Dans l'expérience humaine, la joie et la tristesse, les rires et les larmes sont sans doute ce qu'il y a de plus fondamental et cela dès le plus jeune âge. Il en est de même dans notre découverte de Dieu car ces mouvements intérieurs sont à la base de la vie spirituelle.

La présence réjouissante de Dieu

Lorsque le Seigneur se manifeste dans nos vies, la joie apparaît tout de suite et elle nous envahit. Les exemples dans la Bible ne manquent pas : par exemple le Magnificat où Marie exulte de joie, ou encore les disciples de Jésus qui sont remplis de joie quand le Ressuscité vient à leur rencontre. Cette expérience de la joie est aussi celle que nous faisons lorsque nous retrouvons des amis et partageons un repas avec eux. Mais il y a une chose de plus que la Bible nous révèle : cette joie qui nous anime est aussi la joie de Dieu, car le Seigneur se réjouit avec nous et en nous. Nos joies se répondent et viennent à n'en faire qu'une.

"Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Eclate en ovations, Israël ! Réjouis-toi, de tout ton coeur bondis de joie, fille de Jérusalem ! Le Seigneur a levé les sentences qui pesaient sur toi, il a écarté tes ennemis. Le roi d'Israël, le Seigneur, est en toi. Tu n'as plus à craindre le malheur. Ce jour-là, on dira à Jérusalem : 'Ne crains pas, Sion ! Ne laisse pas tes mains défaillir ! Le Seigneur ton Dieu est en toi, c'est lui, le héros qui apporte le salut. Il aura en toi sa joie et son allégresse, il te renouvellera par son amour ; il exultera pour toi et se réjouira'. " (Sophonie 3, 14-17)

 

Les jérémiades de l'humanité

Dans la vie, nous ne sommes pas toujours dans la joie. Des situations peuvent nous conduire à nous plaindre, à nous lamenter de ce qui nous arrive. Dans la Bible, le peuple de Dieu récrimine souvent lorsqu'il trouve que la vie est trop dure ou que le Seigneur ne tient pas sa promesse. Le passage le plus célèbre est celui où le peuple enfin libre, mais affamé dans le désert, en vient à regretter les oignons d'Egypte, quand il était pourtant réduit en esclavage ! Un prophète, Jérémie - d'où vient le moi jérémiade - ira même jusqu'à maudir le jour de sa naissance car il souffre trop. La Bible nous révèle aussi que cette attitude de l'homme bouleverse le Seigneur : il a du mal à saisir nos jérémiades alors que lui nous offre le bonheur.

"Ô mon peuple, que t'ai-je fait ou en quoi t'ai-je contristé ? J'ai rendu la lumière aux aveugles, j'ai purifié les lépreux, j'ai relevé l'homme qui était sur sa couche. Ô mon peuple, en quoi t'ai-je attristé et que m'as-tu accordé en retour ? Pour la manne, tu m'as donné du fiel, pour l'eau, du vinaigre. Pour mon amour, tu m'as cloué à la croix."  (Saint Sophrone - Tropaire des Heures du Vendredi Saint)

 

• Concrètement, comment procéder ?

La dynamique de la Bible peut se déchiffrer à l'aide de ces deux verbes : se réjouir de la création, se lamenter de la dé-création, et se réjouir à nouveau, mais de façon renouvelée, de la nouvelle création inaugurée par le Christ ressuscité. Notre vie quotidienne, comme notre histoire, peuvent être relues de la même manière. Voici quelques pistes concrètes pour avancer dans cette direction.

→ Se réjouir du don de Dieu 

"Tu te réjouiras pour tous les biens que le Seigneur ton Dieu t'a donné, à toi et à ta maison. Avec toi se réjouiront le lévite, et l'immigré qui réside chez toi." (Deutéronome 26,11)

Toute histoire avec le Seigneur commence par une joyeuse reconnaissance, celle des dons dont il a déjà gratifié le monde, les autres et nous-mêmes. Ce n'est sans doute pas pour rien que Saint Ignace de Loyola demande de commencer "l'examen" du soir en remerciant Dieu pour les bienfaits reçus au cours de la journée : telle rencontre, telle parole entendue ou dite, telle action qui a porté du fruit, etc. Se réjouir avec Dieu met dans une juste position à son égard.

→ Se lamenter de nos refus

"Jérusalem, Jérusalem... combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n'avez pas voulu !" (Matthieu 23,27)

 

Combien de fois n'avons-nous pas fait ce constat : ce que nous voulons, nous le faisons pas ; mais nous faisons ce que nous ne voulons pas (tel mensonge ou silence, telle action ou inaction, etc.). Le décalage entre les dons de Dieu et notre manière de lui répondre est bien réel. Et si nous sommes sincères devant Dieu, la honte et la confusion envahissent notre visage. Comme le rappelle Saint Ignace, c'est après avoir été dans l'action de grâce que nous pouvons reconnaître comment nous n'avons pas toujours été ajustés à ces dons. Et nous pouvons alors nous lamenter sur nous-mêmes ou sur le monde, nous étonnant de ne pas être encore capables de produire les fruits d'une conversion tant attendue par le Seigneur.

→ Entrer dans la joie parfaite

"Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite." (Jean 15,11)

Mais la joie l'emporte à nouveau, en emportant tous les pêchés. Le Christ ressuscité offre le pardon à toute la création. Si nous le croyons vraiment, si nous adhérons de tout notre coeur à ce don qui surpasse tout don, alors nous pourrons terminer notre prière du soir en demandant au Seigneur : "Comment, demain, ensemble, vivre de la joie des ressuscités, dans l'allégresse de ceux qui vivent en pardonnés ?" La vie chrétienne est une vie réjouissante pour tous.

 

Ce texte est extrait du Guide pratique pour développer sa vie spirituelle - volume 2 - publié par Vers Dimanche.

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