Le désir de rejoindre les périphéries pourrait nous installer dans l'illusion de possibles retrouvailles à bon marché où s'opérerait une réconciliation facile, chemin d'accès sans entrave à la pleine communion entre tous. Nous savons bien, cependant, que cette aspiration profonde de l'Humanité est aux prises avec un doute radical sur la possibilité de vivre les uns par les autres, les uns des autres, insinué en nous par le diviseur (diabolos). De cela, nous ne pouvons faire fi. Mais, alors, nous rencontrer par-delà les frontières, pouvoir serrer l'étranger sur notre cœur, sentir au plus profond ce qui nous réunit malgré tout ce qui nous sépare, est-ce une promesse valable seulement pour la Fin des temps, pour la grande réconciliation en Dieu, quand il aura essuyé toute larme de nos yeux et qu'il n'y aura plus de mort, ni de pleurs, ni de cris, ni de peine (Ap 21,4) ? Est-il légitime d'espérer en bénéficier dès maintenant ? Et, si oui, comment s'assurer que nous ne sommes pas en train de courir après une chimère ?

Pour éclairer ce point, je propose dans un premier temps de revenir sur la notion de « périphérie » qui a fait florès à partir de la prédication du pape François, pour y distinguer deux types de réalités qu'on ne peut aborder de la même manière. À partir de là, nous pourrons revenir à la question que je viens de signaler. Enfin, en écho à la réflexion de Christoph Theobald qui, dans son livre Urgences pastorales. Pour une pédagogie de la réforme dans l'Église1, s'inquiète d'une certaine perte du dynamisme missionnaire de l'Église, on s'interrogera : n'y aurait-il pas, autour des surprises que nous réservent les périphéries, de quoi retrouver un esprit missionnaire audacieux ?

 

Déroutantes périphéries

 

Au cours du conclave de 2013, celui qui n'était pas encore le pape François a déclaré : « Évangéliser implique un zèle apostolique. Évangéliser présuppose dans l'Église la parrhésia ["l'audace"] de sortir d'elle-même. L'Église est appelée à sortir d'elle-même et à aller vers les périphéries, pas seulement géographiques, mais également celles de l'existence : celles du mystère du péché, de la souffrance, de l'injustice, celles de l'ignorance et de l'absence de foi, celles de la pensée, celles de toutes les formes de misère. »2 Ce qui deviendra le leitmotiv de son pontificat était clairement énoncé : un appel adressé aux communautés chrétiennes à trouver un nouvel élan pour le service de l'Évangile, dynamisme que l'on trouve lorsqu'on se risque à ce qui demeure lointain et déroutant.

Il semble que Jorge Mario Bergoglio distingue en réalité deux types de périphéries : celles qu'il qualifie de « géographiques » et celles « de l'existence ».

Les premières font rencontrer des êtres qui évoluent dans un environnement tout autre que le nôtre, qui n'ont pas la même histoire, pas la même culture et donc pas les mêmes repères, ni les mêmes manières de réagir. Je suis confronté à une vision du monde étrangère à celle qui, plus ou moins consciemment, m'a façonné. L'évocation de ce type de périphéries suscite, aujourd'hui, avant tout la curiosité, un désir de connaître et de s'approcher de ces déploiements de l'aventure humaine si distincts de ceux qui me sont familiers (sans quoi, les agences de voyages feraient faillite). Comment ces êtres du bout du monde vivent-ils l'aventure humaine, sur quelle musique chantent-ils l'amour, comment se voient-ils dans le monde et regardent-ils ce qui nous dépasse ? Leur simple existence donne envie d'en savoir un peu plus. N'auraient-ils pas découvert des trésors que mes conditionnements m'ont jusqu'à présent cachés ?

Le second type de périphéries est, lui, d'un tout autre ordre. Quand elles se caractérisent, selon les mots du cardinal Bergoglio, par le péché, la souffrance, l'injustice, l'ignorance, l'absence de foi et toutes les formes de misère, il s'agit ni plus ni moins de l'humanité aux prises avec le mal, abîmée par lui, parfois même profondément dégradée au point parfois de perdre figure humaine. Ces périphéries, contrairement aux précédentes, n'attirent pas du tout. Elles effraient. Et, face à elles, le réflexe est de chercher à les maintenir le plus possible à distance. L'humanité prise dans les rets du malheur fait peur. On la soupçonne d'être elle-même imprégnée du mal qui l'a affectée : n'est-elle pas violente, sans foi ni loi, va-t-on pouvoir faire affaire avec elle, parviendra-t-on seulement à se parler ? Et puis, on n'a tout simplement aucune envie de s'approcher de ce qui évoque pour nous le chaos, l'échec et la mort ; par crainte, sans doute, d'une sorte de contamination.

Nous ne réagissons donc pas du tout de la même manière en face de ces deux types de périphéries. Elles ne nous exposent pas non plus aux mêmes difficultés. Dans la rencontre de l'étranger, la tentation est de penser trop tôt qu'on l'a compris, que l'on va pouvoir très vite s'élancer sur les chemins qu'il a explorés et les faire nôtres. C'est, finalement, le réflexe de s'emparer de son trésor ; le plus souvent, en le laissant, lui, de côté. La confrontation à ceux qui sont frappés par le malheur réveille, quant à elle, des réactions plus primaires : celle, tout simplement, de la fuite, de l'indifférence – lorsqu'on ne voit absolument pas comment approcher ces êtres en galère – à moins que les signaux de détresse qu'ils envoient n'aient pour effet que de nous rassurer : au moins, nous ne sommes pas comme ceux-là ! (Un peu comme dans la parabole du pharisien et du publicain en Luc 18,9-14.) Cela dit, lorsqu'une vraie rencontre peut avoir lieu à partir de ces deux réalités déroutantes, les fruits recueillis, eux, se ressemblent.

 

S'approcher ensemble d'une source

 

La confrontation à ce qui m'est étranger – mais présente une variante viable de l'expérience humaine – permet de reconnaître, par-delà tout ce qui nous sépare, une sorte de racine commune, impossible à objectiver et qui, justement, autorise la rencontre : surprise de nous découvrir capables de recevoir et de donner (les échanges de cadeaux accompagnent souvent les tout premiers contacts), de nous étonner de nos différences, d'en rire et de percevoir, au fond de regards habités par des horizons si différents, une lueur qui ne nous est pas inconnue : désir de vivre, conscience d'une fragilité, aspiration à un accomplissement, goût de l'autre, etc.

Ce type d'expérience – que font, par exemple, ceux qui séjournent un bon temps en terre étrangère – donne une conscience vive de ce que l'Humanité est plurielle, mais que des rencontres sont possibles en s'appuyant sur un « je-ne-sais-quoi » qui, précisément, empêche de tourner en boucle sur nous-mêmes. La perception de ce presque rien que nous avons en commun permet également d'opérer une distinction salutaire entre ce qui nous met tous en genèse (ici, le croyant pourra librement reconnaître et nommer Dieu) et les constructions mises en œuvre pour vivre ensemble, nécessaires, bien sûr, mais qui ne donnent pas la vie. La rencontre de l'étranger permet d'éviter d'absolutiser les formes élaborées (au fil des siècles !) pour nous organiser. Elle nous rend sensibles à leur relativité ; ce qui permettra de les critiquer, de les réformer ou d'en inventer de nouvelles variantes.

Le chemin fait avec ceux qui portent dans leur chair les attaques du mal est plus difficile et plus âpre. Face à eux, je fais très vite l'expérience que tous les « trucs » que je mets habituellement en œuvre pour faciliter la relation ne marchent pas : l'échange des gratifications, en particulier, ne donne rien. Sauf si je me sauve et esquive le rendez-vous – ce qui arrive souvent, hélas –, je suis convoqué à un autre mode relationnel qui passe d'abord par la reconnaissance de ce que je me retrouve bien démuni et gauche. Et c'est à partir de ce point-là, et sans le quitter, qu'une relation sera peut-être possible : à partir de cet aveu – guère explicité en général, car de telles choses se disent plutôt à demi-mot – d'une difficulté à être simplement soi face à l'autre, nous avons peut-être une chance de nous rencontrer. Même si tout le reste continuait à nous séparer, nous avons au moins cela en commun qui révèle une non-assurance, une fragilité profonde et c'est elle qui ouvre pour l'autre un espace.

Ce deuxième type d'expérience – que nous faisons pour peu que nous ne nous dérobions pas à nos proches frappés par le malheur – permet souvent de découvrir, comme une heureuse surprise, la grande proximité de Dieu avec l'Humanité en souffrance. Ce peut être d'ailleurs pour nous un choc, voire une occasion de jalousie : pourquoi cette grâce pour cette personne si abîmée, parfois rongée par des addictions, des problèmes psychiques ou par la violence ? On a bien de la peine à voir quels mérites cette grâce viendrait récompenser. Eh bien, n'est-ce pas précisément l'occasion d'apprendre que la grâce est… gratuite, sans autre pourquoi que « parce que c'est toi ». Et puis, on découvre aussi à cette occasion combien nos yeux sont empêchés de voir l'œuvre de Dieu, du fait des nombreux préjugés passés en nous sous forme de réflexes qui conduisent très souvent à évaluer, comparer, classer sur des échelles de grandeur, nous installant ainsi, tranquillement et dans l'honorabilité, à la place même de Dieu. C'est pourquoi l'amour de Dieu pour les humiliés nous surprendra toujours, autant qu'il a surpris en son temps les pharisiens et les docteurs de la Loi. Et nous ne sommes certainement pas mieux lotis qu'eux !

Ainsi ces deux figures de la périphérie font passer par des chemins bien différents mais ramènent finalement au même point, à la découverte d'une grande proximité conjuguée à la conscience de ce qu'une grande distance – parfois un véritable abîme – nous sépare. Et c'est précisément lorsqu'on admet et respecte cette distance qu'une telle connivence est donnée, très souvent d'ailleurs sans qu'on l'ait cherchée, comme un cadeau. Elle est alors, bien sûr, source d'une grande joie.

Pourrait-on en parler comme d'une expérience de communion par-delà de grandes différences ? Oui, mais c'est une communion qui attend encore son accomplissement. Car, chaque jour, ce qui nous distingue et souvent, en fait, nous oppose, se manifeste à nouveau. Ne pas le reconnaître serait mentir ; et faire comme si nous étions sans cesse en plein accord ferait violence, en réalité, à l'un ou l'autre des partenaires. Cela dit, le caractère très lacunaire de cette communion n'empêche pas d'agir ensemble. Cette communion est donc en fait promesse d'une communion sans ombre, malgré tout ce qui continue de nous séparer. Cette expérience où proximité, distance, tensions et communion se mêlent a un nom : elle s'appelle « fraternité »3. Élément clé du vocabulaire des chrétiens des premiers siècles, elle atteste la possibilité de liens concrets et forts, non soumis à conditions, par-delà de très grandes différences sociales ou culturelles ; sans oublier que la rivalité et la violence peuvent toujours resurgir, comme les textes bibliques sur les rapports fraternels4 le rappellent.

 

Fraternité, nouveau nom de l'évangélisation ?

 

Voilà qui permet de rejoindre notre seconde question sur le dynamisme missionnaire et d'y apporter, je crois, une précieuse contribution.

Quel ressort l'Église peut-elle retrouver aujourd'hui pour sa mission d'évangélisation ? Ce n'est pas du tout une question anodine. On doit reconnaître qu'avec tous ses défauts, la catéchèse issue de la théologie scolastique (qu'on appelle souvent pour simplifier « catéchèse tridentine ») s'est montrée capable d'envoyer au bout du monde des milliers de missionnaires plein d'audace qui ont partagé, avec la mentalité et l'imaginaire qui étaient les leurs, leur foi aux peuples qu'ils découvraient. Elle disposait d'un ressort puissant à travers l'angoisse que ceux qui meurent sans les sacrements ne puissent avoir accès à Dieu. Cet élément, malgré tout central dans la pastorale durant des siècles, nous ne pouvons plus le tenir aujourd'hui. Et, même si nous voulions y faire retour (on peut parfois en être tenté), le ressort est de toute façon cassé, tout simplement parce qu'il nous apparaît aujourd'hui évident que l'Évangile ne nous autorise pas à tenir ce type de représentations du salut. Ce ressort, désormais, ne peut plus produire que des groupes sectaires ou des communautés pathologiques.

Reste cependant la question : quel ressort peut donner aux chrétiens d'aujourd'hui autant de zèle et de passion évangélisatrice qu'à François Xavier, Pierre Claver5, Marie de l'Incarnation, Catherine de Saint-Augustin, Philippine Duchesne, François Libermann ou Mgr Lavigerie ? L'Église de Vatican II a rendez-vous avec cette question qui l'a taraudée en fait durant tout le XXsiècle, où de grands élans missionnaires jouant sur différents ressorts se sont succédé. Parmi ceux-ci, on pourrait citer le souci d'initier à l'expérience spirituelle de la rencontre du Christ, la volonté de s'opposer à ce qui, dans le monde, contredit le don de Dieu, le désir de faire découvrir comment l'irruption de l'Esprit change notre vie, etc. Chacun d'eux est parfaitement valable et précieux ; il leur manque cependant parfois de parvenir à conjuguer véritablement l'urgence de l'Évangile avec la gratuité du don de Dieu, risquant d'aller soit vers un certain volontarisme (l'urgence sans la grâce : ce serait la tentation d'une pastorale du type de l'Action catholique ou d'une sensibilité proche de la « théologie de la Libération ») soit vers une sorte de christianisme de confort (la grâce sans l'urgence : ce serait le risque du « pastoral counseling » ou d'une pastorale axée sur l'expérience spirituelle, qu'elle soit de type traditionnel ou charismatique).

Or, je crois, qu'à partir de l'enseignement du pape François (et tout ce qui l'a précédé, accompagné et qui continuera de le déployer), nous avons affaire à une proposition susceptible de relever le défi de conjuguer l'urgence de l'Évangile (car, aux périphéries existentielles, on est confronté à ce qui dans le monde conduit vers la mort) avec l'accueil du don de Dieu (car, en ces mêmes lieux, on fait également l'expérience, surprenante, de ce qui relève). N'y a-t-il pas ici de quoi éveiller un désir ardent de porter l'Évangile, donnant en même temps d'éprouver sa force salvifique ? Avec, en outre, à partir des discernements qui s'opèrent en ces lieux, un questionnement sur les manières d'être au monde, touchant à la fois les personnes et les structures ? Et puis, il s'agit d'une dynamique dans laquelle l'évangélisateur reçoit lui aussi l'appel à la conversion, et donc d'une pastorale qui fait redécouvrir le caractère réversible ou circulaire de l'évangélisation6.

Le point clé tient à la relation à celles et à ceux qui vivent dans ces périphéries existentielles qu'évoque le pape François. Face à eux, on perçoit tout de suite qu'il est question de vie et de mort : pas seulement de leur disparition physique (souvent prématurée), mais aussi de la vie et de la mort qui travaillent notre société. Car la rencontre de ceux qui sont attaqués par la misère jette une lumière crue sur nos manières de fonctionner : « Aussi longtemps qu'il y a un homme dehors, la porte qui lui est fermée au nez ferme une cité d'injustice et de haine », avait écrit Charles Péguy7. Les retrouver comme des frères et des sœurs passe donc par la reconnaissance de ce qui, dans nos manières de nous organiser, provoque le malheur de certains ou les laisse seuls. Il y a là une possible et sérieuse expérience de conversion.

Mais le chemin fait avec ceux qui sont aux prises avec « toutes les formes de misères » est également l'occasion de faire retour à la source, à ce qui nous met ensemble en genèse. Tout simplement parce que les personnes qui errent au bord du monde ne supportent plus l'échange calculé : elles obligent à une relation qui n'a pas d'autre pourquoi que « parce que c'est toi », nous ramenant ainsi au cœur des harmoniques de l'Alliance. C'est pourquoi, avec elles, nous sommes amenés – de part et d'autre – à faire l'expérience du don de Dieu, force qui révèle ce qui va à sa perte et en même temps permet de nouveaux commencements, ouvre au pardon et invite déjà à fêter les retrouvailles. Vraie force de salut, source d'une grande joie simple et paisible, où notre relèvement s'opère dans une pleine lucidité sur notre réalité présente, modeste, pleine d'aléas, souvent même médiocre, et pourtant visitée par Dieu.

C'est pourquoi le temps présent nous convoque à redécouvrir l'évangélisation comme expérience de la fraternité. Pas une fraternité de l'entre-soi, bien sûr. Celle-ci s'étiole bien vite car, évitant les périphéries existentielles, elle ne va pas au-devant des lieux où il y va de la vie ou de la mort d'êtres humains ; ce faisant, elle ne parvient pas à se confronter à la question du salut, telle qu'elle se pose pour le monde aujourd'hui. C'est un christianisme petit format, agréable à transporter avec soi, mais à qui il manque la force du « Dieu qui donne la vie aux morts et appelle à l'existence ce qui n'existait pas » (Rm 4,17). La fraternité en Christ, quant à elle, est indissociable de la recherche des plus petits, de ceux qui sont loin de notre champ de perception, en train de disparaître, de basculer hors de notre monde. Un Messie crucifié ne peut que nous conduire jusque-là. Et ce sont ceux qui lui ressemblent, les plus petits d'entre nos frères, qui empêchent d'oublier ce visage du Christ humilié et cependant plein de force et de gloire. C'est pourquoi, ils sont de véritables guides pour l'Église, capables de l'aider à affermir ses pas en direction de ceux qui vivent dans l'ombre de la mort.

Je parie que, dès que l'Église parvient à donner consistance à une pastorale de ce type, elle retrouve les couleurs de sa jeunesse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
1 Bayard, 2017.
2 Ces propos de Jorge Mario Bergoglio ont été recueillis par le cardinal Jaime Lucas Ortega, archevêque de La Havane, qui lui a demandé le texte de sa communication orale.
3 Voir Michel Dujarier, Église fraternité. L'ecclésiologie du Christ frère aux huit premiers siècles, Cerf, deux volumes, 2013 et 2016.
4 Le livre de la Genèse, notamment, est rempli d'histoires de rivalités entre frères.
5 Cf. pp. 94-104.
6 L'évangile de Marc en témoigne : Jésus propose aux disciples l'attitude des enfants comme clé pour entrer dans le Royaume, alors même qu'ils étaient en train de les rabrouer (Mc 10,13-16) ; l'épisode de la guérison de Bartimée montre la foule et les disciples retournés par l'accueil que fait Jésus à ses cris (Mc 10,46-52) ; et, dans les Actes (Ac 10 – 15), on voit la première communauté élargir considérablement ses horizons en constatant que les païens reçoivent eux aussi l'Esprit.
7 C. Péguy, De Jean Coste, Acte Sud, « Babel », 1993, p. 55.