ETRE MÈRE
CHRISTUS N°229
-
La rédaction
Qu’est-ce que la maternité révèle de notre relation à Dieu, aujourd’hui que les femmes savent d’ordinaire qu’elles auront peu d’enfants ? Pourtant, aujourd’hui comme hier, elles éprouvent avec leur enfant un choc que lui seul sait déclencher (Geneviève Jurgensen). L’attitude intérieure face à l’accouchement se fonde sur une ferme détermination à entrer dans ce qui est douloureux et à le conduire vers la vie. Et cela se rejoue à chaque enfant. Ainsi, la femme à terme entre en travail, mais aussi en foi, une foi non réflexive, chevillée au corps (Claire-Anne Baudin).Grâce à cette foi, on sait mieux identifier aujourd’hui le tissage de féminité qui concerne le visage même de Dieu. D’où la nécessité d’entendre les textes bibliques avec toute leur finesse, si l’on veut percevoir comment, lorsqu’ils sollicitent le registre de l’enfantement pour dire Dieu, ils donnent à méditer quelque chose de central dans l’économie du salut (Anne-Marie Pelletier). Ainsi, un enfant est donné à Abraham et Sara, à Zacharie et Élisabeth, au soir de la vie. En comblant un couple, Dieu fait naître un peuple, il fonde et renouvelle l’Alliance. Et à toute l’humanité, il...
QUAND LA BIBLE PARLE D’ENFANTEMENT
CHRISTUS N°229
-
Anne-Marie PELLETIER
Dieu masculin, Dieu féminin ? Dieu père, mais aussi mère ? Ces propositions, impensables pour les générations passées de lecteurs de la Bible, sont aujourd’hui communes. Retombées d’une histoire qui, au XXe siècle, s’est rendue sensible à la différence des sexes comme noeud de la condition humaine ? Certainement, et heureusement. Les Écritures bibliques ne pouvaient échapper au débat, en notre culture, sur la domination symbolique, qui veut que le masculin l’emporte sur le féminin, comme l’énoncent benoîtement nos grammaires. C’est ainsi qu’un imaginaire tacitement masculin de Dieu comme les schémas patriarcaux en sous-main des récits bibliques se sont vus placés sous les feux d’une conscience critique. C’est par là aussi que s’est gagnée une perception plus sensible d’un versant de la révélation qui avait été ignoré ou négligé, et qui concerne tout ce dont faisait peu de cas une tradition qui trouvait ses avantages à ne nommer Dieu qu’à travers des références masculines : roi, juge, berger, guerrier, ou encore « père » dans l’acception la plus patriarcale du mot. Quitte à contrebalancer l’image ainsi formée par de prétendus adoucis...
Mots clés :
Bible
Corps
Création
Dieu
Enfant
Femme
Jésus-Christ
Mère
Miséricorde
Père
Salut
Lire la suite
GROSSESSES ESPÉRÉES ET INESPÉRÉES
CHRISTUS N°229
-
Christelle JAVARY
Sara, Élisabeth… mais aussi Rébecca, Anne mère de Samuel et même la vierge Marie : la Bible évoque plusieurs femmes devenues mères alors que c’était, à vue humaine, impossible. Dieu est intervenu en leur faveur pour faire jaillir la vie. Tant mieux pour elles… Et alors ? Tant mieux pour nous aussi ! Car ce qui arrive à ces femmes, ce qui arrive à ces couples, va bien au-delà de leur histoire personnelle. L’enfant qui leur est donné préfigure un peuple et représente, pour tout croyant, une promesse de vie plus forte que le mal et le malheur. Arrêtons-nous plus particulièrement sur l’histoire de deux femmes, l’une de l’Ancien, l’autre du Nouveau Testament : Sara et Élisabeth.
La honte et la détresse de la femme stérile
Dans les temps anciens, la stérilité est un très grand malheur, et de surcroît une honte. Le but principal du mariage est la procréation, qui garantit la continuité de la lignée. Un homme qui prend femme attend d’elle qu’elle lui enfante des descendants, de préférence des fils ! « Épouse stérile » semble une contradiction dans les termes. « Lorsque l’enfant ne paraît pas », c’est le drame. La stérilité appelle aussi, dans la mentalit&...
Mots clés :
Bible
Dieu
Enfant
Famille
Incarnation
Jésus-Christ
Mariage
Mère
Lire la suite
LA MÉDIATION DU SERVITEUR
CHRISTUS N°228
-
Yves SIMOENS
Traiter de la médiation dans la Bible entretient l’embarras du choix. De nombreux textes se proposent à l’attention en ce sens dans la Bible hébraïque et grecque comme dans le Nouveau Testament. L’Écriture Sainte elle-même ne se présente-t-elle pas comme un univers de médiation entre Dieu et les humains, hommes et femmes, entre le Seigneur et son peuple Israël en vue de tous les peuples ? Elle tisse les fils polychromes de l’alliance dans la Torah, les Sages et les Prophètes. L’alliance à son tour culmine pour le croyant chrétien en l’unique médiation du Christ, « médiateur d’une alliance nouvelle », en vertu de son « sang purificateur plus éloquent que celui d’Abel » (He 9,16 et 12,24). Le récit du premier fratricide pourrait très bien se prêter à une lecture du jeu des médiations nécessaires pour que triomphe l’amour sur la haine, la vie sur la mort. La Genèse regorge de situations humaines où la bénédiction de Dieu se fraie un chemin tortueux à travers les ruses des humains dans le cycle des patriarches. Les livres historiques servent la même cause en racontant les vicissitudes de la royauté jusqu’à sa disparition avec l’exil. Qu’est-ce que la Sagesse sinon la médiation qui pe...
Mots clés :
Bible
Croix
Passion
Péché
Réconciliation (confession)
Sagesse
Salut
Souffrance
Conversion
Lire la suite
L’ÉPREUVE DU VEAU D’OR
CHRISTUS N°227
-
Brigitte PICQ
Mots clés :
Bible
Démon
Epreuve
Images
Jésus-Christ
Service
Interdit
Lire la suite
L’ADORATION DANS LA BIBLE
CHRISTUS N°227
-
Françoise MIES
Dans le langage ordinaire, on adore aussi bien le chocolat, son cheval, ses enfants, Zidane, et Dieu même : indice qu’il faut travailler la notion d’adoration. Avoir un goût prononcé, voire excessif, pour ; aimer d’une affection passionnée, voire désordonnée jusqu’à idolâtrer ; rendre un culte intérieur dans une attitude de recueillement. Mais encore. Quand j’ouvre la Bible, je reste perplexe : des traductions se risquent bien à traduire ici ou là des verbes hébreux et grecs par « adorer », mais une recherche un peu sérieuse montre que la plupart du temps, cette traduction est inadéquate. Bref, nous voilà partis pour une vraie enquête : à la recherche de l’adoration dans la Bible, c’est-à-dire de quelque chose qui n’existe pas ou, en tout cas, qui ne trouve pas de mots spécifiques pour se dire.
Les mots de l’Ancien Testament
Voyons dès lors une constellation de mots : l’adoration devrait se situer quelque part entre eux, dans leur croisement, tel un travail sur soi demandé à l’être humain. Le premier mot, comme une étoile polaire, est le verbe « aimer » (’ahav) : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta force » (Dt 6,5). C’est le Seigneur qui co...
Mots clés :
Amour
Bible
Dieu
Doctrine
Evangile
Jésus-Christ
Père
Sagesse
Lire la suite
LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
CHRISTUS N°226
-
La rédaction
C’est la première fois, en plus de cinquante ans d’existence, que Christus consacre un dossier à la « recherche scientifique » – thème a priori fort peu « spirituel ». Aujourd’hui, cependant, bon nombre de scientifiques chrétiens cherchent à discerner, au sein même de leurs activités, le travail de l’Esprit. Ce dossier tente à sa manière de répondre à cette attente.
Voici les premières questions qui nous sont venues : La passion de la recherche scientifique ouvre-t-elle à la vie de l’Esprit ? Entre des domaines aussi différents que la spiritualité et la recherche scientifique, y a-t-il des liens ? Si oui, comment travaillent-ils l’intériorité de ceux qui consacrent leur vie à la progression des connaissances ? Par quelles démarches ou rencontres, quels débats ou combats ?… En nous questionnant de la sorte, nous essayions d’esquisser peu à peu une spiritualité propre aux scientifiques mais capable d’enrichir la spiritualité de tous dans l’Église et même au-delà. En effet, par sa démarche, ses objectifs et ses résultats, la recherche scientifique contribue pour une large part à former des consciences modernes, autonomes, « adultes » dans l’approche de la r&eac...
QUEL SENS A POUR NOUS LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE ?
CHRISTUS N°226
-
Philippe DETERRE
Il fut un temps où les chercheurs scientifiques étaient des hommes d’aventure. On peut penser bien sûr à Galilée, Newton et Darwin, mais aussi, plus près de nous, Pasteur, Henri Poincaré et Albert Einstein, ou à ces scientifiques français « prix Nobel » comme François Jacob, Pierre-Gilles De Gennes ou Françoise Barré-Sinoussi. Mais ces valeureux scientifiques ne sont-ils pas les derniers témoins d’un temps désormais révolu ? Les chercheurs ne sont-ils pas devenus de simples techniciens de haut niveau qui adaptent les technologies existantes ou en inventent de nouvelles pour satisfaire les besoins sociaux, depuis les cellules-souches jusqu’aux nanosciences ? Il n’y aurait donc tout simplement plus que des ingénieurs dont le « génie » se limiterait à l’amélioration du « comment » des choses et il n’y aurait plus de rêveurs qui s’interrogeraient sur le « pourquoi » et la symbolique des découvertes… Certes, cette dérive de la recherche vers l’utilitaire est favorisée aujourd’hui par la politique actuelle du pilotage de la recherche scientifique, mais ceci est un autre débat 1.
Mon propos voudrait plaider et témoigner de l’existence et de la vitalité d’une recherche fonda...
Mots clés :
Athéisme
Bible
Création
Croix
Dieu
Espérance
Foi
Liberté
Nature
Science
Connaissance
Lire la suite
AU TEMPS DES NEUROSCIENCES
CHRISTUS N°226
-
Bruno Saintôt
« – Aussi, prie-le donc [Dieu] aussi brièvement et parfaitement que tu le pourras.
– Dieu, toujours le même, fasse que je me connaisse et que je te connaisse ! Voilà ma prière » 1.
Peu après sa conversion, retiré avec quelques intimes pour prier et méditer, Augustin livrait ainsi l’essentiel de sa quête spirituelle. Cet appel de la prière aimante à la connaissance indissociable de soi et de Dieu fut diversement repris par de grandes figures spirituelles, notamment saint Bernard et sainte Thérèse d’Avila, pour accompagner l’élan de l’aventure spirituelle et pour en donner un des critères de vérification. Au cours de l’histoire, les trois lieux où se noue pour Augustin la connaissance de soi, des autres et de Dieu – le monde, l’âme et la relation d’amour – ont été diversement explorés.
Comment ce désir et cette ambition de la prière d’Augustin peuvent-ils se traduire aujourd’hui pour tous ceux qui ne dissocient pas la passion de connaître et la volonté d’aimer ? Plus particulièrement, comment les neurosciences, qui sont actuellement investies des plus grandes ambitions et promesses, peuvent-elles questionner, provoquer, voire aider la vie spirituelle ?
Il faut sans doute beauc...
Mots clés :
Bible
Evénement
Expérience spirituelle
Incarnation
Science
Connaissance
Lire la suite
RISQUER SA VIE SUR DES ÊTRES DE PAPIER ?
CHRISTUS N°225
-
Jean-Pierre Sonnet
Les personnages de la Bible sont, à plus d’un titre, de sacrés caractères. Ils illustrent, pour le meilleur et pour le pire, les possibles de la liberté humaine lorsqu’elle croise celle de Dieu, et ils le font en s’affirmant de manière têtue dans nos mémoires de lecteurs et de croyants. Qui a croisé, dans une expérience de lecture un peu persévérante, des personnages tels que Rébecca et Jacob, David et Abigaïl, Job, Nicodème, Pierre et Marie-Madeleine, a reçu des compagnons de route, des proches, parfois des « revenants ». Se mesurer à leurs apparitions dans le récit, c’est vérifier le jugement de Robert Alter : « Les écrivains de la Bible ont conféré à leurs personnages une individualité complexe, parfois séduisante, le plus souvent farouchement opiniâtre, parce que c’est dans l’obstination de son humanité et de son individualité que l’homme rencontre Dieu, ou prend parti de l’ignorer, lui répond ou lui résiste » 1. Est-ce dès lors surprenant : dans l’expérience croyante, ces personnages se sont mués en « présences réelles », apparaissant « comme en vis-à-vis » (Gn 2,18) – ainsi qu’ils le font dans les vitraux des...
Mots clés :
Action
Bible
Dieu
Eglise
Imagination
Réalité
Silence
Universalité
Temps
Littérature
Lire la suite
LECTURES JUIVES DE LA BIBLE
CHRISTUS N°225
-
Geneviève Comeau
Depuis quelques décennies, la lecture juive de la Bible suscite un grand intérêt chez de nombreux chrétiens. Elle renouvelle leur propre compréhension du texte, leur ouvre des possibilités d’interprétation qu’ils n’avaient pas soupçonnées jusque-là, et leur redonne goût pour la lecture et la méditation de la Bible.
Ce phénomène est lié au rapprochement entre juifs et chrétiens dans la deuxième moitié du XXe siècle. Le Concile Vatican II, dans son texte sur le judaïsme, n’a-t-il pas recommandé que grandissent entre juifs et chrétiens la connaissance et l’estime mutuelles grâce à des études bibliques et théologiques 1 ? Les textes du philosophe Emmanuel Levinas ont pu contribuer à cet intérêt des chrétiens pour l’exégèse juive – ainsi que, de manière plus médiatique, l’émission télévisée À Bible ouverte de Josy Eisenberg. Il s’en dégage une impression de grande liberté : la parole du Dieu vivant peut être entendue de diverses manières. Cependant, cette lecture peut aussi déconcerter. Elle ne livre pas immédiatement ses secrets…
Une ou des lectures juives de la Bible ?
Faut-il parler au sin...
Mots clés :
Bible
Démon
Jésus-Christ
Judaïsme
Tradition
Lire la suite
L’AFRIQUE DE L’ORALITÉ ET L’ACCUEIL DE L’ÉCRITURE
CHRISTUS N°225
-
Eric De Rosny
Il est des régions du monde, et en particulier en Afrique subsaharienne, où l’accès à l’écriture a coïncidé avec l’arrivée des premiers missionnaires. Ceux-ci se sont aussitôt préoccupés d’apprendre à lire à leurs nouveaux fidèles en ouvrant des établissements scolaires. Ils ont trouvé en place ce que nous appelons aujourd’hui des « religions traditionnelles » qu’un bon nombre d’entre eux désignèrent sous le terme d’« animisme ». Des religions où prévalait le culte des ancêtres, mais qui ne reposaient pas sur un corpus écrit. Edmond Ortigues a consacré un livre sur le sujet dont le titre est significatif : Religions du Livre, religions de la coutume 1. Dès lors, il peut être instructif de parcourir certaines étapes significatives de l’accueil qui a été réservé progressivement à la Bible jusqu’à sa complète intégration, dans cette partie du monde où se trouvent aujourd’hui de fortes communautés chrétiennes 2.
Comment les nouveaux prophètes s’émancipent
Situons-nous au milieu du XIXe siècle, l’âge d’or de l’expansion missionnaire en Afrique non musulmane. &Agra...
Mots clés :
Bible
Catholicisme
Dialogue interreligieux
Eglise
Evangélisation
Mission
Prophète
Lire la suite
LA PAROLE COMME CHRIST
CHRISTUS N°225
-
Christoph Theobald
Christus : Qu’est-ce la Parole de Dieu ?
Christoph Theobald : J’ai envie de dire que c’est d’abord une parole d’homme. Qu’est-ce qui permet le passage de la parole d’homme, entre êtres humains, à la parole de Dieu – c’est-à-dire à ce qui fait de Dieu l’origine même de cette parole ? Cette question est abordée dans le premier texte du Nouveau Testament, la Première lettre aux Thessaloniciens : « Voici pourquoi de notre côté nous rendons sans cesse grâce à Dieu de ce qu’ayant reçu la parole de Dieu que nous vous faisions entendre, vous l’avez Accueillie non comme une parole d’homme mais comme ce qu’elle est réellement : la parole de Dieu, qui est aussi à l’oeuvre en vous les croyants » (2,13). On reconnaît clairement là que c’est d’abord une parole d’homme, et échangée. Mais qu’est-ce qui permet de la reconnaître comme parole de Dieu ? Le fait que, selon Paul, elle est déjà à l’oeuvre en ceux et celles qui la reçoivent. Pour l’apôtre, le critère ultime, c’est l’Évangile, autrement dit une parole exorbitante, dont aucun être humain ne peut porter le poids, une parole dont Dieu seul (ou celui que nous appelons Dieu) peut être l’origine...
Mots clés :
Bible
Corps
Expérience spirituelle
Incarnation
Jésus-Christ
Parole de Dieu
Parole d’homme
Théologie
Lire la suite
LES RÉSONANCES DE LA PAROLE
CHRISTUS N°225
-
Robert SCHOLTUS
Que les chrétiens aient à se nourrir du Verbe de Dieu aux « deux tables de la Bible et de l’Eucharistie » 1, voilà ce qu’atteste la plus ancienne pratique de l’Église. C’est cette symbolique des deux tables qu’a voulu particulièrement honorer la réforme liturgique de Vatican II, rappelant ainsi que « l’Église a toujours vénéré les divines Écritures comme elle l’a toujours fait aussi pour le Corps même du Seigneur, elle qui ne cesse, surtout dans la sainte liturgie, de prendre le pain de vie sur la table de la Parole de Dieu et sur celle du Corps du Christ pour l’offrir aux fidèles » 2.
Il en ressort que l’Écriture est « pain de vie », un pain à manger au même titre que le pain eucharistique, ce pain descendu du ciel dont Tertullien disait qu’il est « la parole du Dieu vivant ». L’Écriture et le pain sont les deux modes de l’unique liturgie en laquelle Dieu parle et se communique. L’Écriture est offerte au croyant comme sacrement de la Parole de Dieu et réciproquement le sacrement « effectue » en lui cette Parole qui guérit et nourrit, lie et délie, réconcilie et rassemble, confirme et envoie.
La conversation humaine
Suffit-il cependant d’affirmer la sacramenta...
Mots clés :
Action
Bible
Charité
Jésus-Christ
Parole de Dieu
Parole d’homme
Sacrement
Sainteté
Littérature
Lire la suite
FIGURES DU DÉCOURAGEMENT DANS L’ART
CHRISTUS N°224
-
Martine Le Gac
À quoi peut ressembler le découragement dans les arts visuels ? Existe-t-il une iconographie qui montre cette étape où quelqu’un fait l’expérience de l’impuissance et ne pense pouvoir trouver ni aide ni remède ?
Le Champ de blé aux corbeaux de Van Gogh peint en juillet 1890, Le Concert (1955) de Nicolas de Staël, l’une des toiles de février 1970 de Mark Rothko : Black on Grey (noir sur gris), ne sont pas des peintures qui figurent le découragement. Nous devinons qu’elles le contiennent au fait qu’elles sont parmi les dernières avant que ces artistes ne se suicident. Alors nous y cherchons les indices de ce moment où le créateur va sombrer. Il n’y a pourtant là, dans ces tableaux, rien qui ressemble à de la défaite. Il y a tout au contraire une activité créatrice, hardie, une audace dans le traitement. C’est là le paradoxe : le sujet (le motif) n’est pas l’état du sujet (l’auteur).
Des images apparentées
À la différence de la Chute ou de la Mélancolie qui sont des pistes artistiques dont la présence est récurrente au cours des siècles, comme le déclare la conservatrice Catherine Grenier dans le catalogue de l’exposition Traces du sacré 1, le découragement n’est pa...
Mots clés :
Art (cinéma, peinture, sculpture)
Bible
Images
Jésus-Christ
Larmes
Mal
Pardon
Passion
Prière
Réalité
Lire la suite
L’EXPÉRIENCE DU PROPHÈTE ÉLIE
CHRISTUS N°224
-
Éliane Poirot
Élie le Thesbite, qui a fermé le ciel par sa parole ; Élie le thaumaturge, qui a multiplié farine et huile pour une veuve qui l’hébergeait, et dont il a ressuscité le fils ; Élie le grand prophète, à qui Dieu répondit en faisant descendre le feu sur son sacrifice devant tout Israël et qui a massacré les prophètes de Baal ; Élie l’homme de Dieu, dont la prière a rouvert le ciel pour en faire descendre la pluie ; Élie qui, au comble de son exaltation, a couru miraculeusement devant le char d’Achab ; ce grand Élie, à la menace d’une femme, Jézabel, fuit au désert. Là, il se laisse choir sous un genêt, il demande la mort et dit : « Assez ! Maintenant, Seigneur, prends mon être ! » (1 R 19,4). Repu de fatigue et de désespoir, il s’abandonne au sommeil, mais un ange vient le toucher et lui souffle : « Lève-toi ! Mange ! » Sitôt redressé, il aperçoit près de sa tête un pain d’épeautre et une cruche d’eau ; il mange, boit, mais se recouche ; l’ange l’invite à se refaire des forces : « Oui, le chemin est trop long pour toi ! » Élie se met en marche, et au terme de quarante jours et quarante nuits de prière et de jeûne, il arrive, exténué...
Mots clés :
Bible
Désolation
Humilité
Mystique
Prophète
Providence
Souffrance
Théologie
Oecuménisme
Lire la suite
LA PUISSANCE DE LA MUSIQUE
CHRISTUS N°223
-
Jean-Louis Chrétien
Mots clés :
Bible
Dieu
Ecoute
Guérison
Joie
Musique
Théologie
Lire la suite
DU SPIRITUEL EN MUSIQUE
CHRISTUS N°223
-
Jean-Michel Dieuaide
Un panorama de la musique contemporaine en un si bref article relève du défi. Je me contenterai de poser quelques petits cailloux blancs dans le dédale d’une création foisonnante. Prenant le risque d’une franche partialité, je vous convie à une petite promenade dans mon « jardin personnel » 1 en compagnie de Jean-Paul II et de sa Lettre aux artistes (1999).
Lorsque Jean-Paul II s’adresse « à tous ceux qui, avec un dévouement passionné, cherchent de nouvelles “épiphanies” de la beauté », il met en exergue de sa lettre un verset de la Genèse : « Dieu vit tout ce qu’il avait fait : cela était très bon » (1,31). Dans le premier chapitre, le pape définit la nature de l’« association » de l’artiste à l’oeuvre du Créateur : « Dans l’homme artisan se reflète son image de Créateur. »
Je crois profondément qu’un musicien fait la musique « selon son coeur » et éventuellement « sur commande ». Les musiciens ne « revendiquent » rien d’autre que la possibilité pour leur oeuvre de dire et de faire ce qu’elle porte. Jean-Paul II ne dit pas autre chose : « Toute forme authentique d’art constitue une approche très valable de l’horiz...
Mots clés :
Art (cinéma, peinture, sculpture)
Bible
Catholicisme
Eglise
Expérience spirituelle
Foi
Musique
Lire la suite
UNE VIE AUPRÈS DES GITANS
CHRISTUS N°223
-
René Bernard
Voici cinquante ans que le P. René Bernard vit au contact des Tsiganes, à partir de l’amitié nouée avec quelques familles d’Avignon. Père spirituel au collège jésuite, il s’installe dans un logement tout proche qui lui permet d’accueillir en toute sécurité des personnes, des couples, des familles ayant besoin d’aide, de dialogue, d’hospitalité ou de protection. En quelques années, le P. Bernard voit sa vie tout entière occupée par l’accueil et le service des populations tsiganes, élargies ensuite aux réfugiés asiatiques. Dans les années 70, il anime, développe et organise l’Aumônerie nationale des Gitans, Nomades et Gens du Voyage, qui devient un Mouvement au sein de l’Action catholique. Connaissance de la culture tsigane et action sociale sont les deux ressorts de sa présence évangélique auprès de populations subissant le rejet.
Sa principale mission consiste à désenclaver la population tsigane de ses seuls repères et traditions, et à désenclaver la société de ses préjugés et de ses peurs vis-à-vis des gitans. Voilà pourquoi il jugeait cette mission compatible avec son appartenance au collège d’Avignon et avec son animation d’équipes du MC...
Mots clés :
Amour
Bible
Charité
Eglise
Expérience spirituelle
Justice
Liberté
Pauvreté
Lire la suite
LES NUITS BIBLIQUES
CHRISTUS N°221
-
François CASSINGENA-TRÉVEDY
Dans ses Vespri per l’Assunzione di Maria Vergine, telles qu’un patient travail musicologique en a reconstitué récemment le cycle complet, Antonio Vivaldi, expert dans l’art de varier les procédés d’expression, a confié à la voix de contralto l’exécution intégrale du Psaume 126 (RV 608), lequel faisait traditionnellement partie de la psalmodie de l’office vespéral, aux jours de fêtes mariales. Sur le verset « Cum dederit dilectis suis somnum » (« Le Seigneur donne le sommeil à ses bien-aimés ») traité naturellement comme un andante, le figuratisme musical atteint un sommet de perfection qui, loin de représenter une simple prouesse de théâtralité, reflète la profonde méditation du psaume par celui que l’on appelait le « prêtre roux » : l’auditeur se voit confronté soudain au grand mystère du sommeil, non pas seulement comme fait de nature, mais comme don de Dieu, au point que, s’il écoutait comme il se devrait d’écouter toujours, il y cèderait bientôt lui-même 1.
Mystère proprement biblique du sommeil : celui que Dieu donne, celui où Dieu opère, celui où Dieu se fait jour.
Un sommeil tombé de Dieu
Au commencement était le sommeil, et le so...
Mots clés :
Art (cinéma, peinture, sculpture)
Bible
Dieu
Expérience spirituelle
Grâce
Imagination
Incarnation
Jésus-Christ
Temps
Lire la suite
LIRE LE TEXTE BIBLIQUE PENDANT L’ORAISON ?
CHRISTUS N°221
-
Jean-Marie CARRIÈRE
Lorsque le retraitant, au cours d’une démarche selon les Exercices spirituels, prend au cours de la journée un temps pour l’oraison, convient-il qu’il emporte avec lui le texte biblique avec lequel il a prévu de prier ? C’est là une pratique assez courante. Elle l’est évidemment surtout pour les personnes dont la culture biblique est relativement maigre, et qui ne connaissent pas bien l’ensemble des « textes » ou « passages » bibliques qui leur sont proposés. Mais elle est aussi répandue chez ceux qui « connaissent bien leur Bible ». Ces quelques pages se proposent de réfléchir à cette question concrète, en tant qu’il s’agit d’une question pédagogique, mais aussi d’une question sur notre culture d’aujourd’hui.
Dans le parcours des quatre semaines des Exercices, cette question concrète se pose surtout, pensons-nous, à partir de la deuxième semaine. Sans entrer dans la discussion d’un point disputé, disons qu’il n’y a pas vraiment de rapport à la Bible au cours de la première semaine, du moins telle qu’elle est proposée dans le livret d’Ignace. Notre position contredit la pratique courante, certes, surtout lorsqu’on prévoit dans telle ou telle retraite une période dite « d...
Mots clés :
Bible
Contemplation
Exercices spirituels
Spiritualité ignatienne
Tradition
Lire la suite
L’AVENIR D’UNE ÉPREUVE
CHRISTUS N°220
-
Anne-Marie PELLETIER
Il y avait eu le premier grand ébranlement au VIIIe siècle, quand le royaume du Nord avait été effacé de la carte par la conquête assyrienne. Jérusalem avait échappé in extremis au désastre et, cahin-caha, le royaume de Juda avait perduré dans une vassalité plus ou moins coûteuse, sous la coupe de ses puissants voisins égyptien ou mésopotamien. Ensuite, tout s’accéléra avec l’avènement du babylonien Nabuchodonosor en 605. Quatre ans plus tard, celui-ci ravageait le territoire de Juda, puis assiégeait à deux reprises Jérusalem. En plusieurs vagues, les élites du pays furent déportées sur les rives de l’Euphrate. On tenta de résister en jouant d’alliances politiques hasardeuses. Mais Jérémie qui prêchait durant ces années sombres avertissait ses rares compatriotes qui voulaient bien l’entendre : la marche à l’abîme était inexorable. De fait, en 587/86, Jérusalem tombait définitivement, ses murailles étaient ruinées, le Temple pillé et détruit, le pays livré à l’étranger. Désormais, et pratiquement pour la suite des temps, l’autonomie politique fut perdue. La langue elle-même fut touchée par la catastrophe, puisque l’ara...
NAISSANCE D’ISRAËL, ÉMERGENCE DU QUART MONDE
CHRISTUS N°219
-
Amaury BEGASSE DE DHAEM
«Lecture de Finkelstein et Co, La Bible dévoilée 1. (…) La surprise est grande, même pour un lecteur aussi peu attaché que moi à l’historicité des personnages et des récits. (…) Et voilà, tout cela n’a pas eu lieu, l’argumentation archéologique est imparable. (…) Rien d’historique avant le VIIe s. […] cette histoire était construite. »
Dans ce fragment intitulé « La “Saga” biblique (1) », rédigé durant le dernier été de sa vie, Paul Ricoeur ne cache pas la surprise, pour ne pas dire le désarroi, que suscite en lui « la perte d’une illusion qui a été elle-même fondatrice » 2. Non seulement il n’y aurait pas de traces d’Abraham, des patriarches, des douze tribus, de Moïse, de l’Exode, de Josué et de la conquête de la Terre promise, mais guère davantage de David ou de Salomon : rien, jusqu’à l’exil, au retour duquel se cristallise la mémoire du peuple dans le passage à l’écriture. Ricoeur ne paraît pas mettre en question les conclusions de l’ouvrage de Finkelstein et Silberman, ni envisager les limites hypothétiques d’une recherche archéologique toujours en cours, ni considérer l’angle partial en vertu duquel,...
Mots clés :
Amour
Bible
Chair
Judaïsme
Mémoire
Pauvreté
Réconciliation (confession)
Sagesse
Silence
Tradition
Vérité
Temps
Lire la suite
LA RELECTURE BIBLIQUE EST UNE ESPÉRANCE
CHRISTUS N°219
-
Martin Pochon
La Bible est la trace d’une découverte progressive du visage de Dieu. Elle est le fruit de relectures « cumulatives » selon des genres littéraires très variés. Chaque événement nouveau, compris à la lumière de ce qui a été donné antérieurement, est l’occasion d’une révélation. Il conduit à une intelligence renouvelée des événements passés, à une remise en chantier des conceptions anciennes. Cette ré-interprétation n’est pas une trahison de la mémoire d’un peuple et de ses livres saints, c’est une fidélité à l’espérance qui les animait.
Plus l’attente d’un accomplissement s’est creusée dans l’histoire sainte, plus des sages ont relu à frais nouveaux la Loi et les Prophètes dont ils héritaient. Dans la Bible, c’est la re-connaissance, au sens le plus littéral, qui ouvre l’avenir. Ce processus de re-connaissance, avec ce qu’il comporte d’acte de foi, de silence et d’oubli, de mémoire et d’espérance, est repérable dans les récits de création et particulièrement dans le texte yahviste (Gn 2,4b–3,24) et ses relectures ultérieures. Ce parcours que nous allons faire nous aidera à p...
Mots clés :
Bible
Espérance
Foi
Jésus-Christ
Liberté
Mémoire
Temps
Lire la suite
L’AUTORITÉ SE REÇOIT
CHRISTUS N°218
-
Nicole JEAMMET
« Tu honoreras ton père et ta mère, mais s’ils te demandent de transgresser la loi, rappelle-leur qu’eux-mêmes sont soumis à la loi. » Talmud
Il y a encore une cinquantaine d’années, un consensus social existait quant au bien-fondé d’une autorité des parents ou des professeurs, et il ne venait à l’idée de personne de leur demander au nom de quoi ils se sentaient ainsi justifiés à exiger telle ou telle chose. Or, peu à peu, ce consensus a éclaté au bénéfice d’une volonté de « comprendre » les enfants, et nous sommes passés du droit parfois excessif des parents à poser des règles et des interdits à un autre excès, celui du droit des enfants à être entendus dans leurs revendications d’autonomie. Or il me semble que toute « vérité » ne vit que d’être paradoxale, et que l’oublier expose aux dangers qu’on voulait éviter.
Des parents en quête de réassurance
Il n’est que d’écouter des parents venant en consultation au sujet d’enfants en difficulté pour constater combien il est devenu difficile à la plupart de poser des limites, avec un leitmotiv : « Je ne veux pas que plus tard mon enfant ait quelque chose à me reproch...
Mots clés :
Amitié
Bible
Catholicisme
Famille
Humanisme
Justice
Liberté
Paternité
Pédagogie
Psychologie
Lire la suite
LE CANON DES ÉCRITURES
CHRISTUS N°218
-
Marc RASTOIN
Quelle autorité accorder au canon des Écritures ? Pourquoi certains écrits chrétiens n’y ont-ils pas été retenus ? Qui dans l’Église en a décidé et sur la base de quels critères ? En quoi l’autorité que nous reconnaissons à nos Écritures canoniques renvoie effectivement à l’autorité du Christ sans la masquer ? Ces vieilles questions sont revenues au premier plan, d’une part en raison de la découverte des manuscrits de Qumran en 1947 et d’autre part en raison de la grande mode des écrits gnostiques chrétiens depuis une trentaine d’années. Il est si tentant de vouloir, comme l’on dit, « accéder directement aux textes », sans passer par la médiation d’une Église, vue comme prompte à la dissimulation. Pourtant, sans les communautés porteuses du canon, pas d’Écritures. Il y a un renvoi mutuel entre communauté, credo et Écriture.
Dans un premier temps, il convient d’insister sur le statut second d’une Écriture qui renvoie à un autre qu’elle-même. Dans un second temps, pourra être rappelé comment s’est historiquement constitué le canon catholique des Écritures.
Pas d’Écriture sans Esprit Saint
Un premier rappel s’impose :...
Mots clés :
Bible
Catholicisme
Eglise
Esprit
Evangile
Foi
Liturgie
Sainteté
Tradition
Lire la suite
METTRE AU MONDE
CHRISTUS N°217
-
Brigitte PICQ
Expérience la plus partagée qui soit, la venue d’un enfant au monde ne peut être évoquée hors d’une expérience à chaque fois singulière. Le lot commun, devant la naissance, est donc d’avoir recours à des mots qui ne peuvent surgir que d’une histoire personnelle, pour dire cet événement, toujours identique, toujours différent, d’une mère à l’autre, et, pour la même mère, d’un enfant à l’autre. Une naissance, n’est-ce pas avant tout une émotion bouleversante qu’accompagne le plus souvent la joie ? Cette joie est faite d’étonnement, d’admiration, d’émerveillement, et même de contemplation devant cet enfant qui semble venir d’ailleurs, mais elle peut être aussi faite de crainte. C’est donc une joie un peu tremblante, consciente de sa fragilité devant l’immensité du don reçu, devant la fragilité aussi de ce petit être qui vient d’apparaître et devant l’inconnu de la vie qui se présente comme promesse. Cependant, cette joie est le plus beau signe de l’espérance, car le désir d’enfant, que réalise la naissance, se montre toujours plus fort que la conscience du risque qu’il pourrait y avoir à transmettre la vie.
Nouveau et autr...
Mots clés :
Bible
Chair
Dieu
Enfant
Femme
Parole de Dieu
Parole d’homme
Pédagogie
Lire la suite
PETIT ROI, PETIT CHOSE
CHRISTUS N°217
-
Olivier de Dinechin
«Sortir de l’enfance », « retomber en enfance » : ces expressions traditionnelles d’un voeu et d’un regret soulignent le paradoxe de l’appel évangélique à « devenir comme les enfants ». Qu’est-ce que cette enfance à quitter et à trouver ? S’agirait-il, comme le demande Nicodème, d’« entrer dans le sein de sa mère pour naître à nouveau » ? L’ensemble des paroles de l’Évangile de Jean indiquent une ligne de réponse, à partir du thème de la filiation, notamment dans les débats sur les « Fils d’Abraham » : il s’agit bien de se reconnaître fils ou fille, mais de quel « Père » ? L’enfant, dans cette perspective, est celui qui, en esprit et en vérité, est proche de son origine, qui la « reconnaît ».
Se savoir, se reconnaître fils ou fille : ce fil directeur peut aider à relier ce qui, dans l’existence d’un sujet humain, fait sens ou fait question. De toujours, cette expérience humaine a été constitutive de l’identité personnelle et sociale, mais toujours elle devait, ainsi que la réponse, traverser les âges de la vie : on n’est pas fils ou fille de la même manière de la naissance à l’âge m&...
Mots clés :
Bible
Enfant
Famille
Mensonge
Mère
Paternité
Salut
Tradition
Lire la suite
UNE APPROCHE SPIRITUELLE MONTESSORIENNE
CHRISTUS N°217
-
Jeanne-Françoise Hutin
«Devenir des enfants pour entrer dans le Royaume. » Cette parole du Christ ne signifie-t-elle pas qu’en tout homme, en tout enfant, se trouvent les ferments de ce Royaume – à la fois grain de sénevé, levain, perle précieuse ? Le Christ ne nous appelle-t-il pas à retrouver en nous ce qui transparaît chez tout enfant, lorsqu’on se penche vers lui, lorsqu’on plonge son regard dans le sien ? Un monde caché auquel nous n’avons pas accès, celui de son inconscient, celui de son mystère ?
Ce conseil est porteur d’un enseignement qui nous appelle à réfléchir, sur nous-même, sur notre humanité et ce qui, en nous, prolonge cette spécificité de l’enfance que certains perdent au fil du durcissement de leurs artères ! Cet appel de Jésus ne nous invite-t-il pas à nous mettre à l’école des enfants, à leur écoute ? À chercher à mieux comprendre les premiers temps de la croissance pour retrouver l’essentiel ? Ce conseil, donné par Jésus aux savants qui se bousculaient pour être près de lui, a dû, pour le moins, surprendre sinon scandaliser ces adultes sûrs d’eux-mêmes et de leur importance. Nous sommes appelés, comme eux, à quitter cette certitude, nous qui avons la conviction d’ê...
LA VIERGE AU BUISSON DE ROSES
CHRISTUS N°217
-
Évelyne Franck
Alors que Jean-Pierre Lemaire se tient plutôt dans l’escalier de l’Annonciade, à Menton, sous la lumière du sud 1, il est allé au bout du monde, dans le nord-est de la France, il s’est ouvert à la mystique rhénane, est revenu. Or voici que la rencontre s’est faite, il a été agréé. J’en veux pour signe ce poème de mars 2006 :
La Vierge au buisson de roses(Colmar)Vous êtes là, Marie, en manteau rouge,majestueuse, aimable, veillant d’un côtéet votre fils de l’autre.Autour de vous, des rosessans épines, comme au jardin d’Éden,et ces oiseaux, rouges-gorges, mésanges,rossignols, peut-être, à l’air étrange :des oiseaux peints qui ne peuvent chanter. Comme eux, je vous regarde,j’apprends à me taire, en pénitence au Paradis.
C’est toujours devant une fournaise que vous retrouvez Jean-Pierre Lemaire. Effectivement, La Vierge au buisson de roses est un Buisson ardent. Il est vrai que les oeuvres antérieures du poète disent une fascination pour le feu, véritablement faite d’attraction et de répulsion. Une détresse secrète en est la raison, semble-t-il : « l’accident » 2. Nous n’en saurons pas plus. Le poème est une prière adressée à Marie, qui est ic...
QUI EST LE CARDINAL MARTINI ?
CHRISTUS N°216
-
Gabriel Ispérian
Carlo Maria Martini est un véritable Piémontais : il en a les qualités de réserve, de discrétion, de retenue, quelque chose d’austère où affleure cependant une vive et délicate sensibilité. Né en 1927 à Turin, pour lui la ville constitue une donnée première. Peu à peu, il lui découvrira un double visage.
L’un est assez effrayant : « Un soir à Milan, nous revenions en voiture, de je ne sais quelle réunion. (...) Je me souviens que, assis dans la voiture, je voyais les maisons avancer sur moi, l’une après l’autre, et dans les maisons les appartements, avec au-dedans tous ceux que l’on devinait derrière les rideaux (...) et dans les maisons, tous ces poids à porter : litiges, frustrations, problèmes, maladies, morts. Tout cela me pesait (...). Je sentais remonter l’angoisse pour les meurtres du terrorisme, pour toutes les victimes de la criminalité et de la drogue, pour les désespérés, pour tous ceux qui, cette nuit-là, en avaient assez de vivre... » 1.
L’autre visage de la ville est lumineux, évoqué grâce à une citation tirée d’un discours de Giorgio La Pira : « Les villes ont leur visage propre (...) ; elles ont une âme et un destin particulier (...) ; elles sont de mystér...
Mots clés :
Action
Bible
Compagnie de Jésus
Contemplation
Dialogue interreligieux
Dieu
Eglise
Exercices spirituels
Mémoire
Volonté de Dieu (volonté)
Vérité
Volonté de l'homme
Lire la suite
LA LUTTE CONTRE LES PASSIONS. D’APRÈS LES PÈRES DU DÉSERT
CHRISTUS N°215
-
Marie-Amélie LE BOURGEOIS

La demande d’accompagnement spirituel se fait de nos jours, chez les chrétiens, de plus en plus fréquente. Sans le savoir, ceux et celles qui le demandent rejoignent le propos des ascètes du désert des premiers siècles. Pour le premier d’entre eux, saint Antoine, encore appelé le « père des moines », l’accompagnement spirituel est d’abord une « exhortation mutuelle ». Dans sa « vie », écrite peu de temps après sa mort, saint Athanase raconte qu’il reçut des moines venus quémander son instruction : « Les saintes Écritures suffisent à notre enseignement, mais il est beau de nous exhorter mutuellement dans la foi, et de nous animer par des discours. Vous, mes fils, vous apportez à votre père ce que vous savez ; moi, votre aîné, je vous livre ce que l’expérience m’a appris » 1.
Or, ce que l’expérience avait appris à Antoine durant les vingt ans où il avait vécu en solitaire dans le désert et les tombeaux, c’était à tenir tête aux esprits mauvais. Athanase, champion de la lutte contre l’arianisme, insiste fortement sur le combat spirituel incessant qu’il dut mener contre eux, et sur les victoires que le Christ remportait en lui. Bientôt, l’exemple d’Antoine et de ses dis...
Mots clés :
Ascèse
Bible
Combat spirituel
Paix
Prière
Tentation
Conversion
Lire la suite
LES PÈRES DE L’ÉGLISE : DES PÈRES SPIRITUELS ?
CHRISTUS N°215
-
Dominique Bertrand
À l’occasion de la publication du 500e volume de la collection « Sources Chrétiennes », nous avons demandé au P. Bertrand, qui en fut le directeur, de nous inviter à faire une petite croisière haute en couleurs avec certains de ces Pères dont l’influence sur les théologiens et exégètes du XXe siècle doit beaucoup aux éditions critiques de la prestigieuse collection.
Est-ce à cause de ce nom, quelque peu exotique, dont on les pare ? les « Pères de l’Église » ont le vent en poupe. Soixante-dix mille exemplaires de la collection des « Sources Chrétiennes », qui leur est consacrée, ont été vendus l’an dernier dans les trois mois d’une promotion commerciale. Lors du dernier carême, une retraite de paroisse, organisée à Paris, a été un franc succès : il s’agissait de s’y laisser conduire vers « la dignité de l’homme » par les sermons de Léon le Grand, pape du Ve siècle, un Père entre les Pères. Il est vrai que la paroisse en question a pour patron saint Léon. Mais quand même ! Et que dire des propensions patristiques de Benoît XVI ?
Le problème qui se pose à leur sujet dans la conscience chrétienne est donc simple : comment profiter de ce gran...
Mots clés :
Bible
Dieu
Eglise
Foi
Incarnation
Jésus-Christ
Théologie
Trinité
Lire la suite
L’ÉCRITURE DES UNS ET DES AUTRES
CHRISTUS N°214
-
Jean-Louis Declais
«Il a parlé par les prophètes », dit le Credo chrétien. « Nous croyons en Dieu (…), en ce que les prophètes ont reçu de leur Seigneur — et nous ne faisons pas de différence entre eux », lit-on dans le Coran (2,136). Les deux confessions de foi seraient-elles équivalentes ? Il est tentant de le penser et de voir, dans le judaïsme, le christianisme et l’islam, des religions qui, à défaut d’être soeurs, pourraient bien être cousines. Mais on prendra garde aux équivalences faciles. Les mêmes mots ne signifient pas nécessairement les mêmes choses selon qu’ils entrent dans un ensemble ou dans un autre. L’oublier, c’est s’exposer à des erreurs de perspective et à de graves déconvenues.
« Prophète », un mot équivoque
Dans son discours de Pentecôte, Pierre qualifie David de prophète (Ac 2,30). Dans les anciens récits, le roi David était flanqué des prophètes Gad (1 S 22,5 ; 2 S 24,11) ou Natan (2 S 7,2) ; les narrateurs de ce temps-là savaient bien qu’on ne pouvait pas être à la fois roi et prophète. Que s’est-il donc passé entre deux ?
Dans la société israélite préexilique était qualifié de prophète quelqu&rsqu...
Mots clés :
Bible
Dialogue interreligieux
Images
Prophète
Religions
Lire la suite
LECTURES CROISÉES
CHRISTUS N°214
-
Alain Feuvrier
Nayla Tabbara
Lecture chrétienne de la sourate de l’Ouverture
« Au nom de Dieu, infiniment bon et miséricordieux,
Louanges soient à Dieu, Seigneur de l’Univers,
Infiniment bon et miséricordieux,
Souverain du Jour du Jugement.
C’est toi seul que nous adorons,
Toi seul dont nous implorons l’aide.
Guide-nous sur la Voie droite,
La Voie de ceux à qui tu as accordé tes bienfaits,
Non de ceux qui ont encouru ta colère
Ni de ceux qui sont dans l’égarement. Amîn » 1.
Récitée chaque jour, la sourate Fâtiha « ouvre » le Coran (c’est le sens de la racine fataha). Magnifique, cette prière est aussi fondamentale pour tout musulman : elle rythme les cinq prières rituelles quotidiennes ; elle est présente au début de toute action de quelque importance dans la vie. Comme toutes les sourates (sauf la neuvième), la Fâtiha commence par ces mots : « Au Nom de Dieu, infiniment bon et miséricordieux... » Au lever, au début d’un repas, en commençant le travail, au moment de mourir comme lors d’une naissance, le croyant dit (ou entend prononcer) : « Bismi Allâhi Ar-Rahmâni Ar-Rahîmi... » (« Au nom de Dieu... »). La Fâtiha est bien la grande prière de l’islam. Certains musulmans vont jusqu’à di...
Mots clés :
Bible
Charité
Dialogue interreligieux
Dieu
Foi
Islam
Judaïsme
Religions
Tentation
Théologie
Lire la suite
SAVOIR ET SAVEUR DE LA PASSION AMOUREUSE
01 JANVIER 2007
-
Yves ROULLIÈRE
Le Cantique des cantiques est un livre de sagesse. Cela est non seulement attesté par sa situation dans le corpus sapientiel (aux côtés de Qohelet), mais par la lecture savante et savoureuse qu’en ont faite les Pères de l’Église et les mystiques médiévaux 1, et jusqu’aux poètes du XXe siècle. Il apparaît donc légitime d’y chercher sur quels éléments s’est fondé un nouveau savoir sur l’amour, puisque le Cantique nous met, sous le regard de Dieu, dans le mouvement même de la découverte de soi et de l’autre au stade passionnel — porte d’entrée de la vie conjugale et point de référence pour le couple au plus secret de ses jours. Nous verrons ensuite comment John Donne (1573-1631) fait le récit de cette prise de conscience décisive : « [Le corps] est pour le Seigneur, et le Seigneur est pour le corps » (1 Co 6,13).
« Le roi m’a introduite en ses appartements »
Rappelons d’abord en quelques mots la structure du Cantique. Il s’ouvre par un dialogue qui se déploie longuement en de multiples expressions de désirs mutuels (de 1 à 4,15) ; puis la bien-aimée ouvre son « jardin » avec ardeur (4,16) ; le bien-aimé y entre, et la bienaimée s’offre à lui ; mais, soudain, l&r...
Mots clés :
Affectivité
Amour
Bible
Chair
Corps
Foi
Passion
Sagesse
Désir
Lire la suite
LA RÉVOLUTION SEXUELLE EN QUESTION
CHRISTUS N°213
-
Jean-Claude Guillebaud
S’il est un terrain sur lequel le désarroi contemporain paraît à son comble, c’est bien celui de la sexualité. Nos sociétés paraissent osciller jusqu’au vertige entre des tropismes contradictoires. La permissivité claironnante du bavardage médiatique cohabite avec une pénalisation judiciaire des moeurs, plus sévère et plus tatillonne que jamais. À l’individualisme proclamé comme un dogme répondent un sentiment de solitude, une quête de lien et de solidarité, notamment familiale, que confirment tous les sondages. Quant à l’exhibitionnisme permanent — et bruyant — de la « société du spectacle », il suscite un regain d’intérêt pour la pudeur, le quantà- soi ou l’intimité protégée, regain qui joue un rôle évident dans la question du voile au sein de la communauté musulmane.
Ce désarroi, cette rétractation silencieuse prend parfois des formes plus radicales. À propos du prétendu « scandale » de la chasteté, par exemple. Il ne se passe guère de semaine sans que les médias ne dissertent sur un nouvel et étrange syndrome postmoderne de la société laïque : le retour de la continence volontaire, l’inclination nouvelle pour la chastet&ea...
AIMER SANS CRAINTE
CHRISTUS N°213
-
Véronique Margron
« Chaque époque a une chose à penser. Une seulement. La différence sexuelle est celle de notre temps. » Martin HeideggerLes premiers chapitres de la Genèse racontent en raccourci ce qu’il en est du monde, de l’être humain et de Dieu. Non comme un conte philosophique, mais depuis une confession de foi primordiale, celle de l’alliance de Dieu avec son peuple. Nous est racontée, en fin de compte, la complexité de la vie, depuis un lieu original : la sûreté que Dieu accompagne l’histoire, une histoire où rien n’est entièrement joué et où chacun n’est jamais définitivement prisonnier des événements. Ce qui s’exprime ici est nourri de l’expérience du peuple d’Israël avec son Dieu. Expérience de la sortie d’Égypte où le peuple découvre un Dieu de liberté et de vie, expérience de l’alliance où il comprend que Dieu veut entrer en relation, en vue d’une vie partagée, d’un bonheur commun. Ces découvertes concernent tout l’humain et tout humain et non le seul peuple élu. Voilà pourquoi nous pouvons nous saisir de ces propos, les écouter — les recueillir en quelque sorte — et les laisser faire leur oeuvre. Ils convoquent à reconnaître ce qui fonde l’humain da...
HOMME ET FEMME EN RELATION
CHRISTUS N°213
-
Jean-Paul
Les catéchèses de Jean Paul II sur la Genèse (novembre 1979) et sur le Cantique des Cantiques (juin 1984), parmi les plus belles de son pontificat, méritent d’être connues et méditées.
Sur la Genèse
« Cette fois, celle-ci est l’os de mes os, la chair de ma chair. Celle-ci, on l’appellera Femme parce que d’un homme elle a été prise » (Gn 2,23). À la lumière de ce texte, nous comprenons que la connaissance de l’homme passe par les caractères masculin et féminin qui sont comme deux « incarnations » de la même solitude métaphysique devant Dieu et le monde — comme deux manières d’« être corps » et d’être en même temps être humain qui se complètent réciproquement —, comme deux dimensions complémentaires de l’« autoconscience » et de l’« autodétermination » et en même temps comme deux consciences complémentaires de la signification du corps. Ainsi (...), le féminin, d’une certaine façon, se retrouve lui-même face au masculin, tandis que le masculin se confirme par le féminin. (...) L’homme et la femme s’unissant l’un à l’autre (dans l’acte conjugal) de manière si étroite qu&rs...
PAR LE CHEMIN DES ÉCRITURES
CHRISTUS N°212
-
Anne-Marie PELLETIER
À qui l’interrogeait un jour sur l’épouvante des camps nazis, l’écrivain Primo Levi répondit que ce n’était pas la haine, mais bien plutôt la peur de l’homme qui, désormais, dominait en lui. Que — par-delà les accidents et les catastrophes qui fondent sur les vivants — l’être humain puisse être le plus grand danger pour son semblable, voilà une évidence nourrie par une histoire immémoriale. Même le partage d’une commune fragilité ou d’une commune épreuve ne fait pas des humains spontanément des alliés. Un Alfred Thesiger, explorateur des déserts d’Arabie, tenait la rencontre d’autres hommes au coeur de sables perdus pour le grand péril, bien plus redoutable que la soif, la faim ou l’épuisement. Même en des circonstances plus ordinaires, toute rencontre expose à la double possibilité que l’autre se montre bienveillant ou qu’il se révèle hostile. Cette incertitude est précisément l’interstice où se glisse depuis toujours la peur de l’autre.
Peur de l’autre homme
Et c’est un fait que le livre biblique, ce laboratoire d’humanité, est rempli dès le départ de mentions de peurs, d’effrois, de récits de fuites, de cris de...
Mots clés :
Bible
Crainte
Dieu
Jésus-Christ
Liberté
Paix
Lire la suite
CLAUDE-HENRI ROCQUET
CHRISTUS N°212
-
Yves ROULLIÈRE
Malgré une oeuvre foisonnante, protéiforme, Claude-Henri Rocquet (né en 1933) reste un auteur encore trop méconnu. À l’heure actuelle, il est plutôt réputé pour ses superbes et magistraux ouvrages sur des peintres comme Brueghel, Bosch ou Van Gogh, ouvrages qui sont aussi des invitations à regarder de près des tableaux avec tous nos sens : l’histoire de l’art s’y abreuve constamment à la source spirituelle. Par ailleurs, certains se souviennent de la publication de ses entretiens au long cours avec de grandes figures intellectuelles et mystiques de notre temps : Leroi-Gourhan, Eliade, Lanza del Vasto. Grâce à une connaissance aiguë de l’oeuvre de ses interlocuteurs et un fort engagement personnel, Rocquet a su faire ressortir bien des aspects insoupçonnés de leur pensée. Et puis, il est apprécié par un public plus restreint — mais non moins fervent — pour son théâtre original, jamais très éloigné du conte ou du récit, car composé de puissants monologues. Parfois difficile à mettre en scène, ce théâtre se lit cependant avec aisance, surtout qu’il s’adosse, ici comme ailleurs, à une langue magnifique, somptueuse par moments, et pourtant familière avec sa solide simplicité.
Tout en revenant sur les c...
Mots clés :
Bible
Dieu
Ecoute
Humanisme
Incarnation
Mystique
Passion
Littérature
Lire la suite
LA SAMARITAINE
CHRISTUS N°211
-
Gabriel Miro
Gabriel Miró est né en Espagne, à Alicante, en cette terre levantine d’où il tirera l’essentiel de son inspiration. Nulle oeuvre au demeurant aussi universelle que la sienne, peu d’écrivains s’étant risqués à décrire l’état contemplatif avec une telle transparence : « ... Nous entendîmes la messe, la messe de l’Ascension, vibrante de canaris, dans une église blanchie à la chaux et aux fenêtres de moulin, où entraient un ciel géorgique et un bruit d’eau de rigoles. Si nous avions toujours pu vivre en ce lieu !... Et comme nous ne le pouvions pas, nous voulûmes déjà nous en aller car nous voulons “cet” instant, et cet instant a besoin d’une émotion suivie pour être et s’affiner de manière évocatrice. »
Trois expériences commandent l’oeuvre de Miró. L’autobiographie spirituelle d’abord, répartie en quatre livres et à propos de laquelle on l’a comparé à Marcel Proust ou Virginia Woolf. Ensuite, l’expérience imaginative, romanesque. Enfin, Miró attacha la plus grande importance à l’expérience religieuse, en se livrant à de minutieuses descriptions de « vieilles estampes par naïveté, désir naïf, c’es...
Mots clés :
Art (cinéma, peinture, sculpture)
Bible
Evangile
Grâce
Loi
Pardon
Interdit
Lire la suite
LE CHANT DE L'AMI (LSAÏE 5,1-7)
CHRISTUS N°209
-
Bruno RÉGENT
Le chant de la vigne
Que je chante à mon ami
le chant de mon ami pour sa vigne.
Mon ami avait une vigne,
sur un coteau fertile.
Il la bêcha, il l'épierra, il y planta du muscat.
Au milieu il bâtit une tour, il y creusa même un pressoir.
Il attendait de beaux raisins : elle donna du verjus.
Et maintenant, habitants de Jérusalem et gens de Juda,
soyez juges entre moi et ma vigne.
Que pouvais-je encore faire pour ma vigne que je n'aie fait ?
Pourquoi espérais-je avoir de beaux raisins,
et a-t-elle donné du verjus ?
Et maintenant, que je vous apprenne
ce que je vais faire à ma vigne !
en ôter la haie pour qu'on vienne la brouter,
en briser la clôture pour qu'on la piétine ;
j'en ferai un maquis : elle ne sera ni taillée ni sarclée,
ronces et épines y croîtront,
j'interdirai aux nuages d'y faire tomber la pluie.
Eh bien ! la vigne du Seigneur Sabaot, c'est la maison d'Israël,
et l'homme de Juda, c'est son plant de choix.
Il attendait le droit et c'est la violence,
la justice et c'est le cri d'effroi.
Isaïe 5,1-7
Trois questions peuvent aider à entrer dans la relecture du passage du livre d'Isaïe que la Tradition a appelé « Le Chant de la vigne » :
• L'absence d'un véritable ami est difficile à accepter, à avouer et à s'avouer ; cette s...
Mots clés :
Amitié
Bible
Eglise
Epreuve
Pauvreté
Prophète
Silence
Vérité
Lire la suite
« JE VOUS APPELLE AMIS »
CHRISTUS N°209
-
Yves-Marie Blanchard
Le verbe « aimer » (agapaô) et le nom « amour » (agapê) occupent une place importante dans l'évangile selon saint Jean. A lui seul, le verbe agapaô revient trente-six fois dans cet évangile, contre seulement vingt-quatre occurrences pour l'ensemble des évangiles synoptiques. De même, le nom agapê figure à neuf reprises, alors que les synoptiques ne comportent en tout que deux emplois de ce mot, en revanche omniprésent dans les épîtres pauliniennes. Il n'est donc pas exagéré de prétendre que l'amour constitue un véritable leitmotiv de l'évangile johannique.
Entre amour divin et amitiés terrestres
Dans la plupart des cas, les deux termes présentent une acception proprement théologique, puisqu'ils désignent soit la relation réciproque unissant le Père et le Fils, « de toute éternité » (« avant la fondation du monde », Jn 17,24), soit la générosité de Dieu à l'égard de « l'humanité » (« le monde », 3,16), concrétisée par l'envoi du Fils unique pour le salut des hommes. Il ne reste donc que quelques emplois des mots agapaô et agapê dans le contexte des relations unissant à Jésus les compagnons humains mis en scène dans le récit &eacut...
Mots clés :
Amitié
Amour
Bible
Démon
Dieu
Discernement
Eglise
Evangile
Jésus-Christ
Mal
Lire la suite
PAUL CLAUDEL À L'ÉCOUTE DE LA BIBLE
CHRISTUS N°208
-
Annie WELLENS
Rendre compte de ma lecture des 3865 pages (introductions, postfaces et notes des chercheurs comprises) consacrées par Claudel à la Bible 1, je n'y parviendrai jamais... » A l'enthousiasme qui avait accompagné l'ouverture du premier volume succèdent bien vite l'abattement, puis l'angoisse. Il n'est pas de ma compétence d'ajouter à l'admirable travail de ceux qui ont établi, présenté et annoté cette édition chronologique des « commentaires que le poète a consacrés aux livres saints ». La chronologie, ici, établit la succession des oeuvres « d'après la date de la copie du manuscrit définitif », ce qui implique en de très nombreux cas la consultation comparée de cette copie avec le brouillon et le texte de l'édition précédente chez Gallimard. « Ainsi, indique Michel Malicet, devient plus facile une lecture permettant de suivre l'évolution et l'histoire des thèmes développés » par Claudel.
Reconnaissante envers ceux qui m'ouvrent l'accès à de telles richesses, je demeure effrayée par ce que je dois trouver à en dire. Mais, fidèle au principe ignatien de ne rien changer aux choix fondamentaux en période de désolation, je continue de lire en pleine tourmente, me sentant liée à ces deux énormes v...
Mots clés :
Bible
Corps
Expérience spirituelle
Parole de Dieu
Réalité
Résurrection
Sagesse
Littérature
Lire la suite
LE NOM QUI VEILLE SUR L'ESPÉRANCE DE JÉRUSALEM
CHRISTUS N°206
-
Francesco Rossi De Gasperis
C'est à Jérusalem que mon Nom sera à jamais. » Je suis frappé de ce que ce verset apparaisse dans un des contextes les plus tragiques de la Bible. Il s'agit du chapitre 33 du deuxième livre des Chroniques, qui traite du règne de Manassé, fils du pieux roi Ezéchias et grand-père du saint roi Josias (cf. aussi 2 R 21,4). Manassé a régné environ cinquante-cinq ans à Jérusalem (687-642 av. J.-C). Ce fut le roi le plus impie du Royaume de Juda. Par les abominations de ses cultes idolâtriques qu'il a développés pour complaire à la puissance assyrienne, « il égara les Judéens et les habitants de Jérusalem au point qu'ils agirent encore plus mal que les nations que le Seigneur avait exterminées devant les Israélites » (2 Ch 33,9). Selon les paroles de la prophétesse Hulda — consultée sur l'ordre de Josias en 622 av. J.-C. —, il fut la cause de l'inévitable ruine de Jérusalem et du trône de David, dont le point culminant fut l'exil à Babylone (cf. 2 R 22,4-20 ; 2 Ch 34,22-28).
La répétition de ce verset jusqu'au temps de Manassé témoigne d'une fermeté inébranlable de la foi biblique. C'est aussi pour nous un signe d'espérance dans la situation actuelle de Jérusalem, semblable, par bien des aspects,...
Mots clés :
Bible
Dialogue interreligieux
Dieu
Election
Espérance
Jésus-Christ
Judaïsme
Paix
Politique
Promesse
Lire la suite
LE LIVRE DE LA SAGESSE
CHRISTUS N°203
-
Françoise Isnard
Qu'est-ce que la sagesse ? Si elle est « un discours de sens et de refus de la violence », comme le dit Eric Weil, elle devrait permettre à l'homme une compréhension humaine de soi-même dans ses limites, afin de choisir sa propre cohérence et de refuser tout discours individuel imposé comme universel. Qu'est-ce que la sagesse ? Si elle est l'amour de la vérité, implique-t-elle pour autant la recherche de la connaissance de toutes choses et ne risque-t-elle pas, de ce fait, d'être tentée de dominer autrui ? Si elle est une liberté intérieure, comment se pose le problème de cette liberté ? Pour ceux qui ne connaissent du Livre de la Sagesse que les admirables extraits de la liturgie, que de questions viennent à l'esprit sur l'origine de la Sagesse et sur son identification ! Les quelques pages qui suivent témoignent d'un itinéraire de découverte et de réflexion au cours d'une session suivie au Centre Sèvres 1.
Sur le plan philosophique, quel sens donner à la sagesse ? Après le rationalisme cartésien des deux derniers siècles que l'on peut comparer à celui de la Grèce antique, passée de l'exercice de la raison à une religion populaire ayant frayé la voie au christianisme, on observe en ce début du XXIe siècle la recherche foisonnante d'une certaine sagesse d...
Mots clés :
Bible
Création
Méditation
Sagesse
Universalité
Violence
Connaissance
Lire la suite
LA JOIE DANS L'OEUVRE DE LUC
CHRISTUS N°201
-
Juan Manuel Martín-Moreno
L’Esprit Saint affecte pratiquement tous les aspects de la spiritualité et de la théologie lucanienne. Je vais ici me limiter au thème de la joie comme effet du don de l'Esprit. Remarquons d'abord que Luc a introduit un changement rédactionnel dans l'évangile de Marc. En celui-ci, l'impact que produit l'évangile chez le lecteur est marqué par la crainte, la surprise et le frisson. Ce qui donne à l'évangile de Marc son caractère un peu sombre et déconcertant. Chez Luc, la réaction de fond que provoque l'évangile est la joie. C'est comme un fil conducteur de toute son œuvre. Les annonces angéliques de l'évangile de l'enfance le font déjà pressentir : « Ne craignez pas, car je vous annonce une grande joie pour tout le peuple » (2,10). Et l'évangile se termine avec les disciples qui, à Jérusalem, « louent Dieu chaque jour dans le temple avec une grande joie » (24,52).
La joie des temps messianiques
Le vocabulaire qu'utilise Luc dans son évangile et les Actes pour exprimer la joie est très riche. Il est le seul évangéliste à utiliser le terme euphrainein (« se réjouir ») qui désigne la joie commune de célébrer ensemble, manger et boire dans un banquet. Il peut être utilisé en un sens positif ou négatif. L...
Mots clés :
Bible
Discernement
Esprit
Evangile
Jésus-Christ
Joie
Louange
Salut
Lire la suite
LE CHANT DES PSAUMES
CHRISTUS N°201
-
Soeur Étienne Reynaud
« Tu m'as créé de chair pour le bonheur de dire,
pour l'honneur d'être au monde un être de louange
qui tourne chaque règne au service du tien,
pour que ton souffle en moi qui jouait sur les eaux
trouve une gorge d'homme où devenir parole,
creuse un corps où ma voix ferait lever tes hymnes » 1.
Va-t-il encore de soi pour les chrétiens d'aujourd'hui que Dieu, Créateur et Seigneur souverain, a créé l'homme « pour l'honneur d'être au monde un être de louange », pour le bonheur de « faire lever des hymnes » à la gloire de son Nom ? Si nos gorges d'hommes et de femmes du troisième millénaire venaient à s'enrouer et à manquer d'appétit pour louer Dieu, symptôme de perte de vitalité de notre foi, il suffirait de reprendre en main le livre des psaumes, source inépuisable de la tradition lyrique de la prière du Peuple de Dieu de l'un et l'autre Testament.
Livre des Louanges : la traduction du titre hébreu Sepher tehillim donne le ton du recueil qui résonne des 119 emplois de la racine hallel et du cri emblématique de la louange biblique : Alléluia.
« Alléluia ! Louez, serviteurs du Seigneur,
Louez le nom du Seigneur '
Du levant au couchant du soleil,
Loué soit le nom du Seigneur ! » (112,1-3) 2.
&laqu...
Mots clés :
Affectivité
Bible
Chair
Corps
Création
Humilité
Louange
Musique
Psaumes
Lire la suite
LE LIVRE DE L'ECCLÉSIASTE
CHRISTUS N°200
-
Marie Maussion
L' Ecclésiaste, Qohélet en hébreu, fut un maître de sagesse en son temps. De son propos, le lecteur moderne ne retient I bien souvent que le rappel litanique de l'universelle vanité de toutes choses et, impressionné par le pessimisme diffus qui semble se dégager de ce livre biblique, il peut le refermer en se disant : « À quoi bon, puisque tout est vanité en ce bas monde ! » Son relativisme général en est conforté, en même temps que son peu de goût et d'allant pour évacuer l'engourdissement qui l'habite quant au désir religieux ou spirituel. Pourtant, s'il y regarde d'un peu plus près et dépasse l'étrange impression de fatalité laissée par le leitmotiv sur la vanité, le lecteur sent bientôt son attention éveillée par une série de questions lucides et décapantes qui émanent de ce livret, et qui, somme toute, peuvent se résumer en une seule : « Que vaut la vie alors que le mal existe ? » L'esprit critique mis en alerte par ce questionnement qui résonne de manière très existentielle à ses oreilles, le lecteur engage alors avec Qohélet un véritable dialogue, d'où il ressortira éreinté, certes, mais étonné aussi, car, il faut bien le dire, l’œuvre de ce sage juif du IIIe...
A QUOI L'ASSIDUITÉ SE DOIT APPLIQUER EN PARTICULIER
CHRISTUS N°200
-
Jean-Joseph Surin
Jean-Joseph Surin (1600-1665), jésuite bordelais formé à l'École du P. Lallemant, est l'un des plus grands mystiques du XVIIe siècle. Mais son histoire étonne : appelé comme exorciste auprès de religieuses ursulines à Loudun, dans une étrange et célèbre affaire de possession, le voilà qui s'épuise ; il s'effondre mentalement : pendant près de vingt années, il n'a plus d'activité, perdant toute aptitude au mouvement, à la parole, à l'écriture. Il va pourtant traverser cette épreuve, nuit du corps et de l'esprit, pour revenir progressivement à la vie. Il peut alors reprendre une intense activité de directeur spirituel, écrire une somme de lettres considérable, des traités aussi, comme le Catéchisme spirituel, la Guide spirituelle, les Questions sur l'amour de Dieu, autant de chefs-d’œuvre de la littérature spirituelle ; il éclaire, il illumine l'itinéraire de tout un chacun en appelant à une écoute toujours plus grande de l'Esprit ; à partir d'une analyse minutieuse des mouvements du cœur, bien caractéristique de ce siècle, il ouvre à la liberté la plus grande et, dans une langue magnifique, invite à respirer l'air du grand large.
Près de six cents lettres ont été éd...
Mots clés :
Bible
Corps
Dieu
Exercices spirituels
Indifférence
Miséricorde
Pauvreté
Salut
Volonté de Dieu (volonté)
Volonté de l'homme
Lire la suite
LA LITURGIE, CLÉ DE LA TEMPORALITÉ CHRÉTIENNE
CHRISTUS N°199
-
François CASSINGENA-TRÉVEDY
Le Temps est à rude épreuve dans le monde ; il semble même qu'en raison de ce qu'il est convenu d'appeler le progrès, il doive l'être toujours davantage à l'avenir. Dans les vieilles demeures rurales d'autrefois, même les plus simples, les plus pauvres, il y avait une horloge dont le balancier allait, aussi tranquille que le pas des bœufs, comme un nombre d'or que la mort des êtres chers, seule, arrêtait. Dans ce meuble de la vie quotidienne, on entendait palpiter les intestins du Temps. Peut-être n'entendait-on que cela de tout le jour et, tout doucement, plus profond, plus loin que l'ennui, les êtres s'intériorisaient. On entendait et on attendait. « Priez pour nous, maintenant et à l'heure de notre mort. Amen. »
Aujourd'hui, on fait mille injures au Temps : on lui court après, on le tue, on l'annule, on le perd sans même plus savoir — ô ironie — à quoi on l'a perdu. Et pour finir on l'accuse comme un conditionnement intolérable, une fatalité dont il faut absolument s'affranchir, comme si les paradis factices pouvaient remplacer le paradis réel que le Temps nous ouvre, si nous savons, avec une sorte d'émerveillement, perdre notre temps au Temps lui-même.
PETITE HISTOIRE DU TEMPS
Qu'avons-nous fait du Temps ? Car c'était beau Temps, c'était bon Temps que Dieu nous avait cr&eacut...
Mots clés :
Bible
Dieu
Eglise
Jésus-Christ
Liturgie
Sacrement
Temps
Lire la suite
LA BIBLE, RELECTURE DE L'HISTOIRE D'ISRAËL
CHRISTUS N°198
-
Jean-Louis SKA
Ces événements leur arrivaient pour servir d'exemple et furent mis par écrit pour nous instruire, nous qui touchons à la fin des temps » (1 Co 10,11). Dans ce passage, Paul reprend une série d'exemples à l'histoire d'Israël, plus précisément au séjour au désert (10,1-13), pour exhorter les Corinthiens à ne pas imiter leurs ancêtres hébreux. Les épisodes auxquels il fait allusion sont bien connus : le passage de la mer, le veau d'or, la manne, l'eau du rocher, le serpent d'airain. Mais le point qui mérite d'être souligné est moins cette série d'événements particuliers que la notation sur l'écriture en tant que telle : « Ces événements furent écrits pour notre instruction. » L'événement ne peut être atteint que par un récit qui lui-même a besoin d'un support écrit pour pouvoir être transmis de façon durable et effective. Paul est parfaitement conscient de la chose. Sans cette médiation du récit, et d'un récit mis par écrit, son argumentation perdrait son point d'appui. Toute réflexion sur l'événement dans l'écriture se devra donc de passer par une lecture et une analyse des récits, puisque les événements eux-mêmes ne sont accessibles que par eux.
Cette p...
POURQUOI SAINT IGNACE SÉDUIT-IL LES RÉFORMÉS ?
CHRISTUS N°198
-
Ursula Tissot

Comment peut-on faire confiance à quelqu'un qui a dit que si vous
voyez blanc, il faut croire que c'est noir si l'Église hiérarchique en décide ainsi (Ex. sp. 365) ? Cette phrase, à elle seule et avec tout ce qu'elle présuppose, constitue un obstacle insurmontable pour la pensée réformée. Et il y en a d'autres : la direction de conscience, par exemple. Tels qu'ils sont décrits dans le manuel, les Exercices spirituels supposent un directeur qui donne les exercices et un retraitant qui les reçoit. Le directeur est censé contrôler les moindres détails du vécu du retraitant, et le retraitant invité à faire docilement les exercices et à confier au directeur ses états d'âme, ses difficultés, ses réussites et ses échecs. Cette disposition doit permettre au retraitant de chercher et de trouver davantage la volonté divine dans les choix de vie, en vue du salut de son âme (annotation 1).
L'intention est louable, certes, mais l'instrument redoutable : la manipulation et le viol des consciences, largement dénoncés dans l'histoire de la très puissante et influente Compagnie de Jésus, sont toujours possibles.
Que se passe-t-il donc pour que des réformés se risquent tout de même à faire des retraites selon les Exercices spirituels de saint Ignace ? On peut d'a...
Mots clés :
Bible
Expérience spirituelle
Parole de Dieu
Oecuménisme
Lire la suite
ETTY HILLESUM OU RILKE AUX ENFERS
CHRISTUS N°197
-
François MARXER
Eh bien, allons-y ! Moment pénible, barrière presque infranchissable pour moi : vaincre mes réticences et livrer le fond de mon cœur à un candide morceau de papier quadrillé. (...) Je n'ose pas me livrer, m'épancher librement et pourtant il le faudra bien, si je veux à la longue faire quelque chose de ma vie lui donner un cours raisonnable et satisfaisant » 1. Ainsi commence une aventure spirituelle des plus singulières du XX siècle où se risque une jeune juive néerlandaise supérieurement douée et qui le sait mais qui sait aussi, pour en souffrir, qu'il y a au fond d'elle-même « quelque chose qui [la] retient dans une poigne de fer ». Aventure d'une élucidation de soi, d'une honnêteté exemplaire : on pourrait dire tout aussi bien guérison, dans la mesure où, au long de cette exploration de l'intérieur par la médiation de l'écriture la « pauvre godiche peureuse », comme die se désigne sans ménagement advient à sa vérité propre délivrée de la peur. Cette odyssée psychique autant que spirituelle est scandée par l'apparition régulière au fil du texte de « la fille qui ne savait pas s'agenouiller » 2.
Cette figure anonyme qui n'est autre que son double l'autre d'elle-même surgit curieusement &agrav...
Mots clés :
Bible
Dieu
Judaïsme
Mystique
Littérature
Lire la suite
LE RESPECT DANS LA BIBLE
CHRISTUS N°195
-
Jean-Marie CARRIÈRE
Comment réfléchir sur le défi du respect ? La Bible peut-elle m'en apprendre quelque chose ? Le respect n'est pas un de ses thèmes centraux, ni un fil rouge comme celui du salut ou de la révélation de Dieu. Pour autant, et parce que c'est une expérience forte de notre humanité, ceux et celles dont nous parle la Bible (ses personnages, un peuple, des communautés, Dieu même) peuvent nous aider à comprendre quelque chose du respect. On pourra ainsi faire jouer la mémoire, se rappeler quelques épisodes bibliques où il en est question, écouter quelques exemples… Le choix sera guidé par ma propre mémoire, ce qui en assignera les limites mais permettra de faire apparaître trois choses : d'abord, le respect est une manière d'être, et passive et active, vis-à-vis du mystère de l'autre ; ensuite, il trouve sa raison d'être dans notre vocation à être engendrés pour la liberté ; enfin, il se manifeste en des attitudes et des gestes très simples, corporels. Le défi du respect vaut autant envers Dieu qu'envers le prochain : l'une et l'autre attitude se fécondent mutuellement, comme on le verra.
Le respect de Dieu
Un premier exemple vient à l'esprit, très connu : Moïse au buisson ardent (Ex 3). La rencontre de Dieu commence ici dans la crainte. La mê...
Mots clés :
Amour
Bible
Crainte
Dieu
Epreuve
Jésus-Christ
Pauvreté
Prière
Service
Volonté de Dieu (volonté)
Lire la suite
DE LA CRAINTE À L'AMOUR CHEZ SAINT AUGUSTIN
CHRISTUS N°195
-
Marcel Neusch
Dans son célèbre Commentaire de la première Epître de saint Jean — véritable traité sur la crainte —, Augustin écrit : « Quand la charité commence à habiter le cœur, elle chasse la crainte qui lui a préparé la place. Plus en effet croît la charité, plus la crainte décroît ; et plus la charité devient intérieure, plus la crainte est chassée dehors. A plus grande charité, moindre crainte : à moindre charité, plus grande crainte » (LX,4) 1. Crainte et charité semblent donc s'exclure, ou du moins varier en sens inverse l'une de l'autre. A terme, la crainte devrait disparaître. Augustin lui reconnaît tout au plus une fonction préparatoire. A vrai dire, il ne fait que reprendre saint Jean qui écrit : « La crainte n'est pas dans la dilection, mais la parfaite dilection bannit la crainte, car la crainte est accompagnée de tourment » (I Jn 4,18).
Mais, dans le même commentaire, Augustin évoque aussitôt un autre texte de l'Ecriture qui est d'une tonalité toute différente et semble même contredire le premier. A côté d'une crainte vouée à disparaître, il parle d'une crainte « qui demeure à jamais » (Ps 18,10). Augustin se trouve dès lors devant la tâche d'har...
Mots clés :
Amour
Bible
Charité
Crainte
Dieu
Grâce
Jugement dernier
Lire la suite
LE TRÈS-HAUT DANS LE TRÈS-BAS
CHRISTUS N°195
-
Françoise MIES
Chapeau bas ! Le respect se présente moins comme l'acceptation de l'existence d'un égal que comme un consentement devant la « hauteur » ; un consentement où l'esprit s'incline devant l'autorité, mieux, devant la hauteur de l'autre, l'autre comme Dieu ou comme autrui, l'autre que je suis à moi-même, l'autre qu'est la loi. Respect du Très-Haut en Dieu, en autrui, en moi-même, dans la loi morale
Respect de la hauteur
Dieu est le « Très-Haut » (Gn 14,18-20), « le Seigneur ». Même si Dieu est créateur du ciel et de la terre, il entre davantage dans l'espace symbolique de la verticalité et de la hauteur signifié par le « ciel ». Dieu a donné sa loi au Mont Sinaï, il a fait du Mont Sion sa demeure. A la source de l'univers, Dieu doit être à la source du sens ; il donne sa loi qui organise l'univers cosmique et éthique, il est celui qui enseigne, ébranle l'homme dans ses prétentions et le remet à sa place : après avoir voulu avoir raison contre Dieu, Job s'est laissé ébranler par la parole de Dieu ; il s'incline et consent (« je t'interrogerai, et tu m'instruiras ») : il consent à la hauteur de Dieu comme Maître de sagesse (42,4). Devant le Seigneur, l'homme s'incline et se prosterne, signifiant ainsi jusque dans son corps le respect que Dieu...
Mots clés :
Bible
Dieu
Humilité
Jésus-Christ
Mal
Pardon
Prophète
Lire la suite
LE RESPECT DE LA CRÉATION
CHRISTUS N°195
-
Maxime Egger
Réchauffement climatique, disparition de milliers d'espèces animales et végétales, empoisonnement de l'air et des sols... La planète est en danger. En voie d'épuisement et polluées, les bases naturelles de la vie sont menacées. Avec elles, c'est la survie même de l'humanité qui est en danger. Si rien ne change fondamentalement, des désastres naturels et humains plus grands encore que ceux que nous connaissons déjà nous attendent.
Il faut donc réagir. Agir. De nombreuses organisations de la société civile se sont mobilisées autour de la notion de « développement durable », notamment depuis le Sommet de la Terre à Rio en 1992.
Les Eglises aussi ont commencé à bouger, mais certainement pas encore avec l'engagement requis tant par la gravité de la situation que par les principes anthropologiques et cosmologiques de la foi chrétienne. Contrairement à ce que beaucoup de fidèles — consciemment ou non — pensent trop souvent, le respect de la création est au cœur même du témoignage et de la mission de l'Eglise De l'Incarnation à la Résurrection, toute l'œuvre salvatrice du Christ a une dimension cosmique (voir Col 1,15-20). Comme le dit Irénée de Lyon (IIe siècle) :
« L'Auteur du monde est en toute vér...
Mots clés :
Bible
Création
Eucharistie
Humanisme
Louange
Prêtre
Vocation
Lire la suite
DEVANT DIEU, DEMEURER INTERDIT
CHRISTUS N°194
-
Michel Dupuy
C’est toi qui as formé l'homme à ton image et lui as soumis l'univers et ses merveilles. » Quel est le naïf qui a osé dire cela ? De l'univers, il avait sans doute une idée plutôt courte. A-t-il seulement pensé au soleil ? Le soleil nous est-il donc soumis ? Pouvons-nous le modérer ou l'activer ? Et le soleil est encore relativement proche. Son rayonnement ne met que huit minutes à nous atteindre. Que dire de ces multitudes d'astres, que dis-je, de galaxies dont, pour venir jusqu'à nous, la lumière demande des milliards d'années ? Nous n'avons manifestement aucun pouvoir sur elles, sinon d'y penser, comme Pascal le remarquait. Pour imaginer qu'elles nous sont soumises, faut-il être un demeuré, totalement ignorant des sciences actuelles ou un dément aveuglé par sa vanité ou un pauvre timoré qui a peur de la réalité ? Marguerite Yourcenar remarquait que l'homme a besoin d'un toit, pour se protéger de la pluie ou du soleil, certes, mais plus encore pour ne plus avoir à regarder la profondeur infinie du ciel 1. On ne peut sérieusement dire : « Tu lui as soumis l'univers et ses merveilles. » Le silence serait plus vrai que de vaines paroles.
Se taire
Pourtant, elles sont nombreuses, les paroles indéfendables, même dans les textes (et surtout les traductions) liturgiques. Que d'ora...
Mots clés :
Bible
Dieu
Jésus-Christ
Marie
Silence
Souffrance
Lire la suite
LA PROMESSE QUI LES DÉPASSE TOUTES
CHRISTUS N°193
-
Michel Corbin
Dans la seconde lecture de la liturgie de la Toussaint, je lis comme tous les fidèles : « Voyez comme il est grand, l'amour dont le Père nous a comblés : Il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu, et nous le sommes » (1 Jn 3,1). Dans la Bible de Jérusalem, je ne trouve ni le verbe vouloir ni le verbe combler, mais d'autres tournures : « Voyez quelle manifestation d'amour le Père nous a donnée, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu, et nous le sommes. » Devant cette différence, je cherche qui a raison. Je consulte le texte grec, le seul qui fasse autorité dans l'Eglise. Et c'est la surprise : Jean n'ajoute rien au mot amour, ni son éventuelle ordination à autre chose, ni le fait qu'il soit manifesté, ni même l'idée que nous en sommes comblés ; il met en avant le verbe donner, dit sobrement : « Voyez quel grand amour nous a donné le Père : que nous soyons appelés enfants de Dieu, et nous le sommes. » C'est plus clair pour l'intelligence et plus savoureux pour le coeur.
En effet, si Jean parle de « l'amour que le Père nous a donné » ; s'il énonce un peu plus loin son message essentiel : « Dieu est Amour » (4,8) ; si, pour lui comme pour tous ses compagnons, Dieu est de toujours à toujours le Père, celui de Jésus et le nôtr...
« LE SEIGNEUR EST UN HOMME DE GUERRE »
CHRISTUS N°192
-
André WÉNIN
Que la Bible soit pleine de violence est fondamentalement sain. Que les récits mettent en scène la violence humaine, que les lois cherchent à la réguler, que les prophètes la que les psalmistes la prient ou que les sages la prennent en compte dans leur réflexion, voilà qui ne devrait pas étonner. Que serait ce livre qui parle de l'alliance entre Dieu et les humains s'il faisait l'impasse sur cette pénible constante de l'histoire qu'est la violence ? Celle-ci n'est jamais aussi dangereuse que quand elle se cache. A la mettre en pleine lumière sans ambages et de tant de manières, la Bible n'oblige-t-elle pas à la regarder en face, jusque dans ses formes les plus subtiles ou les plus sournoises ? Ne permet-elle pas de pister ses racines cachées, de constater ses effets de mort si divers et parfois insoupçonnés ? Va donc pour la violence des humains.
Mais la violence de Dieu ? Qu'au coeur même de la joyeuse profession de foi entonnée par le peuple libéré de la servitude retentisse la proclamation : « YHWH est un homme de guerre ! » (Ex 15,3) a de quoi en scandaliser plus d'un. Et toutes les remises en contexte historique auront beau faire. Même si l'on s'explique bien comment un peuple du Proche-Orient ancien a pu faire sienne et entretenir une telle conception de son Dieu 1, il restera à expliquer pourquoi l'Eglise nai...
FACE AUX VIOLENCES CONJUGALES
CHRISTUS N°192
-
Nadine Deveaux
Nadine Deveaux est psychothérapeute et thérapeute de couple. Elle a travaillé dix ans dans le service de psychiatrie de la Maison d'Arrêt de Fresnes, puis a été coordinatrice d'un service d'accueil des conflits familiaux et de médiation familiale au Tribunal de Nanterre. Elle exerce actuellement dans un cadre hospitalier à l'unité de consultation médico-judiciaire (accueil des victimes) et est formatrice à l'Association française des centres de consultations conjugales (AFCCC).
— La croissance du nombre des divorces doit-elle être attribuée à l'augmentation des conflits au sein des couples, à leur plus grande fragilité, ou plus simplement au fait qu'il est plus facile de se séparer.
Il est vrai que l'on compte aujourd'hui un peu plus d'un divorce pour trois mariages. A Paris intra-muros, un ménage sur deux se sépare dans les premières années. Mais je ne suis pas sûre pour autant qu'il y ait davantage de conflits ; peut-être a-t-on actuellement moins de capacité à les traverser. Nous vivons dans une société très hédoniste où l'on a besoin de plaisirs immédiats, où l'on a du mal à gérer les frustrations. Il faut la réussite à tout prix ! Telle est l'idéologie du moment. Par conséquent, un grand...
Mots clés :
Bible
Evangile
Famille
Jésus-Christ
Mariage
Violence
Lire la suite
ENTRE LE TEMPS ET L'ÉTERNITÉ
CHRISTUS N°191
-
Jacques TRUBLET
Pour matérialiser le temps, les hommes ont inventé toute sorte de techniques. On est passé des clepsydres aux cadrans solaires et des horloges analogiques (à aiguilles) aux horloges numériques. Sur ces dernières, l'heure s'inscrit sous forme de quatre chiffres. Le temps est comme en suspens, sans référence au passé ni au futur, et chaque minute acquiert une valeur singulière. Si je dois prendre un train à 17 h 58, inutile d'arriver à 18 h 00. Deux affichages ne sont jamais équivalents, surtout si l'horloge indique le jour. Les horloges analogiques (à deux, voire à trois aiguilles parcourant un cadran circulaire) déroulent au contraire le temps sur un espace où passé, présent et futur coexistent. Ces deux représentations renvoient à deux manières de se rapporter au moment présent : soit comme simple fragment de temps insaisissable, soit comme centre du temps relié au passé et à l'avenir.
Tel est bien le paradoxe du moment présent ! La Bible affronte ce paradoxe où le présent tantôt s'articule au passé et à l'avenir, tantôt, dans la réflexion sapientiale, ne connaît ni avant ni après. Le texte sacré nous livre la quintessence de sa réflexion sur l'instant dans un certain nombre d'expressions telles qu'« aujou...
Mots clés :
Bible
Dieu
Evénement
Liturgie
Loi
Temps
Lire la suite
« HOMME ET FEMME » IL LES CRÉA
CHRISTUS N°190
-
Marie Vidal
Comment entendre cette première parole de la Bible sur l'homme et la femme ? Peut-être avec l'accent de Jésus dans sa parabole dite « du mauvais riche et du pauvre Lazare » (Le 16). Enseignant l'importance de l'écoute, Jésus met dans la bouche d'Abraham ces appels : « Ils ont Moïse et les Prophètes, qu'ils les écoutent ! », puis : « S'ils n'écoutent ni Moïse ni les Prophètes, quelqu'un ressusciterait d'entre les morts, ils ne seraient pas convaincus. » Moïse, c'est la Torah. Les disciples de Jésus ont la Torah, les Prophètes et des oreilles. Il convient qu'ils écoutent la richesse des mots de la Torah, car, en recevant leurs sens multiples, ils accueillent simultanément l'identité et les relations des humains.
L'expression traduite hâtivement par « homme et femme » ou « mâle et femelle » appartient aux onze premiers chapitres de la Torah écrite (Gn 1-11). Une lettre hébraïque inversée par rapport à sa position habituelle les clôt. La Torah orale enseigne que les paroles mises ainsi en exergue sont universelles. Elle ne les situe pas en une chronologie linéaire mais à tout moment de la vie des humains, afin que le monde tienne.
La Torah énonce deux noms féminins pour désigner la terre : 'èrèts (Gn 1,2)...
L'EXIL
CHRISTUS N°230
-
La rédaction
En quoi la réalité spirituelle de l’exil, telle qu’elle est racontée dans la Bible et éprouvée au coeur du monde par les mystiques, vient-elle éclairer et questionner sa réalité sociale actuelle : populations déplacées ou déportées, réfugiés politiques et économiques ? Nous nous proposons de répondre à cette question d’abord à travers différents regards sur l’exil concret : celui qu’un exilé porte sur lui-même (Gaspard-Hubert Lonsi Koko), celui d’une personne qui accompagne des exilés dans leur insertion (Guilhem Causse) et celui d’un couple qui s’est laissé déplacer par l’exil d’autrui.Dans la Bible, les voix qui parlent de l’Exil diffèrent les unes des autres. La voix prophétique considère la crise comme le début d’une nouvelle ère, un possible point de départ ou de renouveau en profondeur. La voix sacerdotale, plus conservatrice, pense que la seule façon de surmonter la crise est de mieux comprendre les origines, la création, pour fonder et légitimer les nouvelles institutions, le Temple et le culte. Mais tout un chacun est confronté à une double question : Pourquoi l’Exil ? Faut-il revenir de l’exil ? (Jean-Marie Carrière).
Ainsi, l’&...
« AU MILIEU DES DÉPORTÉS »
CHRISTUS N°230
-
Jean-Marie CARRIÈRE
JEAN-MARIE CARRIÈRE S.J.
JRS France et bibliste au Centre Sèvres, Paris.A publié : Théorie du politique dans le Deutéronome (Peter Lang, 2001), Le livre du Deutéronome (L’Atelier, 2002) et L’eau et le sang (Desclée de Brouwer, 2009).Dernier article
paru dans Christus : « Lire le texte biblique pendant l’oraison ? » (n° 221, janvier 2009).
L’Exil est une référence majeure dans la Bible. Il y a certes la réalité concrète de l’exil et de la déportation, dont la taille historiquement modeste ne doit pas faire oublier son lot de souffrances et de traumatismes, mais il y a aussi la manière dont on interprète l’événement et les remises en cause qu’il provoque. Pour Israël, et particulièrement pour les Judéens qui furent sujets de ces événements, l’exil est un mythe fondateur du judaïsme tel qu’il naît à l’époque perse.Les voix qui parlent de l’Exil diffèrent les unes des autres. La voix prophétique considère la crise comme le début d’une nouvelle ère, un possible point de départ ou de renouveau en profondeur. La voix sacerdotale (on n’oubliera pas la place jouée par les milieux sacerdotaux au retour de l’exil), plus conservatrice, pense que la seule fa&...
Mots clés :
Bible
Dieu
Evénement
Foi
Mémoire
Paternité
Politique
Salut
Lire la suite
LECTIO DIVINA ET TALMUD THORA
CHRISTUS N°187
-
Dominique de La Maisonneuve
L'Eglise ne peut oublier qu'elle a reçu la révélation de l'Ancien Testament par ce peuple avec lequel Dieu (...) a daigné conclure l'Antique Alliance » 1. Le peuple juif est en effet le dépositaire du projet de Dieu sur l'humanité. C'est lui qui, le premier, a accepté d'être partenaire de l'unique Alliance conclue par le Dieu unique. C'est à lui qu'a été confiée la Révélation, la Parole qui manifeste l'amour de Dieu pour l'homme et sa proposition de salut. En acceptant d'être partenaire de l'Alliance, le peuple hébreu assumait la responsabilité de transmettre ce qu'il avait reçu : « Ces paroles que je vous dis, mettez-les dans votre coeur et dans votre âme (...) Enseignez-les à vos fils et répétez-les-leur » [Dt 11,18-19). Comme son élection, sa responsabilité demeure. Si l'Eglise a reçu par son intermédiaire la Révélation, Parole vivante du Dieu vivant, elle a peut-êue encore aujourd'hui à apprendre de lui de quelle lumière la Parole éclaire et anime sa vie quotidienne.
Car, pour le judaïsme, la Parole est le lieu privilégié de la rencontre avec Dieu. Il a fait de l'étude une véritable « institution » qui est sa marque propre. L'étude à longueur de vie, seul et en communaut&eacu...
Mots clés :
Amour
Bible
Dialogue interreligieux
Dieu
Ecoute
Judaïsme
Parole de Dieu
Connaissance
Lire la suite
LA LECTIO DIVINA DANS LA VIE MONASTIQUE
CHRISTUS N°187
-
Renée Magaud
La jeune chrétienne qui frappe à la porte d'une communauté monastique pour consacrer sa vie à la suite du Christ s'aperçoit vite qu'elle entre dans une tradition où l'Ecriture est partout lue, écoutée, méditée, étudiée, chantée, vécue Les premiers mots de la Règle de saint Benoît, qui deviendra son chemin de vie, lui donnent d'emblée l'orientation fondamentale de la vie monastique « Ecoute, incline l'oreille de ton coeur » La suite du prologue lui trace l'ensemble du programme sous forme d'un dialogue entre Dieu le Père et la disciple qu'elle aspire à devenir Empruntant ses mots à l'Ecriture personnifiée, ce dialogue progresse par questions et réponses, de l'appel de Dieu à l'engagement de celle qu'il appelle
« Ayons les oreilles attentives à la voix divine qui nous crie chaque jour "Qui veut la vie ?" ( ) Si tu dis "C'est moi", le Seigneur te répond "Si tu veux jouir de la vie véntable, détourne-toi du mal et fais le bien" ( ) lorsque tu agiras ainsi, je te dirai "Me voici " Quoi de plus doux, mes frères, que cette voix du Seigneur qui nous invite 7 »
Une conversation
Ce texte de saint Benoît se retrouve comme en écho dans la constitution sur la Révélation de Vatican I...
Mots clés :
Affectivité
Bible
Corps
Contemplation
Dieu
Ecoute
Eglise
Jésus-Christ
Méditation
Mission
Parole de Dieu
Prière
Spiritualité monastique
Tradition
Travail
Lire la suite
LA LECTURE ET LA MÉDITATION
CHRISTUS N°187
-
Guillaume de Saint-Thierry
Jusqu'à la fin du Moyen Age, et très particulièrement dans la tradition monastique, la lecture avait pour objet l'Ecriture Sainte, Ancien et Nouveau Testament, et ses commentaires patristiques. Cette "lectio divina" était tellement liée à la méditation et à la prière qu'elle était rangée au nombre des "exercices spirituels", par opposition aux "exercices corporels" que sont les jeûnes, veilles et travaux manuels. "Exercice", c'est-à-dire lecture méthodique, quotidienne, orientée vers l'éveil de l' "affectus", affections spirituelles qui portent à l'amour de Dieu. Si l'on adonne à la lecture, écrivait un contemporain de saint Bernard, "que ce soit moins pour la science que pour la saveur (non tam scientiam quam saporem)", selon une expression qui deviendra classique.
A cette même époque, Guillaume de Saint-Thierry, ancien abbé du monastère du même nom, près de Reims, et ami de saint Bernard, soutient la ferveur des chartreux installés récemment dans les Ardennes voisines et leur laisse un écrit : la Lettre aux Frères du Mont-Dieu (1144)1, mieux connue sous le nom de Lettre d'or, dont l'influence sur la spiritualité médiévale sera considérable. Dans cette lettre, Guillaume montre bien le but de la lectio divina : limitée &ag...
Mots clés :
Affectivité
Bible
Charité
Corps
Evangile
Grâce
Jésus-Christ
Méditation
Lire la suite
LE COEUR DE JÉSUS
CHRISTUS N°187
-
Norbert LOHFINK
C’e s t à Hugo Rahner et à quelques autres que l'on doit d'avoir mis en lumière les vraies dimensions de la dévotion au Coeur de Jésus. Ils tenaient compte, évidemment, du fait que la parole, au sein de laquelle « couleront des fleuves d'eau vive » et présentée chez Jn 7,38 comme une citation de l'Ecriture, renvoie aux prophètes de l'Ancien Testament. Mais lesquels ? Il ne s'agit pas, en effet, d'une citation littérale mais d'une sorte de raccourci où convergent des passages entiers. Elle se réfère, nous le savons aujourd'hui, d'une part à diverses promesses eschatologiques qui parlent d'une source jaillissant du Temple et, d'autre part, aux récits de la pérégrination au désert narrant que l'eau avait coulé du rocher. Se fier à un tel condensé biblique et théologique, qui peut être démontré dans des textes des Targums, n'était pas encore possible à l'exégèse d'alors.
Un exemple le montre : la Zeitschrift fur Aszese und Mystik publiait en 1943, à côté de deux articles de Hugo Rahner, celui d'un exégète de l'Ancien Testament sur les premiers fondements de la dévotion au coeur de Jésus. L'auteur en était le père Gustav Closen, un de mes prédécesseurs à l'Ecole supérieur...
Mots clés :
Amour
Bible
Cœur de Jésus
Dialogue interreligieux
Dieu
Jésus-Christ
Judaïsme
Loi
Promesse
Théologie
Connaissance
Lire la suite
DES LIVRES POUR DEMEURE
CHRISTUS N°187
-
Annie WELLENS
Jeune libraire, j'avais le sentiment d'inviter les auteurs, par le biais de leurs oeuvres, à demeurer dans ma librairie. Plus le temps passe — ma librairie, spécialisée en littérature religieuse, fêtera ses vingt ans en octobre 2000 —, plus je prends conscience d'habiter maintenant chez les auteurs qui peuplent mes rayons. En fin de journée, après la fermeture du magasin, je penserais manquer à la politesse si je partais immédiatement. Il me faut prendre le temps de faire le tour de mes véritables propriétaires. En redassant un ouvrage, en redressant un deuxième, en savourant quelques lignes d'un troisième, je retrouve une émotion de lecture, je revois le visage d'un client ou découvre de nouveaux horizons. C'est le moment où les livres respirent pour eux-mêmes. Lorsque je quitte la librairie, je les imagine alors bruissant de toutes leurs pages, bourdonnant comme une ruche. L'essaim des livres cisterciens est assez volumineux pour justifier cette image. Saint Bernard, maître en lectio divina, reçut le nom de « Docteur melliflu » pour son art de butiner et de transformer en miel les textes bibliques, ceux des Pères de l'Eglise et le livre de l'expérience quotidienne.
Ce temps de simple visite réoriente la finalité de mon métier parfois occultée par le souci financier : proposer...
Mots clés :
Bible
Ecoute
Eglise
Media
Méditation
Prière
Tradition
Littérature
Lire la suite
LA CRÉATION SELON L'ANCIEN TESTAMENT
CHRISTUS N°234HS
-
Jacques TRUBLET
Si la création occupe dans l'Ancien Testament une place centrale, à l'instar de l'histoire, c'est surtout en Gn 1-11, Is 45-56, en de nombreux psaumes et en certains passages de Job ou de Proverbes, que le thème acquiert une certaine ampleur. Or, trop souvent, on ramène la création aux seuls récits de Gn 1-3, amputant ainsi sérieusement la richesse du donné biblique. Chaque présentation véhicule des schèmes de pensée différents, et la création ne joue pas le même rôle dans chacun d'eux. C'est donc à partir de l'ensemble des textes qu'on pourra élaborer une théologie de la création. Mais, dans le contexte scientifique de notre époque, une question préalable doit être précisée. En effet, comment s'approprier ces conceptions d'un autre âge sans être en porte-à-faux avec les informations fournies par les scientifiques ? Cerner cette notion de création dans l'Ancien Testament en contrepoint de l'approche scientifique moderne avant d'en saisir la synthèse harmonique, telle sera notre démarche.
CRÉATION ET VISION SCIENTIFIQUE
Qu'entend-on au juste par « création » quand il s'agit de l'Ancien Testament ? Trop souvent, nous projetons sur la Bible des idées qui nous viennent du monde grec ou de la tradition chrétienne tell...
Mots clés :
Action
Art (cinéma, peinture, sculpture)
Bible
Combat spirituel
Création
Dieu
Evénement
Méditation
Parole de Dieu
Psaumes
Sagesse
Science
Lire la suite
LA CRÉATION ICONIQUE
CHRISTUS N°185
-
Vincent Holzer
Deux voies commandent les réflexions que nous proposons. L'une nous fut inspirée par Maurice Blanchot méditant sur la question littéraire et prenant le texte biblique à témoin. Plaidant pour le « retour à la lettre », à l'instar du philosophe qui plaide pour le « retour aux choses mêmes », Blanchot avertit le ledeur d'une tentation trop fréquente : interposer entre la parole biblique et celle du lecteur les transpositions symboliques qui tempèrent la rudesse et la nudité de la lettre : « Chaque fois que nous sommes gênés par une parole Uop forte, nous disons : c'est un symbole. Ce mur qu'est la Bible est ainsi devenu une tendre transparence où se colorent de mélancolie les petites fatigues de l'âme » 1.
L'enjeu est clair, et c'est l'objet de la seconde voie. Le rapport de Dieu à l'homme s'instaure à partir du moment où Dieu parle, révélant non pas tant un message qu'un soud : « Vais-je cacher à Abraham ce que je vais faire ?» — souci exprimé à l'aube du geste créateur sous la forme d'une interrogation pathétique adressée à l'homme : « Où estu ?» La création iconique rédame tout autant une image de l'homme qu'une image de Dieu, et c'est faute d'identifier ce « besoin » divin que...
Mots clés :
Bible
Création
Dieu
Epreuve
Images
Jésus-Christ
Mensonge
Parole de Dieu
Parole d’homme
Trinité
Universalité
Vérité
Temps
Lire la suite
ARRACHEMENT ET ENRACINEMENT
CHRISTUS N°230
-
Jean-Marie Faux
La migration et l’exil sont au fondement même de l’expérience de foi, la Bible nous le révèle. Mais bien davantage, l’Écriture ouvre un discernement qui depuis Jésus-Christ fonde la pensée sociale de l’Église et soutient l’action des chrétiens au service d’une société plus accueillante et fraternelle. Dans ces pages extraites de Réfugiés et nouvelles migrations : une interpellation pour la conscience chrétienne (Éditions de l’Institut d’Études Théologiques, 1993, pp. 120-124), le P. Jean-Marie Faux développe cette perspective anthropologique et spirituelle.
Les migrations dans l’Écriture sainte
Des migrations, il y en a eu à toutes les époques de l’histoire sainte, et de toutes les natures. C’est Caïn voué à l’errance mais protégé, malgré son crime, par un signe mystérieux dont Dieu l’a marqué (Gn 4,15). C’est Abraham invité à tout quitter pour partir vers le pays et vers le destin que Dieu lui promet (Gn 12,2) : l’histoire de l’alliance commence par un expatriement. Plus tard, Joseph est emmené en Égypte où, ayant fait fortune, il peut accueillir ses frères chassés de leurs pâturages par la famine (Gn 37&nd...
Mots clés :
Bible
Eglise
Evangile
Jésus-Christ
Justice
Politique
Travail
Lire la suite
DE L’EXIL À LA MIGRATION
CHRISTUS N°230
-
Marie-Hélène Congourdeau
MARIE-HÉLÈNE CONGOURDEAU, CNRS, Paris. Spécialiste de Nicolas Cabasilas, elle a traduit et édité un grand nombre d’ouvrages des Pères grecs, surtout chez Migne dans la collection « Les Pères dans la foi ». A publié chez Brepols : Le livre des saints (avec J. Fournier, 1995), et aux Presses de la Renaissance deux romans : Le silence du roi David (1999) et Quand viendra le Jour de Seth (2004).Dernier article paru dans Christus : « Basile de Césarée et Grégoire de Nazianze : l’homme d’Église et le poète » (n° 209, janvier 2006).
Philon d’Alexandrie, juif de la diaspora et contemporain du Christ, fut un modèle pour les premiers exégètes chrétiens 1. Juif de langue grecque, il fut le premier à tenter une synthèse entre la pensée hellénique et la révélation biblique. Dire qu’il tenta une synthèse est d’ailleurs inexact : Philon lisait la Bible grecque (la Septante) comme un juif pieux de langue grecque, et se mouvait dans les deux cultures avec l’aisance d’un autochtone. L’inculturation est chez lui naturelle, et c’est pourquoi il fut précieux aux premiers chrétiens grecs qui eurent à expliquer la Bible à leurs semblables : un chemin était esquissé. C’est donc en f...
Mots clés :
Bible
Dieu
Expérience spirituelle
Judaïsme
Sagesse
Théologie
Universalité
Connaissance
Lire la suite
LA COLLECTION DE L'ABEILLE
09 AVRIL 2011
Comment ? En créant, au Éditions du Cerf, la collection de l’Abeille qu’elle présente ainsi : « La mouche qui nous a piqués n’est pas celle du coche. [...] La lecture de nos livres, je l’espère, témoigne suffisamment de la passion que nous portons à ces œuvres littéraires fécondées par l’amour de Dieu. C’est elle qui est le moteur de notre travail éditorial, c’est elle qui nous donne de découvrir des lecteurs érudits capables d’ouvrir les textes, sans les déflorer, pour des lecteurs novices, c’est encore cette même passion qui nous presse de proposer ces titres au plus grand nombre, connaissant d’expérience les bienfaits recueillis à l’ombre de tant d’auteurs devenus célèbres sans jamais cesser d’être familiers pour ceux qui les lisent. »
Premiers livres parus (128 pages en moyenne) : Le Pasteur d’Hermas (lu par Philippe Henne), La Règle de saint Augustin (lue par Pierre Raffin), La Vie en Christ de Nicolas Cabasilas (lue par Daniel Coffigny) et Mon secret de Pétrarque lu par Denis Montebello.
Si vous achetez au moins un de ces ouvrages, il vous en sera remis gracieusement un autre signé Annie Wellens : La lecture ou la louange des abeilles. Cette anthologie commentée enten...
Mots clés :
Amitié
Bible
Catholicisme
Consolation
Contemplation
Eglise
Expérience spirituelle
Louange
Méditation
Mystique
Littérature
Lire la suite
LE COEUR BRÛLANT
CHRISTUS N°231
-
Brigitte PICQ
Brigitte Picq
Centre Sèvres, Paris.
Dernier article paru dans Christus : « L’épreuve du veau d’or : fabrique et destruction de l’idole » (n° 227, juillet 2010).
La lecture de la Bible réserve des surprises auxquelles nous devons rester sensibles. Après la Loi et les Prophètes, ne trouve-t-on pas en effet un ensemble d’un genre unique, constitué de cent cinquante poèmes, destinés à être accompagnés d’instruments de musique : le Livre des Psaumes ? La tradition nous dit que le peuple de Dieu a toujours gardé une intimité particulière avec eux, de façon ininterrompue, aussi bien dans sa prière quotidienne que dans ses assemblées liturgiques.
Si ce recueil touche les croyants à travers les âges, n’est-ce pas parce qu’ils y reconnaissent, plus que dans tous les autres livres de la Bible, « les mouvements du coeur, portés à la parole et à l’écrit par le psaume », selon la formule de Paul Ricoeur (1) ? En effet, ce qui avant tout retient l’attention dans les Psaumes est leur forme poétique. C’est une forme de langage qui convient particulièrement à l’expression des sentiments humains les plus profonds et les plus permanents. Elle confère aux Psaumes l’impress...
Mots clés :
Affectivité
Bible
Jésus-Christ
Loi
Prière
Psaumes
Lire la suite
DU DÉTACHEMENT
02 JUILLET 2011
-
Claude TUDURI

Respirer, guérir, s’alléger : consentir à ne pas tout exprimer, à la liberté d’une mise à plat du monde pour en laisser affleurer le sel, la résistance et la lumière. Son relief vient à moi sans qu’il soit né de lui. Patience de Dieu et patience des choses, joie de leur indestructible accord à ne rien fausser: «Justesse et sûreté, les œuvres de ses mains, sécurité, toutes ses lois.».
Mieux qu’une accalmie avant l’orage, une oasis de gratitude que rien ne peut aigrir.
«Ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l'avenir, ni les puissances, ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus Christ.»
Se recueillir en Dieu comme Dieu se recueille dans le tassement des ombres et la blancheur de la lumière.
Le monde devient respirable: là où l’étau du «social» se desserre, le prochain peut prendre place en moi avant même que je ne l’y invite: il y a déjà son assiette avant que je ne le croise. Il est connu de moi en Dieu avant même tout signe de ralliement et de reconnaissance. Creuser et conserver en moi cette liberté qui me fait éprouver l’autre comme l’...
Mots clés :
Bible
Charité
Consolation
Contemplation
Expérience spirituelle
Grâce
Images
Louange
Paix
Désert
Architecture
Lire la suite
« VA AVEC LA FORCE QUI EST EN TOI ! »
CHRISTUS N°232
-
de MAINDREVILLE Remi
Dans nos sociétés fatiguées, beaucoup sont envahis par le doute. Doute sur eux-mêmes, doute sur Dieu, doute sur l’amour, sur la possibilité réelle de faire de sa vie quelque chose de juste, de beau, de vrai… Ce doute nous fragilise d’autant plus que se multiplient à l’envi les méthodes qui prétendent « fortifier l’homme intérieur » en développant en nous la personne, en consolidant une juste estime de soi que la densité du quotidien rend nécessaire.
Pourquoi Gédéon ?
La Bible, qui n’est pas à court de trésors, recèle un personnage attachant qui peut nous rejoindre dans cette quête, pour peu qu’on y prête attention : Gédéon. Dernier de la famille sans statut ni prétention, il est l’homme que Dieu choisit pour rassembler et libérer son peuple exténué par les razzia incessantes de Madiân, dans les montagnes méridionales de la Terre promise. Rien ne l’y prédisposait. À relire cette histoire, surtout les chapitres 6 et 7 du Livre des Juges, on est saisi d’entrée de jeu par deux sentiments : 1. Une très grande proximité intérieure, spirituelle, avec ce qu’aujourd’hui nous pouvons éprouver sur notre vie et celle des autres ; 2. Son ad&...
Mots clés :
Bible
Combat spirituel
Dieu
Discernement
Expérience spirituelle
Liberté
Confiance
Lire la suite
« DANS L’HÉRITAGE DE QUI VAIS-JE SÉJOURNER ? » (SI 24,7)
CHRISTUS N°233
-
Yves SIMOENS
Yves SIMOENS s.j. Exégète, Institut biblique (Rome) et Centre Sèvres (Paris). A récemment publié aux Éditions Facultés jésuites de Paris : Le corps souffrant : de l’un à l’autre Testament (2005), Apocalypse de Jean, apocalypse de Jésus Christ : une tradition, une interprétation (2008) et Croire pour aimer : les trois lettres de Jean (2011). Dernier article paru dans Christus : « La médiation du serviteur : sur Isaïe 52,13–53,12 » (n°228, octobre 2010).
Le premier intérêt du verset de Si 24,7, provient de la question ainsi posée. C’est notre question à tous : quelles sont les conditions pour hériter de la Sagesse ? Mais il faudra revenir sur les nuances de cette formulation. Son deuxième intérêt consiste à faire porter la question sur la Sagesse avant toute autre considération spirituelle et religieuse plus particulière ou contingente. Troisième intérêt de ce verset enfin : il instaure une hiérarchie parmi les sujets qui concernent le rapport à une tradition, à un lieu, à une époque. La Sagesse cherche à intégrer cet ample faisceau de réalités. Elle nous introduit au coeur du sujet. La question posée prend place dans un discours de la Sagesse sur elle-même. Son an...
LE CHEMIN DU CHRIST
CHRISTUS N°233
-
Dominique DEGOUL
Dominique DEGOUL s.j. Lyon.
Lorsqu’une communauté chrétienne est marquée par la fatigue et le découragement au point d’en être désorientée, de douter de la promesse de salut qui lui est faite, et même, en se détournant de Dieu, de manquer l’héritage ultime, que lui dire ? C’est à la tâche de redonner sens au présent de cette communauté que s’attelle la Lettre aux Hébreux 1. Cet écrit convoque au plus haut point la mémoire et l’intelligence de son lecteur pour raffermir sa volonté. La question de l’héritage y est présente sous un double aspect : 1. Vis-à-vis du passé, comment se libérer de ce qui semble avoir entraîné fatalement les générations précédentes dans la désobéissance ? 2. Face à l’avenir, comment entrer dans le salut promis, et déjà réalisé en celui que la Lettre désigne comme l’« Héritier » (1,2) ? Et tout cela dans un présent où, malgré la mort et la résurrection du Christ, « nous ne voyons pas encore que tout lui ait été soumis » (2,8). Bref, comment vivre le présent de telle manière que l’avenir ne nous fasse pas retomber dans les pièges du p...
Mots clés :
Bible
Discernement
Jésus-Christ
Obéissance
Père
Temps
Lire la suite
« BONNE NOUVELLE POUR LES PAUVRES »
CHRISTUS N°234
-
Philippe Demeestère
Philippe Demeestère s.j. La Margelle, Chaumont. Dernier article paru dans Christus : « Corps de louange » (n° 222HS, mai 2009).
Les pages qui suivent sont extraites des premières de l’ouvrage de P. Demeestère : Les pauvres nous excèdent. Lieux communs. L’auteur y fait retour sur sa vie passée avec les sans domicile fixe depuis quarante ans en ville, puis, plus récemment, au sein de la campagne de la Haute-Marne. Cet ouvrage vient de para tre chez Bayard, dans la collection « Christus – Spiritualité et politique » (cf. note de lecture, pp. 242-243).
Dans ces lignes, il est donc question de pauvres – de pauvres, une fois de plus. À ce propos, la répétition n’est pas à craindre : elle est un mouvement qui se creuse, s’élargit, comme dans une liturgie ou une valse, pour trouver à emporter infirmes et valides dans les mêmes figures hospitalières. Par ailleurs, il sera moins fréquemment question ici de pauvres ou de sans-abri en général que de prénoms, de « mecs », de « carapatins », de « gars ». Appellations non contrôlées qui se soucient moins des convenances de surface que de restituer des bribes d’histoires forgées ensemble, entre accords supposés et malentendus, avec morceaux...
Mots clés :
Bible
Dieu
Evangile
Expérience spirituelle
Louange
Mémoire
Parole de Dieu
Pauvreté
Lire la suite
À L’ÉCOLE DU CHRIST PÉDAGOGUE
CHRISTUS N°239

Les sciences de l’éducation peuvent-elles apporter un éclairage fécond à notre lecture des évangiles ? Inversement, l’attention donnée à la « manière » de Jésus-Christ dans son enseignement et ses gestes de Salut peut-elle inspirer et renouveler nos pratiques pédagogiques et catéchétiques ? C’est le oui donné à cette double question qui fait l’unité de l’ouvrage de Pierre Vianin et François-Xavier Amherdt et en recommande la lecture à ceux qui ont mission éducative.
Dans un style très accessible, clair et parfois même répétitif par souci didactique, les auteurs résument d’abord divers modèles pédagogiques tirés des sciences de l’éducation. Puis ils mettent en œuvre ce cadre théorique et certains des concepts ainsi conquis pour interpréter avec finesse et compétence exégétique quelques épisodes évangéliques particulièrement significatifs de la pédagogie du Christ : les paraboles (Mt 13), la rencontre des disciples d’Emmaüs (Lc 24), l’épisode de Zachée (Lc 19), la confession de Césarée (Mt 16) et, pour finir, le statut des miracles. L’exégèse « pédagogique » de ces divers textes...
AU FIL DE LA PAROLE
CHRISTUS N°239

Achille Mestre est moine bénédictin. Son livre est proche de la lectio divina : une rumination personnelle à partir de thèmes bibliques. Mais il faut tout de suite ajouter que la conversation spirituelle que propose l’auteur à son lecteur est nourrie de nombreuses lectures de la tradition de l’Église, tant des Pères des premiers siècles que de pasteurs et théologiens d’aujourd’hui.
Les chapitres successifs suivent un plan historique (de l’Ancien au Nouveau Testament, et de la naissance de Jésus à la naissance de l’Église) et liturgique (de l’Avent à la Pentecôte). Le ton du livre est proche de l’homélie écrite : le commentaire biblique est libre, au service d’une meilleure intelligence de la foi.
La lecture est aisée, profondément spirituelle. Elle permet de visiter les grandes dimensions de l’existence chrétienne et de la foi, enracinées dans l’Écriture et la Tradition. La couverture du livre est une représentation de Jésus à l’âge de douze ans, au milieu des docteurs de la Loi ; ici, on s’imagine dans le jardin d’un monastère, à l’écoute d’un moine qui répond à des questions de tous ordres – sur le sens de telle parabole, sur la vie de l’Église, sur le...
HUMAIN ET ANIMAL : RECHERCHER LA PAIX
CHRISTUS N°241
-
Brigitte PICQ
Parmi les nombreuses « contrariétés » que Pascal décèle dans l’être humain, figure celle qui se joue entre le sentiment de sa grandeur et la conscience de sa bassesse. Par le premier, l’homme se voudrait l’égal des anges, alors que par la seconde, il se ravalerait au rang de l’animal. Mais, pour Pascal, aucune de ces deux attitudes prise séparément n’est juste. Ainsi écrit-il : « Il est dangereux de trop faire croire à l’homme combien il est égal aux bêtes, sans lui montrer sa grandeur. Il est encore dangereux de lui trop faire voir sa grandeur sans sa bassesse. Il est encore plus dangereux de lui laisser ignorer l’un et l’autre, mais il est très avantageux de lui représenter l’un et l’autre. Il ne faut pas que l’homme croie qu’il est égal aux bêtes, ni aux anges, ni qu’il ignore l’un et l’autre, mais qu’il sache l’un et l’autre ». Deux dangers menacent donc la condition humaine : se vouloir ange ou bête, ne se savoir ni l’un ni l’autre. Entre les deux, les Pensées tracent une voie étroite. Si l’on en croit Pascal, un jugement lucide conduirait à reconnaître ces deux tendances en l’homme et à les faire cohabiter.
Cette situation de...
L’HUMOUR DES SAGES
01 JUILLET 2016
-
Pierre Molinié
Les Pères de l’Église sont-ils de tristes sires ? Leurs icônes pourraient donner cette impression, elles qui les représentent comme de graves évêques à la barbe blanche ou comme des moines aux joues creusées par le jeûne. Les historiens modernes1 ont même cru identifier chez eux une peur à l’égard du rire, ce phénomène incontrôlable qui mettrait en danger la sacro-sainte maîtrise de soi, c’est-à-dire la domination rigoureuse de l’âme sur le corps. Le rire, comme le sexe, révélerait que la vie échappe toujours à la loi, la spontanéité à la règle, et le monde à l’Église… Eh bien, non ! Les Pères ne font du rire ni quelque chose de diabolique, ni le fruit du péché originel. Si leurs expressions nous choquent, replaçons-les dans leur contexte, et voyons à qui ils s’adressent : à des moines ou à des laïcs soucieux de comprendre la parole de Dieu, à des chrétiens désireux de progresser dans un mode de vie « évangélique » ou « angélique ». Que cherchent les Pères ? Le « salut » de leurs auditeurs. Pour cela, ils dessinent non pas un portrait de la vie chr&eac...
Mots clés :
Bible
Eglise
Prêtre
Pouvoir
Gouvernement
Rire
Lire la suite
JÉSUS A-T-IL RI ?
CHRISTUS N°251
-
Sylvie de Vulpillières
Si le rire, la joie, l’humour semblent indissociables de l’histoire humaine 1 , ils ne peuvent être absents de l’histoire de la Révélation, ni de la rencontre de Dieu et de l’homme. Néanmoins, quand est-il question de rire et d’humour dans la Bible ? Ces livres s’en seraient-ils volontairement passés pour ne pas nuire au sérieux de leur propos ? En effet, dans l’Ancien Testament, il est peu fait état de rires, et quasiment pas dans le Nouveau Testament, sauf à le mettre du côté des moqueurs et des méchants. Est-ce à dire que Jésus n’aurait jamais ri, ni eu de l’humour ? Quand est-il question de rire, de joie ou d’humour dans le Nouveau Testament ?
Une première considération vise à distinguer le rire et la joie de l’humour : les démarches, la méthode, les problématiques et d’abord les textes à étudier sont différents sur l’un et l’autre versants, celui des faits où il est question de rire et de joie d’une part, et celui des manifestations qui prêtent à rire de l’autre. Car, d’un côté, nous pouvons nous appuyer sur l’ensemble des textes qui décrivent et nomment le rire et la joie, alors que, de l’autre, nous devons trouver les textes qui c...
Mots clés :
Bible
Cœur de Jésus
Jésus-Christ
Joie
Rire
Lire la suite
L'HUMOUR DES SAGES
CHRISTUS N°251
-
Pierre Molinié

Les Pères de l’Église sont-ils de tristes sires ? Leurs icônes pourraient donner cette impression, elles qui les représentent comme de graves évêques à la barbe blanche ou comme des moines aux joues creusées par le jeûne. Les historiens modernes 1 ont même cru identifier chez eux une peur à l’égard du rire, ce phénomène incontrôlable qui mettrait en danger la sacro-sainte maîtrise de soi, c’est-à-dire la domination rigoureuse de l’âme sur le corps. Le rire, comme le sexe, révélerait que la vie échappe toujours à la loi, la spontanéité à la règle, et le monde à l’Église… Eh bien, non ! Les Pères ne font du rire ni quelque chose de diabolique, ni le fruit du péché originel. Si leurs expressions nous choquent, replaçons-les dans leur contexte, et voyons à qui ils s’adressent : à des moines ou à des laïcs soucieux de comprendre la parole de Dieu, à des chrétiens désireux de progresser dans un mode de vie « évangélique » ou « angélique ». Que cherchent les Pères ? Le « salut » de leurs auditeurs. Pour cela, ils dessinent non pas un portrait de la vie chr&e...
Mots clés :
Bible
Eglise
Prêtre
Pouvoir
Gouvernement
Rire
Lire la suite
DE LA VILLE DÉCHUE À LA JÉRUSALEM CÉLESTE
CHRISTUS N°254
-
Roselyne DUPONT-ROC
Quelle place la ville occupe-t-elle donc dans l'immense construction littéraire que représente la Bible ? Quelle place occupe-t-elle dans le dessein de Dieu tel que les hommes le comprennent et l'accueillent ?
La Bible s'ouvre sur l'expulsion du couple humain hors du jardin de l'Éden, pour travailler le sol et en tirer sa subsistance. Alors que le projet de Dieu est un monde de douceur pour ceux qu'il veut à son image et à sa ressemblance, la fracture qu'introduisent le soupçon et le mensonge révèle une humanité qui peine à la tâche et doit s'adapter : les hommes adoptent différents modes de vie et évoluent très vite vers la construction de villes. Caïn, le premier, bâtit une ville qui prend le nom de son fils Hénok, un nom qui évoque la dédicace d'une ville ou d'un monument : l'humanité ne se conçoit guère sans le travail des bâtisseurs.
Pourtant, quelques chapitres plus loin, les hommes échoueront dans leur tentative de construire la ville de Babel : Dieu les disperse sur toute la surface de la terre ! Et, si l'histoire biblique reste fascinée et comme focalisée sur Jérusalem, la ville où Dieu vient habiter au milieu de son peuple, la capitale sera plusieurs fois détruite, et finalement rasée, au point que l'espérance juive se traduira...