Ignace d'Antioche, condamné au martyre en l'année 117, rédigea plusieurs lettres qui témoignent à la fois d'un attachement passionné à Jésus Christ et d'un sens aigu de l'Église. Le livre de Philippe Henne recueille d'abord les informations dont on dispose sur sa vie et sur la composition de ses écrits. Il évoque aussi la cité d'Antioche, dont Ignace fut l'évêque, et qui était marquée par un paganisme vigoureux et par la présence d'une importante communauté juive. Ignace se présente lui-même comme le « théophore », c'est-à-dire le « porteur de Dieu ». Ses lettres, adressées à des communautés d'Asie mineure ainsi qu'à la communauté de Rome, le révèlent comme « disciple », « imitateur » du Christ, enflammé d'amour pour lui et désireux de le suivre jusque dans sa Passion, habité par l'espérance ardente de la résurrection. Ignace tient inséparablement la divinité du Christ et la pleine réalité de l'Incarnation (sur ce dernier point, il s'oppose aux courants docètes pour qui le Fils de Dieu n'aurait eu qu'une apparence d'humanité). Il souligne que le Dieu « impassible » s'est fait pour nous « passible », et insiste également sur la résurrection de la chair. Les lettres d'Ignace comprennent par ailleurs des développements importants sur la vie ecclésiale. On y trouve une très belle théologie du baptême, de l'eucharistie et de l'amour fraternel au sein de la communauté chrétienne. Ces lettres affirment en outre l'exigence de l'union entre les croyants et leur évêque (celui-ci étant entouré du presbyterium et aidé par les diacres) : une telle union, pour Ignace, doit avoir pour modèle la communion même entre le Père et le Fils. Ignace est, dans l'état actuel des connaissances, le premier auteur qui ait qualifié l'Église comme « catholique » (dans le double sens d'« universelle » et d'« orthodoxe ») et ses écrits sont aussi de grand intérêt pour une réflexion sur les relations entre les Églises locales. Au terme, Philippe Henne résume ainsi les trois « piliers » de la vie et de la mort d'Ignace : « imiter le Christ dans le martyre, le préserver dans l'unité de l'Église et le recevoir vivant dans l'eucharistie » (p. 206). Cet excellent livre aidera à connaître et à goûter les écrits d'un chrétien de l'Antiquité qui fut un très grand témoin de la foi.