Le cardinal Walter Kasper s’est fortement engagé au cours du Synode extraordinaire de 2014 en faveur d’une proposition de révision de la discipline de l’Église vis-à-vis des divorcés remariés, dans l’intention de clarifier les conditions auxquelles certains d’entre eux pourraient être admis à l’eucharistie. Cette question doit conduire normalement à des décisions lors du prochain Synode d’octobre 2015. Dans le même esprit, c’est une petite somme sur la miséricorde que nous livre son dernier ouvrage, qui passe en revue toutes les harmoniques du terme, depuis notre actualité jusqu’à son fondement philosophique et sa présence dans l’histoire générale des religions ; qui relit, à travers l’Ancien et le Nouveau Testaments, toute l’histoire chrétienne du salut de ce point de vue central et trop oublié. La miséricorde est un autre nom de l’amour de Dieu, mais un nom qui ajoute la note de compassion concrète et vivante, illustrée dans combien de scènes de l’Évangile. « Heureux les miséricordieux », cette formule appartient à la série des béatitudes placées au seuil du Sermon sur la montagne, c’est-à-dire de l’annonce de l’Évangile. Le théologien n’oublie pas de fonder cette perspective dans la doctrine des attributs divins et en situe la source dans le Coeur de Jésus. Mais la miséricorde ne doit pas être confondue avec ses faux-semblants que sont le laxisme ou une permissivité trop facile : elle a de fortes exigences comme celle de l’amour des ennemis. Dans le sillage du Christ, l’Église a l’immense responsabilité de gérer dans notre monde la miséricorde divine. Elle en est le « sacrement » global et elle l’exerce en particulier dans le ministère du sacrement de réconciliation, où la parole du pécheur est entendue de manière humaine et conduit à la parole du pardon et aussi à celle de la consolation. Mais le droit canon est-il toujours miséricordieux ? Certainement dans son intention de respecter le droit des personnes. Mais son application peut poser problème. L’auteur n’oublie pas ce thème délicat, mais sans entrer dans les détails. Il aborde la dimension sociale et politique de la « civilisation de l’amour », selon le mot de Paul VI, sans oublier que Marie est dans l’Église le modèle originel de la miséricorde. Ce beau livre, à la fois simple et très réfléchi, est nourri de nombreux textes bibliques ou de la tradition de l’Église.
 
Bernard Sesboüé