Abandon et lâcher-prise sont des notions actuellement très à la mode qui sont souvent perçues comme un degré ultime de prise d'autonomie et de « liberté ». Lâchant prise, c'est comme si je ne dépendais plus de rien, ni de personne, devenant ainsi maître de ma propre vie. Mais le terme d'« abandon » renvoie à deux sens opposés, l'un passif, l'autre actif : être abandonné (j'y subis l'action d'un autre) et s'abandonner (cette fois, c'est moi qui décide). Sauf que (et c'est tout le paradoxe) cela dépend aussi et surtout des expériences relationnelles sur lesquelles je m'appuie : m'ont-elles ouvert, ou non, à la confiance et vais-je alors pouvoir m'abandonner, non plus comme je l'évoquais au début à un sentiment de bien-être, mais à quelqu'un ?

D'où naît la confiance ?

Or cette confiance nous vient d'avoir été primitivement vu par un autre : avant de nous voir nous-même et donc de nous aimer ou non, nous avons été un bébé regardé par sa mère1 : « Je suis regardé, donc je regarde », énonce Donald Winnicott. Mais, précisément, comment ai-je été regardée ? Autant l'intelligence peut se développer grâce à l'acquisition de connaissances, autant la confiance ne peut naître que d'un attachement sécure dans la relation à quelqu'un qui s'est montré fiable. Toute vie individuelle commence sur horizon d'« alliance » avec un autre qui, précisément, initie ou non à ce goût et à ce plaisir de la rencontre, de la mutualité. Or certaines mères, par ailleurs pleines de bonne volonté, mais indisponibles affectivement par peur de la passivité, imposent leurs propres désirs, sans pouvoir prendre en compte ceux de leur bébé. Elles n'arrivent pas à regarder leur bébé, mais se regardent elles-mêmes. Elles font alors expérimenter la rencontre non plus