Un mystique juif de Safed écrivait au XVIe siècle : « Il n'y a rien qui puisse descendre du ciel, s'il n'y a une force qui le désire » 1. Ainsi donc, tout est dans le désir. Bien avant Freud, Jésus tentait de réveiller en ses auditeurs l'attente, la soif, l'aspiration : « Demandez, et l'on vous donnera ! » A l'aube du christianisme comme aujourd'hui, l'obstacle essentiel à son message de libération demeure cette sorte d'anémie du désir où l'on s'accommode de la vie dans une indifférence proche de la désespérance.
« Demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite ! », insiste Jésus dans l'évangile de Jean (16,24). L'absence de complément permet de comprendre ainsi : « Soyez en demande ! » Voilà ce qui est déterminant pour vous acheminer vers la joie « par-faite », « par-achevée », « accomplie » que Dieu vous destine. Si le Christ parlait ainsi, c'est qu'il percevait en l'humain une force susceptible de « désirer ce qui descend du ciel ».
Il faut aller plus loin. Pour lui, le désir tend à la joie, il est même orienté vers l'expérience d'une plénitude de joie dès ici-bas. En effet, il vient de dire : « Si vous demandez quelque chose à mon Père en mon nom, il vous le donnera » (16,23). L'aboutissement du passage (« afin que votre joie soit parfaite ») éclaire rétrospectivement la nature même du désir : si nous prions dans le nom du Christ, toutes nos demandes, dans le fond, creusent en nous l'attente de cette joie pleine dont Jésus faisait l'expérience. Une joie qui faisait envie à ses contemporains. Une joie bien incarnée dont il s'agit de reconnaître la légitimité dans l'existence terrestre : « Maintenant je vais à toi et je dis cela dans le monde afin qu'ils aient ma joie parfaite en eux » (Jn 17,13). Si nous prenons au sérieux les paroles des évangiles, nous ne pouvons renvoyer la joie dans l'au-delà ni en faire le privilège exclusif de Dieu. « Qu'importe qu'il n'y ait jamais de joie en moi,