Aussi, je vous le dis, tout péché et blasphème sera remis aux hommes, mais le blasphème contre l'Esprit ne sera pas remis. Et si quelqu'un dit une parole contre le Fils de l'homme, cela lui sera remis ; mais s'il parle contre l'Esprit saint, cela ne lui sera remis ni en ce monde, ni en l'autre.
Matthieu 12,31-32
Un péché impardonnable ?

Ce passage de l'évangile de Matthieu laisse bien des lecteurs chrétiens dans la perplexité, quand il n'est pas, pour eux, source de scandale. Comment, ce même Christ qui nous demande de pardonner soixante-dix-sept fois sept fois semble formellement affirmer qu'il existe, aux yeux de Dieu, un péché sans pardon, « ni en ce monde, ni en l'autre » ? Dieu nous demanderait-il une générosité qu'il serait incapable de pratiquer ?

À l'arrière-plan se dessine d'ailleurs l'image d'un Christ sévère et redoutable, prophète du malheur qui va accabler Israël pour son incrédulité, mettant les hommes devant un choix accablant, entre une perfection qui leur paraît inaccessible – celle du Sermon sur la montagne – et une perdition totale1. Mais ce texte-ci semble porter au comble la dureté : car, ailleurs, le pardon reste du moins offert et, si la porte est étroite, elle demeure du moins ouverte. Ici, tout espoir semble perdu et tout chemin barré.

Qu'est-ce que ça veut dire ? Je vais risquer une interprétation de ce texte, dont je ne prétends pas qu'elle est la bonne, surtout après tant de savants commentaires. En revanche, si elle a quelque vérité, nous pourrons peut-être y trouver clarté à propos du péché et de son lien avec la « perdition » et la culpabilité. On peut déjà noter que le contexte est extrêmement polémique : c'est une parole de combat, contre ceux qui refusent