Trad. A. Bernard. Cerf/Éditions franciscaines, coll. « Épiphanie », 2009, 160 p., 14 euros.

Franciscain, l’auteur est professeur d’éthique et d’anthropologie philosophique à Ljubljana et à Toulouse. Ces dix petits essais nourris d’une grande culture, et dans une belle écriture, allient réflexion philosophique et spiri-tuelle, d’une manière dense et accessible, savoureuse.
À l’image de la paume ouverte, une anthropologie de la connaissance est visée, qui ne veut pas posséder mais caresser et se laisser toucher. Elle interroge notre manière de « comprendre », notre rapport à l’Autre et les questions fondamentales de l’existence humaine. Au regard du récit de la Genèse, Edvard Kovac réfléchit à la question du mal et de la douleur, relit l’épisode des tentations de Jésus dans le récit de Luc, qui va jusqu’à la tentation, suprême, d’« exempter le Fils de Dieu lui-même de la mort ». Le Christ, « nouvel Adam », comme le dira Paul, « renonce à connaître même la cause de la souffrance » et « la douleur se découvre au Christ dans sa totalité comme un mystère que nous ne posséderons jamais ».
Dans la lignée de Levinas, l’auteur aborde quelques questions essentielles comme la responsabilité, la justice, le pardon, la primauté de la personne humaine. Rappelant que c’est la pensée européenne qui a réussi à associer foi et raison, il met en garde contre le risque pour une société post-moderne comme la nôtre de rejeter les valeurs héritées de l’époque moderne. Il importe au contraire de préserver la démocratie, toujours fragile, et de sauver la raison. De même, sous le signe de la beauté (unum, verum, bonum), l’art, en lien avec une impulsion religieuse, a ouvert l’homme à plus haut que lui.
Un superbe chapitre sur les troubadours introduit l’évocation de la mystique féminine, une spiritualité incar-née. La lecture du Cantique des Cantiques montre qu’à la différence du mythe grec de l’androgyne (fusionnel et engendrant la tristesse du manque), si le désir de l’autre n’est jamais comblé, c’est pour être relancé. Comme le dit saint Augustin : « Nous cherchons Dieu pour le trouver, et nous le trouvons afin de le chercher de nouveau. » L’iconographie chrétienne nous montre Ève tenant le fruit en sa main fermée, mais Marie à la belle chevelure est tombée aux pieds du Christ, la main ouverte ; elle « ne se tient plus près d’un arbre de la connaissance du bien, du beau, et du mal, mais près du Christ qui est tout cela ».