Les visiteurs de la cathédrale Notre-Dame-des-Anges de Los Angeles (2002), due à Rafael Moneo, emportent surtout le souvenir de la grandiose procession qui figure sur les tapisseries couleur de sable, oeuvre de John Nava, de part et d’autre de la nef. Dans cette commu­nion des saints en marche vers le sanctuaire, des anges anonymes, jeunes et vieux, en vêtements de tous les jours, accompagnent des hommes et des femmes dont la sainteté fait aujourd’hui peu de doute. Parmi eux, les plus aimés de tous, peut-être : Jean XXIII et, à côté de lui, comme à l’abri de sa rondeur généreuse, la frêle silhouette de Mère Teresa de Calcutta.
Les tapisseries orientent le regard des visiteurs vers la clarté du grand vitrail au dessus du maître autel. Personne ne semble contempler cette clarté plus intensément que la sainte de Calcutta, à propos de laquelle l’écrivain Malcolm Muggeridge écrivait si jus­tement : « En une époque de ténèbres, elle est un feu qui brûle et qui éclaire ; en une époque de cruauté, une vivante incarnation de l’évangile d’amour du Christ ; en une époque sans Dieu, le Verbe habitant parmi nous, plein de grâce et de vérité. Tous ceux qui ont le privilège inestimable de la connaître peu ou prou doivent lui en avoir une reconnaissance éternelle. » Nous savons mainte­nant que la lumière et la joie qui irradiaient son visage souriant allaient pourtant de pair, en son âme, avec une obscurité presque inimaginable.

Une vie au service des pauvres


Gonxha Agnes Bojaxhiu est née de parents albanais en 1910 à Skopje dans l’ancienne République Yougoslave de Macédoine. Elle fréquenta des écoles serbo-croates et, dès 1922, comprit qu’elle avait vocation pour les pauvres et devait être missionnaire. Six ans plus tard, elle partit pour Dublin (Irlande) où elle entra chez les Soeurs de Notre-Dame de Lorette. L’année suivante, elle fut envoyée en Inde. Lors de sa profession solennelle en 1937, sous le patronage de Thérèse de Lisieux, elle reçut le nom sous lequel elle serait dé­sormais connue. Alors qu’elle était heureuse dans sa communauté, elle eut la surprise de se sentir soudain appelée, en un moment d’intense intimité avec Jésus, « à tout abandonner et à sortir dans les rues : suivre le Christ dans les bidonvilles pour le servir parmi les plus pauvres des pauvres ». En 1948, l’archevêque jésuite de Calcutta, Ferdinand Périer, l’autorisa à vivre hors du couvent ; un an plus tard, elle inaugurait sa première communauté