La conversation relève d'un art où nous n'espérons pas un résultat, encore moins une victoire, mais une belle rencontre. Les fondements même de la théologie chrétienne nous y conduisent depuis toujours. La Trinité, l'Incarnation et l'Esprit commun entre humains ne donnent-ils pas à la conversation une place centrale sur le modèle de Dieu qui cherche à se révéler aux hommes comme à des amis ? Cependant, le monde contemporain de l'hyperconnexion nous détourne des composantes nécessaires à la conversation : le visage-à-visage, l'attention à l'autre, l'écoute tranquille, le silence, la pause…
Les Écritures donnent des clefs pour entrer en conversation avec Dieu, mieux lui parler et mieux parler de lui. Elles ouvrent aussi la voie d'une plus juste conversation entre humains. Nous découvrons en outre que ce qui rend la conversation spirituelle n'est pas tant le sujet abordé que le style. François de Sales comme Ignace de Loyola précisent que la conversation spirituelle aborde « les choses de Dieu ». Nous devons entendre par là non pas tant les paroles religieuses, ni même les paroles sur Dieu ou adressées à lui, que toute chose abordée sous le regard de Dieu ou en référence à lui.
Ainsi, la conversation offre-t-elle un espace singulier où Dieu se donne à entendre. À ce titre, l'homélie ne serait-elle pas appelée à retrouver le style de la conversation familière et ainsi porter davantage de fruit dans le cœur des croyants ? Par vocation, l'Église entretient cet échange fraternel et s'adonne à ce que Paul VI nommait le « dialogue du salut », à savoir un style d'échange qui se laisse traverser par le Logos. Pour cela, l'Église est appelée à se mettre à l'écoute des cris du monde pour les porter devant Dieu.
La disputatio, les Exercices spirituels et la lecture notamment sont des terrains d'entraînement qui aident à entrer dans l'écoute, le tempo lent, la contemplation, l'émerveillement… autant de qualités propres à la conversation spirituelle.
Père Thierry Anne sj