Pour le chrétien qui vit l'absence du Christ comme un manque cruel, la liturgie offre d'habiter l'expérience de la perte, elle fait rencontrer le Dieu qui ne vient pas combler nos manques mais les transforme en une attente féconde. Comme les premiers Apôtres du Christ qui ont eu à vivre sans leur Ami, les chrétiens sont appelés aujourd'hui à consentir à Le perdre pour Le retrouver avec d'autres, en Église. En ces temps de crise ecclésiale, notre Église qui compose avec bien des pertes ne doit-elle pas accepter de recevoir sa pauvreté comme un signe qu'il lui faut inventer les voies nouvelles de sa vie à venir ? L'Arche de Jean Vanier traverse cette douloureuse expérience de la pauvreté à assumer dans la foi en ce qui fait tenir. Même s'il y a des pertes qui ne se compensent pas et pour lesquelles nous refusons d'être consolés, même si l'épreuve de la perte nous fait endurer le souvenir de ce qui a été perdu et qui ne sera pas rendu, quelque chose en nous tient bon, la certitude que, malgré l'évidente défaite, la victoire a été remportée, qu'un avenir encore inconnu peut venir transfigurer le présent.
A l'épreuve de la perte
Nous savons d'expérience qu'il n'y a pas de vie sans pertes, fussent-elles presque insensibles ou au contraire sévères jusqu'à l'irréparable. Quand la perte nous arrache à nous-même et nous livre à l'angoisse, y a-t-il, sous le sol qui se dérobe, un sol plus ferme sur lequel reprendre pied ? Qu'est-ce qui nous permet de garder l'espoir que quelque chose est donné, envers et contre tout ? Avant de chercher des réponses à ces questions, rappelons que vivre à l'épreuve de la perte, c'est tout d'abord accepter de lâcher nos appuis alors que notre premier réflexe est d'essayer de donner un sens à ce qui n'en a pas. À cette tentation, il peut être salvateur d'opposer la plainte. Oser dire notre douleur à nos frères et sœurs ou adresser notre cri au ciel, ainsi que Job l'a fait. Mais, parfois, même notre soutien nous est retiré, la consolation de la foi ou la force du corps par exemple, comme en témoigne Thérèse de Lisieux pendant les mois qui ont précédé sa mort. Ou comme ce que vit toute personne traversant les dépouillements successifs qu'impose le grand âge.