Préf. T. Spidlik.
Lessius, coll. « La part-Dieu », 2005, 192 p., 22 €.


En Occident, la vie consacrée est l'objet d'interrogations auxquelles la collection « La part-Dieu » s'efforce de répondre depuis quelques années Un ouvrage sur la tradition des moines d'Orient s'imposait, et le défi a été relevé par un membre du Centra Aletti de Rome, institut consacré au dialogue entre les « deux poumons » de l'Eglise. Défi, car en la matière poncifs et attendus sont considérables.
Pourtant, lorsqu'on lit le petit ouvrage de Michelina Tenace, la tentation est fréquente de vérifier le sous-titre porté sur la couverture, tant il ne semble guère être question de la vie consacrée. Bien sûr, puisqu'il s'agit d'Orient, les lumières d'Antoine, et du Mont Athos sont convoquées, leurs fruits si « catholiques » que sont la Philocalie ou la défense des images sont dûment énumérés. Mais le doute ne cesse de nous saisir,  est-ce un livre sur la vie monastique ou plus simplement, et avec une rare générosité, un livre sur la vie chrétienne ?
Une telle question justifie l'existence de cet essai saisissant, débarrassé de toute « graisse spirituelle ». l'auteur — on le devine — a appris à voyager léger, sachant d'un coup d'aile amener son lecteur à l'incandescence chrétienne. Les chapitres consacrés à la transfiguration de l'homme par l'Esprit et à la tension vive entre l'incarnation et la divinisation sont d'une intensité rare, explicitant l'appel — adressé à tout chrétien selon Athanase — à devenir « fils de la Résurrection ».
En fait, pour montrer l'essence du monachisme, Michelina Tenace est remontée à sa racine . incarner l'homme. Cet ouvrage, dont l'articulation rigoureuse est dévoilée dès les premières pages, forme un traité d'anthropologie christique, de la promesse de l'homme révélée en Christ, car toute la vie du moine — ce laïc qui est monos, unifié ou en voie d'unification — n'a de sens que dans le rappel de cette anthropologie.
L'Eglise et la tradition, dans ce qui peut apparaître comme le plus étranger au monde, se révèlent une sève plus vivante que la vie, et les sujets apparemment les mieux connus (tels Antoine, le désert, l'ascèse) nous surprennent ici à nouveau. Michelina Tenace voit les lignes de force de la tradition monacale orientale dessiner à notre horizon un monachisme intériorisé, une fraternité monastique invisible. A la question du sens de la vie consacrée, la réponse est ici évidente . la promesse d'une « vie véritable ».