Liturgie

LES EXERCICES SPIRITUELS ET L’EUCHARISTIE
CHRISTUS N°229
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Amaury BEGASSE DE DHAEM
Il y a plusieurs manières d’envisager la relation entre les Exercices et l’Eucharistie. L’angle que nous avons choisi est double. Le premier est celui de la liturgie eucharistique, comme itinéraire mystagogique de la vie chrétienne. Le second est une réflexion sur la grâce des Exercices comme grâce eucharistique. Une option fonde cette lecture, selon laquelle les Exercices représentent la trajectoire du disciple. Nous aurons à en vérifier la pertinence. Liturgie eucharistique et Exercices La célébration eucharistique réalise un condensé de l’expérience chrétienne (Lc 24,13 35). À ce titre, elle permet de relire l’itinéraire spirituel des Exercices comme celui du disciple dans l’Évangile. Ce dernier comprend quatre temps, que nous retrouvons aussi bien dans la structure de la célébration que dans le livret d’Ignace : 1. L’appel universel à se retourner vers Dieu, objet de la prédication inaugurale de Jésus (temps de la conversion) ; 2. L’appel singulier à être d’une certaine manière avec le Christ, à le suivre, à écouter sa parole et ses enseignements (temps de l’élection) ; 3. L’appel à monter avec lui à Jérusalem, pour y célébrer sa Pâque (temps de la passi...
Mots clés : Combat spirituel Discernement Eglise Eucharistie Exercices spirituels Expérience spirituelle Jésus-Christ Liturgie Mystique Prière Spiritualité ignatienne
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DE L’ADORATION EUCHARISTIQUE
CHRISTUS N°227
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François CASSINGENA-TRÉVEDY
Est-ce une irrévérence que d’aller glaner parmi les Fleurs du mal de Charles Baudelaire (« Harmonies du soir »), dans le dessein de donner matière à quelques réflexions sur l’adoration eucharistique et de leur fournir une amorce inédite ? Si maudit qu’on l’ait par après déclaré ou qu’il se soit cru lui-même, Baudelaire eût-il pu dire cela, si un autre n’avait dit : « Faites ceci en mémoire de moi » (Lc 22,19), et auparavant : « Ceci est mon corps » (Mt 26,26), sans user d’un autre ostensoir, ce soir-là, que de ses propres mains ? Car, dans la religion de Jésus-Christ, la chair même – et toute chair à la suite de celle du Verbe – est consacrée comme ostensoir de Dieu. Parce que Jésus-Christ est pauvre, il ne veut pas d’autre ostensoir que celui-là, et ne souffre les autres qu’à condition qu’ils lui soient relatifs. Pour « adorer en esprit et en vérité » (Jn 4,23), il nous faut tou­jours vérifier (tant la vie spirituelle est rigoureuse) que la fascina­tion exercée par l’ostensoir de vermeil ne remplace point en nous l’appétit du « pain quotidien » (Mt 6,11), et que l’azyme, confinant à une immatérialité dont nous rêvons si...
Mots clés : Amour Corps Eucharistie Liturgie Mémoire Réalité Silence
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LA MUSIQUE, UN LIEU SPIRITUEL ?
CHRISTUS N°223
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Pierre FAURE
Aujourd’hui, le mot « spirituel » utilisé pour parler de la musi­que, notamment dans les médias, recouvre bien des sens, qu’il faut trier un peu si l’on veut savoir de quoi l’on parle. En écoutant parler des musiciens, interprètes ou compositeurs on peut donner quelques exemples : • Le metteur en scène déconcertant, et aussi plasticien et écri­vain, Oleg Koulik, qui se dit incroyant mais « mystique… un peu », affirme : « La musique est le seul bien universel, l’unique chose à laquelle nous sommes tous soumis. Elle ne brille pas seulement par ses qualités esthétiques, mais offre une connaissance chiffrée déjà sacrée du monde. » • André Jolivet (1905-1974), compositeur, qui voulut redonner à la musique « son caractère original antique d’expression magique et incantatoire de la religiosité des groupes humains », disait d’elle qu’elle est « un mouvement spirituel ». Pour exprimer probablement qu’elle est manifestation d’une profondeur universelle de l’esprit vers plus grand que lui, sans autre détermination religieuse. • Dans le même sens, le claveciniste Pierre Hantaï parlait de « l’engagement spirituel » d’un grand pianiste, pour dire « qu’il...
Mots clés : Affectivité Amour Art (cinéma, peinture, sculpture) Athéisme Corps Ecoute Expérience spirituelle Foi Jésus-Christ Liturgie Musique Parole d’homme Passion Désir
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FAIRE GRANDIR L’ÂME
CHRISTUS N°223
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Patricia Lebrun
La musique sert et accompagne la liturgie. Elle la seconde, comme la liturgie est seconde par rapport au Christ. Porte-Parole, elle voudrait pouvoir désigner quelque chose de son mystère, contribuer à le faire connaître, aimer et advenir. Pour cela, il lui faut d’abord convenir au geste ou au temps liturgiques auxquels elle est desti­née, et être en mesure de mobiliser spirituellement une assemblée – l’enthousiasmer au sens étymologique du terme 1. Nous pouvons demander au chant qu’il nous tienne haut dans notre âme tout autant qu’agenouillés aux pieds du Verbe qui nous parle.   Habiter le Mystère Si la musique sert la liturgie, c’est en habitant le Mystère qu’elle célèbre, dans sa double dimension d’intériorité et de transcendance. Elle permet alors la construction et l’expression de la foi personnelle et communautaire. On la voudrait simple, mais la simplicité est peut-être une des choses les plus difficiles à atteindre. On la voudrait accessible, ce qui ne se traduit ni par la banalité, ni par l’indigence de sa facture. Elle peut alors s’adresser au coeur profond, comme peut-être elle est seule capable de le faire, avec l’inspiration de l’Es­prit et la Présence du Verbe à ses côtés. Initiatique, mystagogique,...
Mots clés : Art (cinéma, peinture, sculpture) Eglise Expérience spirituelle Grâce Liturgie Musique Parole d’homme Sacrement
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MÉMOIRE ET OUBLI
CHRISTUS N°219
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La rédaction
Aborder d’un même trait la mémoire et l’oubli répond à deux grands enjeux. Le premier tient à la quête d’identité de l’homme d’aujourd’hui et à notre relation au Dieu de Jésus Christ. De nos jours, l’excès de commémorations joint à une profonde amnésie de l’Histoire rend parfois les hommes comme les peuples incapables d’éclairer leur origine, de situer leur action présente et d’ouvrir leur avenir. Dès le début de l’ère moderne, la mémoire, personnelle ou collective, a été envisagée comme un chantier en continuelle reconstruction, à mesure qu’elle est sollicitée par les événements. Mais cela ne peut se faire sans réconciliations intérieures avec soi-même et avec autrui : mémoire et oubli travaillent alors ensemble dans l’inconscient où se sont forgées des réactions et des attitudes incontrôlées. Ainsi peut s’élaborer progressivement un récit dans lequel chacun se reconnaît et s’identifie. Un tel processus montre la complexité des rapports entre mémoire et oubli, tout en manifestant leur interdépendance. La mémoire n’est pas seulement, comme le pensait Homère à travers Ulysse, cet ar...
Mots clés : Liturgie Mémoire Pardon
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TENIR EN ÉVEIL LA MÉMOIRE DU SEIGNEUR
CHRISTUS N°219
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Soeur Étienne Reynaud
Le Dieu de la Bible est un Dieu qui se souvient des hommes. Depuis l’alliance immémoriale conclue avec Noé sous l’arc-en-ciel après le Déluge, jusqu’à l’alliance nouvelle et éternelle scellée dans le sang de Jésus, il est le Dieu fidèle, toujours en quête de l’homme et qui en a souci (cf. Ps 8,5). Au seuil du Nouveau Testament, les cantiques de Marie et de Zacharie chantent cette fidélité du Dieu d’Israël qui « se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères en faveur d’Abraham et de sa race à jamais » (Lc 1,54.72). Mais alors, pourquoi la prière liturgique fait-elle si souvent appel à la mémoire de Dieu ? Dieu nous oublierait-il ? Qu’avons-nous besoin de lui rappeler ? Lui dire : « Rappelle-toi », serait-ce douter de lui ? Pour répondre à ces questions, nous nous mettrons d’abord à l’école des psalmistes, puis nous interrogerons la pratique liturgique de l’Église, sûrs qu’elle nous enseigne continuellement à prier de façon juste.   « Souviens-toi, Seigneur ! » Sur les lèvres des psalmistes, l’invocation si fréquente appelant Dieu à se souvenir se dit sur tous les tons ; le ton plein de confiance du pécheur assuré du pard...
Mots clés : Dieu Eucharistie Liturgie Mémoire Passion Prière Universalité
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« LA MESSE QUI PREND SON TEMPS »
CHRISTUS N°219
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Jean-Marc Furnon
Une messe du dimanche soir, pour des jeunes, qui prend davantage de temps « à l’écoute de la Parole », dans la joie de chanter la louange du Seigneur et de vivre un peu d’amitié au moment où le jour déjà touche à son terme, voilà la Messe qui prend son Temps, appelée communément la « MT » (trois cents personnes aujourd’hui à l’église Saint-Ignace à Paris dans le sixième arrondissement et peut-être deux mille différentes sur une année ; cinquante lorsqu’elle commença il y a neuf ans). Chaque dimanche soir en effet, depuis octobre 1999, des étudiants (un quart de l’assemblée), des jeunes professionnels (la moitié) et d’autres personnes qui désirent s’y associer pour écouter plus longuement la Parole viennent prier et célébrer l’Eucharistie. C’est une messe où la liturgie de la Parole est développée pour y intégrer un enseignement biblique, un temps de prière personnelle de vingt minutes en silence et un temps de partage en groupe de sept minutes. Cette initiative pastorale est appuyée sur une conviction, exprimée par le cardinal Martini alors qu’il créait « l’École de la Parole » 1 à Milan : « Je suis persuadé, quan...
Mots clés : Ecoute Eucharistie Expérience spirituelle Liberté Liturgie Silence Souffrance Tradition
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LE CANON DES ÉCRITURES
CHRISTUS N°218
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Marc RASTOIN
Quelle autorité accorder au canon des Écritures ? Pourquoi certains écrits chrétiens n’y ont-ils pas été retenus ? Qui dans l’Église en a décidé et sur la base de quels critères ? En quoi l’autorité que nous reconnaissons à nos Écritures canoniques renvoie effectivement à l’autorité du Christ sans la masquer ? Ces vieilles questions sont revenues au premier plan, d’une part en raison de la découverte des manuscrits de Qumran en 1947 et d’autre part en raison de la grande mode des écrits gnostiques chrétiens depuis une trentaine d’années. Il est si tentant de vouloir, comme l’on dit, « accéder directement aux textes », sans passer par la médiation d’une Église, vue comme prompte à la dissimulation. Pourtant, sans les communautés porteuses du canon, pas d’Écritures. Il y a un renvoi mutuel entre communauté, credo et Écriture. Dans un premier temps, il convient d’insister sur le statut second d’une Écriture qui renvoie à un autre qu’elle-même. Dans un second temps, pourra être rappelé comment s’est historiquement constitué le canon catholique des Écritures.   Pas d’Écriture sans Esprit Saint Un premier rappel s’impose :...
Mots clés : Bible Catholicisme Eglise Esprit Evangile Foi Liturgie Sainteté Tradition
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PRIER AVEC LES CHANTS DE TAIZÉ
CHRISTUS N°217
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Émile FRÈRE
On a dit de frère Roger de Taizé qu’il avait le don de se mettre à la place d’autrui, de comprendre ce qu’un autre pouvait ressentir. Ceci est particulièrement vrai de la prière. Dans ce domaine comme en beaucoup d’autres, le fondateur de Taizé pouvait comprendre les blocages de l’homme et de la femme d’aujourd’hui, et tout spécialement des jeunes. Il se mettait à leur place, imaginant sans peine ce qu’ils pouvaient ressentir en pénétrant dans une église pour la première fois. Mais frère Roger ne faisait pas que comprendre. Une passion l’habitait, doublée d’une aptitude à créer, à susciter des réponses et des collaborations fécondes. Le sociologue constate, et c’est utile, mais le prophète fait davantage : il ouvre des voies, il transforme les idées en réalités visibles. Pour beaucoup de nos contemporains la prière paraît inaccessible : c’est quelque chose que d’autres peuvent faire, mais pas moi. Cette passion de rendre accessible à beaucoup les sources d’une confiance en Dieu, les sources de la prière, est ce qui a conduit à la création des chants de Taizé.   Chercher des voies nouvelles Avant l’arrivée massive des jeunes à Taizé – et m&ecir...
Mots clés : Art (cinéma, peinture, sculpture) Charité Combat spirituel Eglise Liturgie Mal Paix Prière Salut
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L'EXPÉRIENCE ARTISTIQUE
CHRISTUS N°211
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La rédaction
L’art est donné, il ouvre à plus grand que soi, il élève l’existence. Fruit d’un travail de création, il porte la marque de la gratuité. La relation à la nature, de bien des manières, vient signifier et cet élargissement et cette gratuité. La ville aussi y ouvre par sa beauté, même si l’agitation et les multitudes affairées la dissimulent souvent. Beaucoup de nos contemporains recherchent beauté et gratuité en pratiquant différents arts durant leurs loisirs. Chaque ville moyenne a son conservatoire ; les maisons de quartier sont investies par de nombreuses associations culturelles ; expositions, concerts, festivals se multiplient. Autant d’îlots de gratuité, de vacance, qui nous sont offerts pour nous initier aux arts plastiques ou à la musique, au théâtre ou à la danse. Autant de lieux et de moments dépaysants qui aident à découvrir des capacités créatrices parfois enfouies depuis l’enfance. Émerveillement de voir comment des émotions rentrées peuvent faire sens lorsqu’elles se cristallisent dans une oeuvre d’art, aussi modeste soit-elle. Émerveillement de découvrir autrui à cette aune et de voir le monde autrement, comme transfiguré. À cause de la tentation de la consommation qui vise...
Mots clés : Art (cinéma, peinture, sculpture) Gloire Liturgie
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LA LITURGIE OU LA SAINTE CÈNE DES SENS
CHRISTUS N°211
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François CASSINGENA-TRÉVEDY
Le site originel des propos livrés ici est une expérience monastique de la liturgie ; mais cette expérience n’est pas à ce point spécifique, croyons-nous, qu’elle ne puisse modestement s’ériger en lieu de rendez-vous beaucoup plus large. De fait, depuis le IVe siècle environ, une liturgie dite « monastique » se distingue, dans l’exercice ecclésial commun de la fonction liturgique, d’une liturgie dite « cathédrale », c’est-à-dire en toute rigueur celle du Peuple de Dieu autour de son évêque ; l’histoire de la liturgie n’en demeure pas moins, pour une bonne part, celle de l’attraction mutuelle que ces deux formes d’exercice ont constamment exercée l’une sur l’autre et qui s’est avérée bien souvent créatrice. L’exercice monastique de la liturgie est d’abord et essentiellement un exercice communautaire, et c’est d’abord ce caractère constitutif qui le rend exportable hors de son site propre, exemplaire — non pas de façon esthétique mais théologique, non pas de façon idéale mais fraternelle — pour toute l’Église, pour toute communauté d’Église qui fait l’effort de se construire et de se penser. C’est donc cette dimension communautaire, cette condit...
Mots clés : Ascèse Corps Eglise Eucharistie Jésus-Christ Liturgie Louange
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L'ART DE L'HYMNE
CHRISTUS N°202
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Didier Rimaud
Le Père Rimaud nous a quittés le 24 décembre dernier. Il avait confié à un proche : « Je me prépare à aller chanter avec mes amis Jacques Berthier, Christian Villeneuve et Patrice de La Tour du Pin. » Mais l'écho de son chant continue de porter le nôtre, à travers ses compositions dont plusieurs sont aujourd'hui des « classiques » de nos célébrations. Jusqu'au bout, il servit le chant liturgique en mêlant poésie et mystique, et participa à la traduction de tous les rituels issus de la réforme de Vatican IL Nous remercions la revue Catéchèse de nous avoir autorisés à reproduire ici une partie de l'article que Didier Rimaud avait lui-même écrit dans le numéro 167 (février 2002) de cette revue, consacré à « Art et foi : la création comme expérience de foi ». Comment écrire une hymne ? Y a-t-il un art spécifique d'écrire le texte d'un chant destiné à la prière du peuple chrétien, si telle est bien la définition que l'on peut donner de l'hymne liturgique ? Puisque le texte de l'hymne est un poème, sans doute va-t-il naître comme tout autre poème ? Y aurait-il une spécificité de l'art de l'hymne ? Avec cette question, je suis allé un long moment marcher d...
Mots clés : Art (cinéma, peinture, sculpture) Liturgie Musique Parole de Dieu
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DANS NOS LITURGIES, UNE JOIE FRAGILE
CHRISTUS N°201
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Jérôme Guingand
Liturgie et joie : d'aucuns diront que ces deux réalités ne font pas bon ménage. Dans le contexte français, la messe dominicale est fréquemment perçue comme froide ou ennuyeuse et indifférente aux quêtes religieuses de nos contemporains. Car s'il est vrai que l'on cherche aujourd'hui une pratique religieuse qui « fait du bien » 1, on ne peut que constater que nos messes et nos paroisses semblent loin de répondre à cette demande 2. Pourtant, l'expérience patiemment relue de ce que nous vivons en participant à diverses célébrations nous amène à moduler notre jugement. En effet, qui n'a vécu une joie profonde au cours d'une célébration, à l'écoute d'une lecture qu'il a reçue comme Parole de Dieu pour lui et qui l'a touché ? Qui n'a vécu une joie profonde, qui l'a saisi de l'intérieur, à communier au Christ dans son Corps et son Sang ? Qui n'a vécu, comme une véritable consolation, ce sens de la fraternité, du Corps rassemblé dans les voix réunies en un même chant ? Qui n'a été surpris par une vive joie — ou en a été témoin pour un autre — en entendant dans le sacrement de réconciliation « Et moi (…), je vous pardonne tous vos péchés » ? Qui n'a ét&eacu...
Mots clés : Eglise Eucharistie Expérience spirituelle Joie Liturgie Musique Sacerdoce Sacrement Spiritualité ignatienne
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LA LITURGIE, CLÉ DE LA TEMPORALITÉ CHRÉTIENNE
CHRISTUS N°199
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François CASSINGENA-TRÉVEDY
Le Temps est à rude épreuve dans le monde ; il semble même qu'en raison de ce qu'il est convenu d'appeler le progrès, il doive l'être toujours davantage à l'avenir. Dans les vieilles demeures rurales d'autrefois, même les plus simples, les plus pauvres, il y avait une horloge dont le balancier allait, aussi tranquille que le pas des bœufs, comme un nombre d'or que la mort des êtres chers, seule, arrêtait. Dans ce meuble de la vie quotidienne, on entendait palpiter les intestins du Temps. Peut-être n'entendait-on que cela de tout le jour et, tout doucement, plus profond, plus loin que l'ennui, les êtres s'intériorisaient. On entendait et on attendait. « Priez pour nous, maintenant et à l'heure de notre mort. Amen. » Aujourd'hui, on fait mille injures au Temps : on lui court après, on le tue, on l'annule, on le perd sans même plus savoir — ô ironie — à quoi on l'a perdu. Et pour finir on l'accuse comme un conditionnement intolérable, une fatalité dont il faut absolument s'affranchir, comme si les paradis factices pouvaient remplacer le paradis réel que le Temps nous ouvre, si nous savons, avec une sorte d'émerveillement, perdre notre temps au Temps lui-même. PETITE HISTOIRE DU TEMPS Qu'avons-nous fait du Temps ? Car c'était beau Temps, c'était bon Temps que Dieu nous avait cr&eacut...
Mots clés : Bible Dieu Eglise Jésus-Christ Liturgie Sacrement Temps
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LA PÉDAGOGIE DU SILENCE AVEC LES ENFANTS
CHRISTUS N°194
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Dorothée Gaujal
Ces lignes n'ont pas la prétention de présenter de façon exhaustive la ou les pédagogies du silence avec les enfants, mais de faire partager une expérience sur le terrain, concrète, vivante, parfois risquée, toujours fructueuse, soutenue par une vision de l'enfant dans sa globalité (être capable d'intériorité), animée par la conviction que le silence ouvre le chemin de l'expérience intérieure, qu'il ne coupe pas du monde mais permet de se centrer sur l'essentiel. A ce titre, il constitue l'un des fondements de toute aventure éducative. Dans une société fragilisée par des mutations rapides, dans une Eglise traversée par le monde et ses turbulences, dans un monde en déficit d'intériorité, « il y a urgence à reconstituer un univers intérieur, inspiré par l'Esprit, nourri de prière et tourné vers l'action » 1. Invitation pressante à tout mettre en oeuvre pour favoriser la construction de l'intériorité, indispensable à la croissance équilibrée de l'enfant, pilier de son devenir d'adulte et de sa vie spirituelle. Eveiller l'intériorité C'est un des enjeux prioritaires des années de la petite enfance et du primaire, un vaste chantier que parents, éducateurs et catéchètes explorent avec, pour et...
Mots clés : Contemplation Enfant Liturgie Psaumes Silence
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LA LITURGIE, CÉLÉBRATION DE L'ALLIANCE
CHRISTUS N°193
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Goffredo Boselli
La liturgie est en elle-même une pédagogie de la promesse. C'est notamment par sa liturgie, en effet, que l'Eglise éduque les chrétiens, en réponse à la promesse de Dieu, à donner eux aussi leur parole pour engager leur vie. Mais bien au-delà de la simple attitude pédagogique, la liturgie est tout entière l'anamnèse de la promesse réciproque entre Dieu et son peuple, promesse qui a culminé, une fois pour toutes, dans l'Alliance nouvelle et éternelle scellée dans la Pâque du Christ. Et ce sera toujours cette Alliance de communion entre Dieu et les hommes qui donnera contenu et forme, sens et valeur, aux promesses. Ce que la liturgie célèbre est donc le sein matriciel de toutes les promesses possibles. La richesse et la variété de forme et d'expression de la liturgie sont ainsi faites qu'une analyse comme celle-ci peut partir d'aspects multiples — ce qui nous autorise à choisir deux exemples, parmi d'autres, du rapport entre liturgie et promesse : les « promesses baptismales » (c'est-à-dire le renoncement à Satan et la profession de foi de la liturgie baptismale) et les promesses de la profession monastique. Il faut cependant préciser dès l'abord que le renoncement à Satan et la profession de foi ne sont jamais appelés, dans la liturgie, « promesses baptismales &raq...
Mots clés : Baptême Démon Liturgie Pédagogie Promesse Spiritualité monastique
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ENTRE LE TEMPS ET L'ÉTERNITÉ
CHRISTUS N°191
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Jacques TRUBLET
Pour matérialiser le temps, les hommes ont inventé toute sorte de techniques. On est passé des clepsydres aux cadrans solaires et des horloges analogiques (à aiguilles) aux horloges numériques. Sur ces dernières, l'heure s'inscrit sous forme de quatre chiffres. Le temps est comme en suspens, sans référence au passé ni au futur, et chaque minute acquiert une valeur singulière. Si je dois prendre un train à 17 h 58, inutile d'arriver à 18 h 00. Deux affichages ne sont jamais équivalents, surtout si l'horloge indique le jour. Les horloges analogiques (à deux, voire à trois aiguilles parcourant un cadran circulaire) déroulent au contraire le temps sur un espace où passé, présent et futur coexistent. Ces deux représentations renvoient à deux manières de se rapporter au moment présent : soit comme simple fragment de temps insaisissable, soit comme centre du temps relié au passé et à l'avenir. Tel est bien le paradoxe du moment présent ! La Bible affronte ce paradoxe où le présent tantôt s'articule au passé et à l'avenir, tantôt, dans la réflexion sapientiale, ne connaît ni avant ni après. Le texte sacré nous livre la quintessence de sa réflexion sur l'instant dans un certain nombre d'expressions telles qu'« aujou...
Mots clés : Bible Dieu Evénement Liturgie Loi Temps
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