Sully, 2006, 263 p., 22 euros.

Thérapeute et éveilleur spirituel, s’adressant dans un langage imagé et sans prétention théologique à des religieux en crise, inculturant la spiritualité ignatienne dans un contexte marqué par les grandes religions d’Asie, Anthony de Mello répugnait à fixer sa parole dans des écrits. Le jésuite indien usait avec humour de contes et de métaphores déconcertantes. S’exprimant dans un langage qui interpellait son auditeur, de Mello a ainsi développé une psychopédagogie spirituelle pour oeuvrer à la guérison et à la libération de ceux qui se sentaient oppressés par une attitude malsaine envers la vie. Processus d’éveil à la liberté, sa spiritualité peut se résumer en quatre étapes : 1. Le bonheur est le but de la vie, alors que, pour beaucoup, la vie n’est qu’une expérience de souffrance ; 2. La cause de la souffrance est l’attachement ; c’est-à-dire le fait de poser des conditions préalables à l’obtention du bonheur ; 3. Il y a un chemin pour sortir de la souffrance : le détachement par la prise de conscience et le discernement ; 4. Le bonheur est la liberté.
On reconnaît en filigrane la trame des Exercices spirituels d’Ignace de Loyola. Certes, la figure christique n’est pas explicitée et le chemin proposé peut sembler verser dans l’introspection gnostique. Pourtant, si l’on connaît la fidélité de l’auteur à la tradition chrétienne, son intention apostolique et le contexte oral de ses écrits, l’on peut s’étonner de la condamnation romaine intervenue onze ans après sa mort. Outre une biographie et une présentation de la spiritualité d’Anthony de Mello, l’ouvrage d’Anand Nayak offre une lecture critique de la notification de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, qui a tendance à méconnaître les écrits et le contexte dans lequel enseignait le jésuite indien.
On saura gré à l’auteur d’avoir rouvert avec compétence et clarté ce dossier pour exposer et justifier la pensée d’un éveilleur de Dieu. Si une question, à notre avis, devait cependant être formulée à l’encontre de la doctrine spirituelle du jésuite indien, elle ne serait pas d’abord sur sa théologie, mais sur le rôle que joue effectivement l’incarnation dans son oeuvre. La misère concrète du peuple indien appelant une justice sociale, par exemple, y est-elle prise vraiment en compte ? Ceci dit, on ne peut que recommander la lecture de cet ouvrage à tous ceux qui cherchent un chemin authentique et adapté pour s’éveiller à leurs profondeurs et à la liberté.