Édith Stein (1891-1942) a fait de la constitution de la personne humaine le foyer de sa réflexion philosophique, son œuvre pouvant être lue comme une thématisation rigoureuse et originale de cette question. Dans l'économie steinienne, l'analyse phénoménologique de la personne est tributaire d'une compréhension de l'âme humaine. Ces dernières années, plusieurs travaux scientifiques ont démontré l'importance de cette notion, par exemple pour saisir le sens de l'individualité personnelle (Christof Betschart, 2013), laquelle renvoie au noyau intangible de l'âme (Bénédicte Bouillot, 2015), ou encore pour rendre compte de la formation intégrale de la personne humaine (Éric de Rus, 2019).

Épouse, mère d'une famille nombreuse, détentrice d'un doctorat canonique de philosophie (Institut catholique de Toulouse) consacré à l'essence du féminin selon Édith Stein, Marion Lucas a souhaité, par cette première publication, porter cette question de l'âme à un large public. Son ouvrage se présente comme une réflexion sous forme de méditation, à la fois témoignage et expression d'une dette de gratitude envers Édith Stein « dont la lecture a tout changé » pour Marion Lucas, éveillant en elle le désir « de l'imiter » et d'en transmettre « le message » (p. 9).

En affirmant que « l'âme est un mystère » (p. 15), l'auteure invite conjointement son lecteur à « contempler » et à « progresser dans la compréhension que l'on peut en avoir » (p. 16). Dès le départ, elle assigne au terme « âme » « un sens très large » : celui de « ce qui anime la vie intérieure de la personne humaine » (p. 17). Sur cette assise, Marion Lucas dessine un itinéraire spirituel dont les « différentes étapes » constituent « autant de propositions d'un art de vivre sa vie intérieure, dans le sens de la beauté, c'est-à-dire de son libre déploiement personnel » (p. 18).

L'acheminement vers l'intériorité de l'âme et la participation à la « lumière divine » (p. 45), véritables ferments de la maturation de la personne humaine (I), sont solidaires d'une ascèse personnelle (II) visant à honorer les « besoins » de l'âme (air, lumière, gratuité, courage, silence), l'enjeu étant de « rassembler […] ses forces pour affronter ensuite la vie » (p. 75). L'auteure rappelle à juste titre que l'intériorité, selon Édith Stein, n'est pas clôture sur soi mais ouverture à la réalité à partir du sens affectif, cet organe de l'âme qui permet d'assimiler ce à quoi elle s'ouvre et d'en accueillir la vertu formatrice afin de s'engager dans le sens du bien, du beau et du vrai, ce qui n'est autre que vivre de manière responsable (III). Cet art de vivre à partir de l'intériorité culmine dans le libre don de soi qui est le fruit de la grâce divine (IV).

Au fil de l'itinéraire spirituel qu'elle expose, l'auteure examine certaines dimensions cruciales de l'expérience humaine (l'activité de l'intelligence, la vie affective, etc.) qu'elle confronte aux éléments qu'elle emprunte à la pensée d'Édith Stein (l'union de l'âme et du corps, la responsabilité personnelle, etc.), avec la conviction que celle-ci peut aider chacun à ouvrir un chemin vers une vie plus pleine et heureuse, c'est-à-dire une vie offerte avec amour et par amour.

L'ouvrage de Marion Lucas est tout à la fois signe et appel : trace de la fécondité créatrice de l'enseignement d'Édith Stein, il invite son lecteur à s'élever de la voix qui en transmet le message jusqu'à la parole qui en est la source cachée.