L’« au-delà »… Au-delà de tout ce que nous connaissons, expérimentons, au-delà des frontières de la vie, des liens de l’amour. La notion de l’au-delà nous renvoie d’abord à la mort, à la nôtre mais avant tout à celle de nos proches. L’au-delà est l’immensité, à perte de vue et jusqu’à en perdre le souffle, de notre dépossession. De multiples façons sous le signe de la perte, il est l’autre nom de notre cœur et de notre esprit en perdition, et rarement le langage aura été aussi bien inspiré et fidèle à la réalité que lorsqu’on dit avoir « perdu » un être cher. Est vraiment perdu en effet celui qui vient de mourir, et à peine a-t-il disparu qu’on le cherche déjà.
Oui, on le cherche. D’abord stupéfait, le souffle coupé, en état de sidération devant le corps privé de vie, de regard et de chaleur, on passe ensuite par toutes les affres d’une recherche, de l’abattement à l’exaspération ; affolement, agitation, fébrilité. « Il est mort », tel est le constat, mais où est-il? « Elle est morte », mais où la trouver ? On ne peut plus le ou la situer, l’imaginer, l’accompagner, se placer face à lui, à elle, leur parler, tendre la main pour les toucher, les suivre par la pensée, comme on le faisait quand ils étaient au loin, même très loin, et même on ne savait où. Vraiment perdus, hors espace et hors temps, insituables, inimaginables, inaccessibles, puisque la relation ne peut plus évoluer, puisque hors du temps deviennent impossibles les reprises, les explications, les pardons, les réconciliations, les aveux tendres ou cruels. Pour celui qui reste, c’est une pauvreté radicale, l’expérience de l’impuissance. Une douleur confuse où s’affrontent fin et commencement, être et néant, espérance et désespoir. Ils meurent. Nous mourrons…
 
Est-il sain d’aller au-delà, de parler de « l’au-delà » ? Ne sousentend- on pas, par là, une attente encore, alors que tout est fini, alors que l’histoire semble close ? N’est-ce pas continuer à