Si l'on en juge par leur étendue dans les rayons des libraires, les livres de spiritualité doivent effectivement procurer quelque bonheur et répondre, pour les chrétiens, à l'attente d'y trouver Dieu. Qu'advient-il dans la lecture spirituelle quand surgissent une expression ou une figure qui nous éclairent et nous réconfortent dans notre existence en désir de Dieu ? Nous nous réjouissons alors d'avoir senti le goût de Dieu, d'avoir reconnu son allure. Mais cette délectation est-elle bien la joie qui signe la présence de Dieu dans la pensée du lecteur ? N'est-elle pas illusion de nos sens, trompés à la lecture même ?
Tentons d'éclairer cette question en nous confiant à l'expérience de maîtres spirituels et de gens de lettres. Rompus à l'art de la lecture, ils nous révéleront peut-être en quel esprit se délecter.

IGNACE OU L'ATTENTION À LA DIFFÉRENCE


Atteint par un boulet de canon au siège de Pampelune, Ignace est contraint de garder le lit. Comme il le raconte dans le Récit, « pour passer le temps », il s'adonne à la lecture des livres de chevalerie. Mais voilà que dans la maison qui le retient ne se trouvent qu'une Vie du Christ et la Légende dorée. Ignace