Les économistes le disent : les dépenses de cet été sont plombées par la crise ; moins de français partent en vacances. 
 
Cependant, pour le plus grand nombre s’impose quand même la logique économique propre à l’été. Dans un budget toujours trop étroit, l’été reste le prétexte de briser l’obligation pénible de calculer au plus juste. L’argent y coule comme le sable chauffé entre les doigts. Chacun regarde par-dessus la haie de son jardin pour découvrir, comme la chèvre de monsieur Seguin, que l’herbe du voisin est plus verte, que les vacances du collègue sont plus excitantes, plus belles, et font envie. Voyage, montagne, mer, l’essence, la voiture, le camping, l’hôtel, sans compter les ‘faux frais’ qui sont de vraies dépenses, tout cela s’accumule dans un embrouillamini de besoins, ceux des proches s’ajoutant aux siens propres. Même sans regarder par-dessus la haie, les dépenses de l’été se multiplient comme des cellules cancéreuses : il faut aller plus loin, plus vite, plus longtemps que l’an passé. Logique infernale ! Car l’enfer, c’est l’enfermement, enfermement qui, en été, ne semble bienheureux que dans l’oubli des contraintes monétaires. Il est cependant une bonne raison d’en sortir : ce bien-être estival est miné par la peur du monde réel, celui de l’argent avec ses limites et ses contradictions, monde réel qu’il faudra bien affronter dès le mois de septembre. Le déni estival, ce n’est pas la vie, c’est un fantasme ensoleillé.
Comment rompre cet enfermement ? En orientant l’argent de l’été vers une vraie récréation. Pour les enfants des écoles comme pour tout-le-monde, la récréation est le temps d’une nouvelle création. L’argent y joue le rôle de serre-file. La récréation est le moment où l’esprit met un ordre nouveau dans le tohu-bohu de la vie, pour faire émerger des choses inédites. Mais cela n’est possible qu’à deux conditions : d’abord en acceptant que le serre-file, l’argent, soit au service d’un ordre porteur de sens ; ensuite en cherchant ce sens dans ce qui tisse dans une relation vraie avec le monde, monde lointain des pays à découvrir, monde plus proche des projets à soutenir, monde immédiat des amis et parents à entretenir. Le critère en sera la disparition de la peur, peur de dépenser trop et peur du mois de septembre, peur de redescendre de la montagne ou de quitter le sable de la mer. Pendant l’été, se mettre en retrait des préoccupations économiques, c’est bien ; dépenser son argent pour se préparer à les affronter, c’est mieux. Selon le livret des Exercices spirituels de Loyola, Joachim et Anne, prévoyaient trois parts dans leur budget : la première pour les pauvres, la deuxième pour le temple, la troisième pour leurs propres besoins. Pourquoi ne pas les imiter ? À la manière des bonnes ménagères qui vont au supermarché avec une liste bien définie, prévoir les dépenses de l’été avant que les envies mal réfrénées ne viennent grossir la facture, s’interroger sur qui en supportera le coût et qui en bénéficiera, c’est transformer les châteaux de sable en forteresses solides et insérer le budget de l’été dans la vie réelle, celle où Dieu vient rejoindre l’humanité.

Augustin Duponant