Fatigués par un monde trop complexe, nous rêvons souvent de simplicité comme d’un matin nouveau, analogue à celui que nous donne la nature. Celle-ci ne nous offre-t-elle pas dans sa spontanéité comme une germination souterraine qui porte à la lumière le neuf d’un jour renouvelé ? Mais à quelles conditions ce vœu de simplicité peut-il être légitime ? Car il pourrait bien être un leurre, une manière de nous protéger du réel en nous laissant séduire par le fantasme d’un bonheur immédiat sans confrontation avec la dureté du monde.

La simplicité de l’état naturel ?

Mais à l’inverse, comment celui-ci ne nous ferait-il pas ressembler à cet homme policé dont parle Jean-Jacques Rousseau dans le Discours sur l’origine de l’inégalité (1755) qui « toujours actif, sue, s’agite, se tourmente sans cesse », à cet « homme social toujours hors de lui ». Hors de nous ? Comment alors revenir à nous ? Certes, il ne s’agit pas de revenir à l’état de nature, celui-ci n’étant chez Rousseau que l’opérateur lui permettant d’engendrer et de juger du point où la société de son temps en était arrivée, et lui-même affirmant qu’on ne revient pas à cet état. Mais, inspirés par ce vœu de simplicité, il s’agit plutôt de parvenir à une attitude refusant de se laisser déborder par un complexe confus, nous rendant capables de porter sur lui un regard lucide et apaisé sans faire l’économie des diverses dimensions de la vie, de ses divers degrés et de la hiérarchisation qu’ils exigent. Et de nous découvrir ainsi porteurs d’une simplicité plus mûre, advenue dans de nécessaires médiations. Comment dessiner ce chemin de présence au monde et à nous-mêmes ?

Dans la complexité du temps humain

Partons de la réalité vécue la plus immédiate. Elle s’avère déjà être un complexe temporel tissé par la médiation incessante du passé, du présent et de l’avenir, le présent n’étant que la liaison