Moine bénédictin à Sainte-Anne de Kergonan, fondateur avec l'abbé Jules Monchanin d'un ashram chrétien en Inde méridionale, Henri Le Saux, de son nom religieux indien Swâmî Abhishiktânanda (1910-1973), se consacra corps et âme à l'essor d'une spiritualité chrétienne ouverte aux traditions de l'Inde et vécue au contact de renonçants et d'ermites hindous. Après le décès de Monchanin, il se tourna toujours davantage vers des lieux saints proches des sources du Gange. De longs séjours en solitude alternaient avec des périodes d'itinérance à travers le sous-continent indien : instructions et retraites à des communautés contemplatives, visites à des amis hindous et protestants, participation active à la réception de Vatican II par l'Église indienne.

Auteur d'ouvrages de spiritualité, il entretenait aussi une abondante correspondance. Nombre de ses lettres ont été conservées par leurs destinataires tandis que les déplacements constants et le grand dépouillement matériel ne permettaient pas au père Le Saux de conserver les lettres reçues. Ce nouveau recueil complète heureusement ce que nous pouvons connaître de son quotidien et de son enfouissement dans le monde hindou.

Henri n'avait guère connu sa jeune sœur Marie-Thérèse (1930-2002), sa cadette de vingt ans. Les 92 lettres qu'il lui adresse s'échelonnent, selon un rythme assez régulier, à partir de l'entrée de Marie-Thérèse (sœur Thérèse) au monastère bénédictin Saint-Michel de Kergonan (1952). Rédigées dans un style familier et sur un ton affectueux, ces lettres invitent inlassablement la jeune moniale à s'enfoncer dans le silence, « seule en face du Seul, seule avec le Seul ». On ne trouvera pas ici de longs développements sur les traditions de l'Inde, ni un écho des réflexions quelquefois angoissées que Le Saux confiait à son journal. De son itinéraire personnel au cœur du monde hindou, le frère aîné retient l'exigence essentielle d'intériorité et il l'exprime, à l'intention de sa sœur, en des termes qui lui sont familiers, et sur un ton apaisé. Les grandes fêtes liturgiques (Noël, Pâques, Ascension…) sont en particulier l'occasion d'appels à descendre, par-delà toutes les formes, au plus profond du mystère du Christ et de son union au Père.

Des notes sobres et précises (complétées par un index des patronymes et toponymes) permettent d'identifier les personnages, d'éclairer les circonstances ou de déchiffrer des allusions.