LE POIDS D'HUMILITÉ
CHRISTUS N°208
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Emmanuel Falque
On parlera ici de « poids d'humilité » comme on se réfère en théologie à la vertu d'humilité, celle qui « subordonne l'homme à Dieu » et qui « réfrène son esprit pour qu'il ne tende pas de façon immodérée aux choses élevées » 1. Il y a là une position spirituelle, qui est plus qu'une simple thèse intellectuelle. Car la subordination volontaire de l'homme à Dieu, ainsi que l'interdit de s'élever par soi-même à la hauteur du divin, ne vont pas de soi, c'est le moins qu'on puisse dire. Aidant le croyant à atteindre cette fin, la tradition distingue ordinairement deux voies, l'une et l'autre tirées du Sermon sur la montagne. La première, plutôt extérieure, fait de l'humiliation le lieu d'un indéfectible témoignage porté à l'amour : « Heureux êtes-vous lorsqu'on vous insulte, que l'on vous persécute, et que l'on dit faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi (...), car votre récompense sera grande dans les deux » (Mt 5,11-12). La seconde, plus intérieure, consacre l'humilité comme un mode d'être de l'homme, voire un choix personnel du disciple comme tel : « Heureux les pauvres de coeur [traditionnellement interprétés comme les humbles], car le Royaume de...
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Chair
Humanisme
Humilité
Incarnation
Saints
Vérité
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LA PÂQUE DE FRÈRE ROGER
CHRISTUS N°208
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Marguerite LÉNA
Il arrive parfois que l'écorce de l'histoire des hommes se déchire et qu'affleure la sève invisible qui en nourrit sans bruit la croissance. Il faut pour la percevoir un peu d'attention. Habituellement, cette attention est le privilège des coeurs purs que leur disponibilité à l'Esprit Saint rend capables d'écouter, parmi les bruits du monde, le « bruit de fin silence » du Royaume qui vient. Depuis la dernière fête de Pâques, on dirait que ce fin silence s'est fait sonore. Il y eut d'abord ce vieil homme vêtu de blanc, offrant à tous les regards, au vu et au su du monde entier, ce que notre culture s'efforce si soigneusement de cacher : la lente déchéance du corps, la parole devenue balbutiante, le visage que fige la maladie. La mort. Et en tout cela une levée de résurrection : « Je vous ai cherchés. Vous êtes venus. Merci. » Ces dernières paroles de Jean Paul II aux jeunes étaient les premiers mots anticipant et comme inaugurant déjà les JMJ de Cologne. Elles faisaient de sa mort le seuil de cette immense rencontre : du serviteur fidèle avec son Seigneur, de l'Eglise de Jésus Christ avec le Royaume, des jeunes de toute la terre avec Jésus Christ.
C'était au temps de Pâques.
Puis il y eut, au lendemain de l'Assomption, alors que déjà Cologne bruissait...
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Amour
Dialogue interreligieux
Foi
Passion
Saints
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AINSI PRIAIT SAINT AUGUSTIN
CHRISTUS N°207
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Dominique Bertrand
Ainsi parlait Zarathoustra. » On connaît la célèbre conclusion de soixante-trois des quatre-vingt-deux chapitres du grand oeuvre de Nietzsche, et qui a fourni le titre à son ouvrage. A mesure que les quatre parties de l'ouvrage se développent, ce refrain est moins souvent rappelé. En particulier, ce qui relève du Lied, du cantique, s'achève sans cette signature, en une ouverture peut-être religieuse à l'infini. Eclate alors quelque chose qui ressemble à une prière intense : « Les sept sceaux, ou le cantique du oui et de l'amen. » On est même en droit de préciser : une intense prière au moins parachrétienne, qui se mesure avec les sept sceaux de l'Apocalypse (5 à 8) et la figure même de Jésus, lequel est désigné comme « oui » et « amen » en 2 Corinthiens 1,18-22 1. Il faut, hélas, se contenter ici de ne citer que le septième de ces « sept sceaux ».
« Si jamais, au-dessus de moi, j'étendis des ciels de silence et m'envolai de mes propres ailes en mon propre ciel,
si je jouai à nager dans les profonds lointains de lumière et que me vint l'oiseau-sagesse de ma liberté, —
— lors même que l'oiseau-sagesse me parle ainsi : "Vois, il n'y a rien en haut, rien en bas ! Jette-toi tout autour, en avant, en arr...
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Eglise
Expérience spirituelle
Jésus-Christ
Mystique
Père
Parole d’homme
Prière
Sagesse
Saints
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LA SAGESSE DES SAINTS
CHRISTUS N°203
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Jean-Joseph Surin
Le P. Surin publia en 1657 un recueil de Cantiques spirituels de l'Amour divin Réédités au XVIIIe siècle, ces cantiques sont aujourd'hui à peu près inconnus Celui que nous présentons ici était chanté sur l'air de « Que le Roy s'en aille en Espagne » ! Dans sa simplicité, et jusque dans sa maladresse, il est d'une authentique plénitude spirituelle. Les « mondains » sont sobres et sages. Mais l'ivresse des « saints » est le secret de la joie parfaite, étant l'ivresse de l'amour. « Amour l'a mené dans sa cave », dit dans son style Surin. Nous songeons au mot du Cantique des Cantiques « Mangez, amis, buvez ; enivrez-vous, mes bien-aimés », écho du prophète Isaïe qui comparait le bonheur des temps messianiques à la joie d'un banquet. L'Église, à son tour, a repris bien souvent le thème de la « sobre ivresse », en fondant cette expérience mystique sur les effets spirituels de l'Eucharistie. Ce n'est donc pas trahir Surin que de citer ici le commentaire de saint Cyprien au Psaume 22 . « L'ivresse qui vient du calice du Seigneur n'est pas semblable à celle que donne le vin profane. (. ) Le calice du Seigneur enivre en effet de telle façon qu'il laisse la raison ; il amène les âmes à la sagesse spirituelle ; par lui, chacu...
QUAND DIEU SE TAIT
CHRISTUS N°194
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Bernard SESBOÜE
Dans notre monde où « ça parle » partout et dans tous les sens, Dieu apparaît comme le grand silencieux. De nombreuses voix lui en font aujourd'hui le reproche. Ce silence n'est-il pas le signe d'une absence et d'un désintérêt pour l'aventure humaine ? Où était Dieu lors des grands drames du XXe siècle : deux guerres mondiales aux millions de morts, les camps de concentration nazis et soviétiques, la Shoah, plus près de nous les atrocités commises dans les Balkans et le terrorisme qui se donne libre cours 7 Où était Dieu à Auschwitz ? Où était Dieu à Stalingrad ? La question est devenue si pressante que le « comment parler de Dieu après Auschwitz ? » est devenu un lieu commun. Jamais Dieu n'est apparu aussi silencieux et aussi absent que depuis cette dernière centaine d'années. Comment répondre à de telles questions sans une inconscience, peut-être naïve, mais pas innocente ? Ne vaudrait-il pas mieux se taire à son tour ? Que le lecteur se rassure, les réflexions qui suivent se veulent modestes et ne prétendent pas résoudre l'énigme opaque du mal.
Dieu en procès
Quand l'homme souffre au-delà de ce qu'il estime tolérable, en effet, sa réaction première est de s'en prendre à Dieu, de le mettre en proc&...
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Athéisme
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BIENHEUREUX JACQUES BERTHIEU.
13 JUIN 2012
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Remi (de) MAINDREVILLE

Mourir pour la foi n’est pas si simple à accepter pour nous, qui sommes plus spontanément sensibles à la rencontre de l’autre dans toute sa richesse, qu’au partage d’une foi souvent identifiée à sa formulation doctrinale ou catéchétique, un peu abstraite. Dans une telle vision, les « Missions » d’autrefois risque d’être trop vite assimilées à une entreprise de conversion où il s’agit d’inculquer des notions et des pratiques chrétiennes, plus que la découverte d’un Dieu vivant, incarné, qui accueille en Eglise, qui transforme le sens des relations et ouvre la culture.
Une telle image est bien loin des témoignages et de la correspondance du P. Berthieu, qui soulignent à l’inverse et très simplement les liens et la fécondité de l’amour et de la foi, source de la mission depuis Jésus. C’est cet amour des gens et de leur terre qui conduisit Jacques Berthieu à donner sa vie à Dieu, d’abord dans le presbytérat en Auvergne, puis dans la Compagnie de Jésus qui l’envoie à Madagascar. La force et la joie d’aimer, il les tenait de Dieu, qui a mis sa foi et son amour en lui, débordant ainsi toutes ses limites, et il les a manifestées auprès de ces familles, en partageant quotidiennemen...
CE QUE SAINT JOSEPH NOUS APPREND EN CES JOURS
23 MARS 2020
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La rédaction Christus

Considérer Joseph, c’est considérer aussitôt Marie, Jésus, la sainte famille. De fait, Joseph n’a pas la même place dans l’économie du Salut que Marie et Jésus. D’ailleurs, l’oraison du jour le dit : Joseph « a la garde des mystères du Salut », mission qui nous rapproche de notre propre position puisque l’Eglise est appelée dans cette même oraison « à veiller sur leur achèvement ». Autrement dit, à chaque fois, des positions d’auxiliaires... La manière de vivre sa mission pour l’un, Joseph, peut aider l’autre, l’Eglise, les croyants, à vivre la sienne, les leurs. En ces jours, tout spécialement, la manière d’être de Joseph peut inspirer nos propres attitudes.
La différence entre Marie et Joseph surgit dès le début. Marie est la première à laquelle Gabriel s’adresse. Et Joseph sera appelé à se positionner devant une histoire déjà en route avec le « oui » de Marie. Cela donnera à Joseph de devenir un juste non seulement selon la Loi mais selon la foi, la parole adressée, puisqu’« il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit ».
Et pourtant réalisons-le bien. Cette mission si elle e...