épurée, simplifiée, livrent une expérience, où le désir se laisse travailler par le réel, où l’accueil des sensations creuse l’intériorité. Il faut prendre le temps d’entrer dans cette langue, subtile et variée, fluide, à la fois littéraire et facétieuse (goût de la pirouette, liberté de la forme ou du mètre dans les sornets) et qui célèbre les couleurs, les saveurs, les éléments (l’eau, le feu, la terre, et le ciel) entre lesquels les motifs de l’arbre, du puits, de l’échelle, du pont, de l’île, établissent des passerelles. Les oxymores (« ineffable douleur », « sourde jubilation ») disent la complexité du réel que les métaphores renouvellent : « Je bois le silence à la gourde » ; « il me faudra bien délacer mon âme ». Ici, la nuit est un lieu récurrent, comme pour comme Jean de la Croix, comme pour le psalmiste que le désir de Dieu tient éveillé de nuit. De nombreuses résonances scripturaires émaillent ces textes, pour figurer cette rencontre ardente ou blessée. « Dieu parmi les tréfonds de l’âme broussailleuse / est à l’écoute ; au plus profond, / un autre écoute en moi – si loin de moi parfois – Dieu qui prête l’oreille à Dieu. » Rien de convenu dans cette poésie du désir de l’Autre, attentive à ce qui sourd, fervente, spirituelle comme l’esprit qui scrute et gémit devant la création encore dans les douleurs de l’enfantement (Rm 8), espérant le fruit de ce qui a mûri. « Mais douce aux doux, croît vers son heure, / joyeuse, ineffable douleur, / utérine, la vie de Dieu. »