M’autoriserez-vous, ami lecteur, la seule objectivité qui vaille, celle de l’admiration, et parviendrai-je à susciter en vous curiosité et sympathie pour cette monumentale Histoire littéraire du sentiment religieux, dont la réédition 1, à près d’un siècle de distance, a de quoi intriguer ? Certes, l’abbé Bremond, dont le propos est littéraire, n’a guère souci des critères de rigueur scientifique qui ont cours aujourd’hui ; n’empêche, il a posé la pierre de fondation d’une discipline nouvelle, l’histoire de la spiritualité, à une époque où la question mystique battait son plein : les médecins et aliénistes du XIXe siècle avaient établi leur diagnostic sans complaisance ; les philosophes (Bergson, Blondel et d’autres) s’en mêlent, scrutant les capacités insoupçonnées de l’esprit et, à l’invitation des religieux (les jésuites de la Revue d’Ascétique et Mystique et du Dictionnaire de Spiritualité, les carmes des Études carmélitaines, les dominicains de La