Parce que, souvent, nos lectures spirituelles, par lesquelles les « dames du temps jadis » nous sont connues, nous parviennent aux termes d'une intense sélection, de réécritures et de contrôles, on pourrait être tenté de prendre quelques beaux arbres pour une forêt qui reste en partie obscure, inexplorée et déroutante. Pour nous atteindre, il fallait que ces femmes fussent exceptionnelles et orthodoxes : quadrature de la sainteté féminine à l'époque moderne. Aventurière et cloîtrée, mystique et active, « sœurs et amantes »2.

On ne proposera pas ici une galerie de portraits mais on essaiera, après avoir planté le décor de l'Ancien Régime, d'esquisser trois modalités des relations entre les hommes et les femmes dans le catholicisme de l'époque moderne, telles qu'elles peuvent apparaître à travers la direction spirituelle. Les femmes sont invitées à prêter leur concours, exercer leur emprise ou se tenir à l'écart. Ces modalités offrent une hypothèse : la conception des relations humaines et sociales que nous avons donne un style à la manière d'exercer la direction spirituelle.

Des femmes saintes à l'époque moderne

Qui a lu un jour Marie de l'Incarnation, Marie Guyart la Tourangelle partie pour Québec, ou Barbe Acarie, son homonyme, qui introduisit en France le Carmel, sans parler de la Grande Thérèse, ne peut qu'avoir été frappé par leur énergie tout aussi puissante qu'est abyssale la force qui les a saisies. L'extase de leur ravissement les porte aussi loin que leur désir de fondation. Toujours dans leur sillage, des hommes : contrainte au mariage par son père, Barbe Acarie, devenue veuve, trouve sa stature avec l'appui de son cousin, le cardinal de Bérulle, qui arrache aux Carmes déchaux le patronage du Carmel féminin pour le placer sous le sien et celui des évêques. Que dire de Marie de l'Incarnation, autorisée à prendre en main les affaires familiales seulement parce que son mari a disparu, mais à qui on ne cessa de reprocher d'avoir préféré l'aventure missionnaire à son fils ? À Québec, il lui fallut compter sur des appuis et des obstacles, religieux et civils. Les portraits des uns et des autres qu'elle dresse dans sa correspondance nous révèlent pourtant ce qui nourrit sa conduite. Ainsi de Monseigneur de Laval, qu'elle respecte, mais dont elle trouve que sa vie spirituelle, austère et humble, lui fait manquer le sens de la réalité concrète que la recherche