RENONCER À LA VENGEANCE
CHRISTUS N°228
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Natalie HÉRON
Après Bye bye Africa primé à Venise en 1999, puis Abouna présenté à Cannes en 2002, Daratt – Saison sèche, qui obtint en 2006 le Prix spécial du Jury à Venise, est le troisième long-métrage du réalisateur tchadien Mahamat-Saleh Haroun. Saison aride, affrontements tendus, plans rapprochés, cadrage frontal, montage cut, Daratt – Saison sèche, à l’image du titre, et jusque dans son style, est sec. Ou plutôt, sobre. Sans pathos ni dénonciation manichéenne, Haroun choisit la fiction plutôt que le documentaire pour proposer une « utopie » 1, entre western et fable. Comment continuer à vivre après tant de violence et de morts, lorsque justice n’a pas été rendue, ou reste inexistante ? Peut-on décider et imposer la paix ? Peut-on se faire justice soi-même ? Telles sont les questions auxquelles nous renvoie ce film, qui tient aussi du récit d’initiation. À l’origine de Daratt, explique le réalisateur dans un entretien, il y a « cette réalité quotidienne que j’ai l’habitude de côtoyer. Une vie en fait hantée en permanence par cette guerre civile qui dure maintenant depuis plus de quarante ans et qui a vu beaucoup de victimes, silencieuses, à qui personne ne pense, parce qu’aucune justice n...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Liberté
Mal
Paix
Pardon
Paternité
Réconciliation (confession)
Sagesse
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CINQ POÈMES URBAINS
CHRISTUS N°228
-
Claude TUDURI
Le pas
Rien que la résistance d’un pas dans la nuit de l’hiver
et la nuit n’est déjà plus la nuit.
C’est comme s’il avait neigé, mais ce manteau de blancheur qui l’a enveloppé est seulement une soif conquise à l’improviste au coeur de l’insomnie.
Dehors, dans la rue, les vitrines des boutiques continuent de se surveiller à l’envi, mais le linceul de la nuit laisse monter une lumière de désert plus imprenable que les miradors de la ville.
Un homme marche : il est seul, la plaine est immense et la route noire et salée.
Le ciel s’est rétréci, devenu à peine une vieille auréole amassée autour d’un petit coin de lune, mais le passant le voit et l’accueille comme la rose blanche de la nuit.
Il marche contre le vent pour oublier sa migraine et ses soucis, mais avec son haleine, flottant au-dessus de l’ombre et de l’asphalte, il trace bon gré mal gré l’espoir d’une liaison entre l’appel du jour et la nuit des faubourgs.
Rien ne peut effrayer le pas du marcheur quand son coeur se réchauffe du pas unanime qu’il entend dans la nuit.
Il le précède depuis les siècles des siècles et ne lui appartient pas plus que la vie de son propre corps, luttant contre la glace de décembre dans son manteau rêche e...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Imagination
Spiritualité ignatienne
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DE L’ADORATION DE L’UN À L’IDOLÂTRIE DU RIEN
CHRISTUS N°227
-
Claude-Henri ROCQUET
Il faut lire Baudelaire comme nous lisons Pascal.
Au Lecteur : le poème liminaire des Fleurs du mal est une confession, un examen de conscience, un miroir où l’auteur et le lecteur peuvent également se reconnaître dans leur misérable comédie et leurs évasions illusoires, leur enfer intime, leur assujettissement à Satan. Lire cette page comme un admirable poème, la tenir pour une superbe façade, le porche ou le tympan solennel d’un recueil, au lieu d’y reconnaître le dévoilement d’un « coeur mis à nu », un De profundis, c’est ne pas l’entendre, ne pas entendre sa vérité. C’est rester au plan de la littérature, de l’illusion littéraire, retenu par la forme, cette « idole », empêché par le plaisir, la complaisance, d’accéder au sens, au déchirement de l’âme. Il en va de même pour tous les chefs-d’oeuvre. Le talent, le génie, notre admiration elle-même, nous cachent qu’au delà de toute littérature, au delà de l’art, de l’oeuvre, il s’agit de l’homme, de sa misère, de sa grandeur. Et « l’homme, dit Pascal, passe infiniment l’homme ».
Il est vrai que l’admiration, la dévotion à la forme, la communion dans la beauté...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Démon
Dieu
Discernement
Prière
Religions
Vanité
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FIGURES DU DÉCOURAGEMENT DANS L’ART
CHRISTUS N°224
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Martine Le Gac
À quoi peut ressembler le découragement dans les arts visuels ? Existe-t-il une iconographie qui montre cette étape où quelqu’un fait l’expérience de l’impuissance et ne pense pouvoir trouver ni aide ni remède ?
Le Champ de blé aux corbeaux de Van Gogh peint en juillet 1890, Le Concert (1955) de Nicolas de Staël, l’une des toiles de février 1970 de Mark Rothko : Black on Grey (noir sur gris), ne sont pas des peintures qui figurent le découragement. Nous devinons qu’elles le contiennent au fait qu’elles sont parmi les dernières avant que ces artistes ne se suicident. Alors nous y cherchons les indices de ce moment où le créateur va sombrer. Il n’y a pourtant là, dans ces tableaux, rien qui ressemble à de la défaite. Il y a tout au contraire une activité créatrice, hardie, une audace dans le traitement. C’est là le paradoxe : le sujet (le motif) n’est pas l’état du sujet (l’auteur).
Des images apparentées
À la différence de la Chute ou de la Mélancolie qui sont des pistes artistiques dont la présence est récurrente au cours des siècles, comme le déclare la conservatrice Catherine Grenier dans le catalogue de l’exposition Traces du sacré 1, le découragement n’est pa...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Bible
Images
Jésus-Christ
Larmes
Mal
Pardon
Passion
Prière
Réalité
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LA MUSIQUE, UNE VOIE SPIRITUELLE ?
CHRISTUS N°223
-
La rédaction
La musique aujourd’hui a envahi notre temps et notre espace, à la maison comme dans le milieu professionnel. Elle est partout, elle nous accompagne dans toutes nos activités. Sous des formes très diverses, elle touche tout le monde, et non plus seulement des mélomanes avertis ou des amateurs de tel ou tel genre. Sa pratique s’est aussi largement étendue et démocratisée. Considérable est le nombre de personnes qui apprennent, jouent, composent, au point que beaucoup considèrent la musique comme l’expression spirituelle par excellence de l’homme.
Ce dossier veut prendre au sérieux, en l’interrogeant, cette empreinte spirituelle de la musique dans l’univers contemporain. En quoi est-elle spirituelle ? Peut-on l’affirmer de toute musique ? La tradition ne nous aide pas beaucoup, car la musique est peu présente dans les récits d’expérience spirituelle. Liée au corps et à la sensation, elle est plutôt le lieu du charme, voire du divertissement, quand elle se donne ailleurs qu’à l’église.
Cependant, nous pouvons faire l’expérience que la musique, qui ne contient en soi ni sa fin ni son origine, « ouvre à plus grand qu’elle » (P. Faure). Elle joue d’abord un rôle essentiel dans la relation à autrui quand chaque génération...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Expérience spirituelle
Musique
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LA MUSIQUE, UN LIEU SPIRITUEL ?
CHRISTUS N°223
-
Pierre FAURE
Aujourd’hui, le mot « spirituel » utilisé pour parler de la musique, notamment dans les médias, recouvre bien des sens, qu’il faut trier un peu si l’on veut savoir de quoi l’on parle. En écoutant parler des musiciens, interprètes ou compositeurs on peut donner quelques exemples :
• Le metteur en scène déconcertant, et aussi plasticien et écrivain, Oleg Koulik, qui se dit incroyant mais « mystique… un peu », affirme : « La musique est le seul bien universel, l’unique chose à laquelle nous sommes tous soumis. Elle ne brille pas seulement par ses qualités esthétiques, mais offre une connaissance chiffrée déjà sacrée du monde. »
• André Jolivet (1905-1974), compositeur, qui voulut redonner à la musique « son caractère original antique d’expression magique et incantatoire de la religiosité des groupes humains », disait d’elle qu’elle est « un mouvement spirituel ». Pour exprimer probablement qu’elle est manifestation d’une profondeur universelle de l’esprit vers plus grand que lui, sans autre détermination religieuse.
• Dans le même sens, le claveciniste Pierre Hantaï parlait de « l’engagement spirituel » d’un grand pianiste, pour dire « qu’il...
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Affectivité
Amour
Art (cinéma, peinture, sculpture)
Athéisme
Corps
Ecoute
Expérience spirituelle
Foi
Jésus-Christ
Liturgie
Musique
Parole d’homme
Passion
Désir
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DANS L’AIR DU TEMPS
CHRISTUS N°223
-
Robert Migliorini
En France, on connaît bien la chanson. Chaque génération entretient et revisite son petit conservatoire. L’adage avait inspiré Charles Trenet, qui traduisit dans L’âme des poètes ce qui s’inscrit à chaque époque dans l’air du temps : « Longtemps, longtemps, longtemps, après que les poètes ont disparu, leurs chansons courent encore dans les rues. La foule les chante un peu distraite, en ignorant le nom de leur auteur. » Quelques décennies plus tard, alors que le rock-and-roll et la pop avaient pris le pas sur le style chanson à textes d’antan, le duo Laurent Voulzy et Alain Souchon a parlé de ces « trucs qui collent encore au coeur et au corps », lorsqu’un air vous trotte toujours dans la tête.
L’exercice est si populaire que, régulièrement, des sondages tentent de désigner le meilleur de la chanson du siècle, par goût immodéré des classements mais aussi pour nourrir les nostalgies et réincarner les rêves oubliés. Pour le siècle précédent, un de ces palmarès atmosphériques avait distingué Prendre un enfant d’Yves Duteil. Le chanteur a su conjuguer les accents de l’intime et la geste universelle, celle de la filiation et de la transmission, lorsque l’enfant par...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Cœur de Jésus
Communion
Expérience spirituelle
Musique
Temps
Littérature
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ROCK, RAP, SLAM
CHRISTUS N°223
-
Pascal Sevez
Il serait vain mais surtout illusoire de tenter de dresser ne serait-ce qu’une cartographie de la musique que peuvent écouter les plus jeunes. Bien sûr, il y a des phénomènes de mode où une chanson vient saturer non seulement les radios mais aussi tous les baladeurs, comme il y a deux ans Mika. Avec Relax, Take it easy, l’été avait trouvé sa musique de l’Île de Ré au Cap d’Agde.
Mais chacun, dans ce qu’il écoute, recèle le mystère de ses rencontres, les marques étonnantes d’une histoire, les aires culturelles de son réseau relationnel. Un élève de CM2 de 2009, au détour d’une conversation, peut, avec le sérieux de cet âge, parler de ce que représentent pour lui les chansons de l’ex-berlinoise Nina Hagen. Il évoque African Reggae créé en 1979, parle de son premier album solo en anglais de 1982 NunSexMonkRock, allant jusqu’à dire son trouble devant ce mélange de punk, de funk et d’opéra… tandis que la maman du bambin charmeur regarde d’un air gêné les motifs du tapis pourtant largement diffusés par les grands magasins d’ameublement. Ben Harper enflamma les lycéens de la Méditerranée des années 90, alors que ceux des côtes normandes ou bretonnes sem&sh...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Chair
Evénement
Expérience spirituelle
Liberté
Media
Mourir
Musique
Parole d’homme
Temps
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DE LA MUSIQUE EN PRISON
CHRISTUS N°223
-
Marie-Thérèse Esneault
Durant mon travail d’analyse, commencé à l’âge de 49 ans, j’ai perçu que le chant et la musique avaient été mon seul moyen d’expression durant l’enfance et l’adolescence. J’ai commencé très tard mes études de musique et suis devenue professeur de musique en milieu scolaire. Après un rêve prémonitoire, j’ai commencé à enseigner la guitare, puis exercé la musicothérapie en prison, à Fleury-Mérogis, puis à Fresnes. J’y suis restée vingt-trois ans. C’est cette longue expérience que je voudrais partager. La pratique musicaleLa question que l’on peut se poser est la suivante : en quoi faire de la musique est-il thérapeutique ? Suffit-il de prendre une guitare ? Je constate que, chez beaucoup de jeunes, la musique est consommée dans une ambiance très fusionnelle, provoquant des sensations plus ou moins confuses. Le malade toxicomane, en particulier, vit souvent la musique comme un bain dans lequel il s’enfonce et où il se sent bien. Les acquisitions, sous forme d’exercices, mettent l’accent sur le renforcement du moi, le rapport à la réalité, la maîtrise et le développement social. Ces limites donnent des sécurités, balisant des repèr...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Ecoute
Expérience spirituelle
Extase
Guérison
Imagination
Musique
Paix
Psychologie
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LA MUSIQUE AU RISQUE DE L’HISTOIRE
CHRISTUS N°223
-
Jean-Luc Pouthier
Une fois au moins la musique a adouci les moeurs. À Prague, le 28 octobre 1918. Ce jour-là, les habitants de la capitale tchèque ont bousculé le calendrier et attrapé au vol leur indépendance. La Grande guerre était en passe de s’achever… L’empire austro-hongrois éclatait. Cela faisait trois siècles que les Tchèques attendaient d’échapper à la tutelle autrichienne et de recouvrer leur liberté. Alors ils furent les premiers à s’évader de la « prison des peuples », ainsi qu’était qualifié, à l’époque, l’Empire des Habsbourg.
Le 28 octobre 1918 donc, les dirigeants du mouvement national tchèque étaient en exil à l’étranger. En particulier Thomas Masaryk, le père de la patrie. Qu’à cela ne tienne ! La déliquescence de l’Autriche- Hongrie était telle que ceux qui avaient pu rester sur place, à Prague, décidèrent de passer à l’action. À moins qu’ils n’aient répondu, tout simplement, à l’impatience de la population. Non sans inquiétude. À Prague vivait alors une forte minorité de langue allemande, peu pressée – elle – de sortir de l’Empire. Les responsables du Conseil national voulurent pr&eacu...
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Catholicisme
Ecoute
Eglise
Mensonge
Musique
Politique
Réalité
Temps
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À LA MÉMOIRE D’UN ANGE
CHRISTUS N°223
-
François MARXER
Le déferlement des désirs, le cataclysme du désastre, l’émotion déchirante ; l’harmonie et la rigueur, une musique construite, calculée : voilà tout Alban Berg. Avec Schönberg, le maître, et Webern, l’ascète, Berg forme la seconde École de Vienne, héritière fidèle (parce que créatrice) de la première (Haydn, Mozart, Beethoven). Une vie brève : 1885-1935, qui se déroule toujours à Vienne et alentours, dédiée à la composition et à la défense de la Nouvelle Musique. Un catalogue restreint, voué au chef-d’oeuvre : les Altenberg- Lieder, les trois Pièces pour orchestre, la Suite Lyrique et surtout Wozzeck, l’opéra qui le consacrera tardivement comme ma tre de l’art lyrique, ce que confirmera Lulu hélas ! inachevé. Début 1935, le virtuose américain Louis Krasner lui commande un concerto, Berg s’engage dans la composition quand il apprend la mort, le 22 avril, à l’âge de quinze ans, de Manon Gropius, fille d’Alma Mahler, des suites d’une maladie foudroyante : il dédie son oeuvre à la mémoire de la jeune fille, y évoquant les facettes de sa personnalité et le cours tragique de son destin… Co ncidence étrange, lui-même mourra, le 24 dé...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Ascèse
Mal
Mémoire
Miséricorde
Mourir
Musique
Prière
Résurrection
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DU SPIRITUEL EN MUSIQUE
CHRISTUS N°223
-
Jean-Michel Dieuaide
Un panorama de la musique contemporaine en un si bref article relève du défi. Je me contenterai de poser quelques petits cailloux blancs dans le dédale d’une création foisonnante. Prenant le risque d’une franche partialité, je vous convie à une petite promenade dans mon « jardin personnel » 1 en compagnie de Jean-Paul II et de sa Lettre aux artistes (1999).
Lorsque Jean-Paul II s’adresse « à tous ceux qui, avec un dévouement passionné, cherchent de nouvelles “épiphanies” de la beauté », il met en exergue de sa lettre un verset de la Genèse : « Dieu vit tout ce qu’il avait fait : cela était très bon » (1,31). Dans le premier chapitre, le pape définit la nature de l’« association » de l’artiste à l’oeuvre du Créateur : « Dans l’homme artisan se reflète son image de Créateur. »
Je crois profondément qu’un musicien fait la musique « selon son coeur » et éventuellement « sur commande ». Les musiciens ne « revendiquent » rien d’autre que la possibilité pour leur oeuvre de dire et de faire ce qu’elle porte. Jean-Paul II ne dit pas autre chose : « Toute forme authentique d’art constitue une approche très valable de l’horiz...
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Bible
Catholicisme
Eglise
Expérience spirituelle
Foi
Musique
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FAIRE GRANDIR L’ÂME
CHRISTUS N°223
-
Patricia Lebrun
La musique sert et accompagne la liturgie. Elle la seconde, comme la liturgie est seconde par rapport au Christ. Porte-Parole, elle voudrait pouvoir désigner quelque chose de son mystère, contribuer à le faire connaître, aimer et advenir. Pour cela, il lui faut d’abord convenir au geste ou au temps liturgiques auxquels elle est destinée, et être en mesure de mobiliser spirituellement une assemblée – l’enthousiasmer au sens étymologique du terme 1. Nous pouvons demander au chant qu’il nous tienne haut dans notre âme tout autant qu’agenouillés aux pieds du Verbe qui nous parle.
Habiter le Mystère
Si la musique sert la liturgie, c’est en habitant le Mystère qu’elle célèbre, dans sa double dimension d’intériorité et de transcendance. Elle permet alors la construction et l’expression de la foi personnelle et communautaire. On la voudrait simple, mais la simplicité est peut-être une des choses les plus difficiles à atteindre. On la voudrait accessible, ce qui ne se traduit ni par la banalité, ni par l’indigence de sa facture. Elle peut alors s’adresser au coeur profond, comme peut-être elle est seule capable de le faire, avec l’inspiration de l’Esprit et la Présence du Verbe à ses côtés. Initiatique, mystagogique,...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Eglise
Expérience spirituelle
Grâce
Liturgie
Musique
Parole d’homme
Sacrement
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ÉCOUTE ET SILENCE INTÉRIEUR
CHRISTUS N°223
-
Patrick Goujon

J’écoutais en silence.René (Chateaubriand)
Dimanche matin, onze heures, Théâtre du Châtelet à Paris. Les premières notes des Variations Goldberg font entendre le silence dont elles proviennent. Elles s’en détachent, ce serait encore trop dire : la musique ce matin-là faisait chanter le silence. La musique révélait ce dont il était gorgé ; le silence lui avait été nécessaire pour en venir là. Au terme d’une heure de musique, nous nous en retournions transformés. La musique s’était tue sans que le silence éteigne ce qu’il avait éveillé. Venu de cet obscur fond de scène d’où rien ne semblait pouvoir surgir, le silence portait le chant sans qu’il s’épuise ou sature l’oreille. Zhu Xiao-Mei, l’interprète de ce matin-là, n’avait-elle pas autrefois traversé l’horreur des camps, tenue par l’écoute intérieure de ces Variations ? Ce silence s’était à nous révélé force vive. Il invitait chacun à écouter le chant entonné en lui-même.
On l’aura compris, le silence et la musique ne s’opposent pas comme le vide et le plein, celle-ci emplissant le creux de l’oreille jusqu’à l’obturer. La musique n’es...
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Ascèse
Dieu
Discernement
Ecoute
Espérance
Jésus-Christ
Silence
Désert
Désir
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TERRES JAUNES, TERRES DU SONGE...
CHRISTUS N°221
-
Benoît VERMANDER
Peu après son séjour en Chine et autres pays asiatiques (1916-1921), le poète Saint-John Perse (Alexis Léger) publiait le recueil Anabase. Si l’on retrouve là bien des images évoquant ses randonnées équestres en Mongolie et autres lieux, l’oeuvre n’entendait rien évoquer d’historique ni de géographique. Le titre, indiquait plus tard l’auteur, « pris dans sa double acception étymologique, signifie tout à la fois “montée en selle” et “expédition vers l’intérieur” » 1. Anabase, pourtant, s’enracine bien dans la rencontre avec un terroir revisité, transformé, universalisé par la puissance de l’imagination créatrice. Durant le cours de son périple, le poète se prend à murmurer : « Nous n’habiterons pas toujours ces terres jaunes, notre délice… » Intuition d’impermanence paradoxalement éveillée par la contemplation de l’immensité environnante : « La terre vaste sur son aire roule à pleins bords sa braise pâle sous les cendres » (Chant VII). Mais c’est la conscience même d’être « gens de peu de poids dans la mémoire de ces lieux » (Chant I) qui provoque la mise en branle du songe créateur et mobilis...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Imagination
Liberté
Louange
Désir
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LES NUITS BIBLIQUES
CHRISTUS N°221
-
François CASSINGENA-TRÉVEDY
Dans ses Vespri per l’Assunzione di Maria Vergine, telles qu’un patient travail musicologique en a reconstitué récemment le cycle complet, Antonio Vivaldi, expert dans l’art de varier les procédés d’expression, a confié à la voix de contralto l’exécution intégrale du Psaume 126 (RV 608), lequel faisait traditionnellement partie de la psalmodie de l’office vespéral, aux jours de fêtes mariales. Sur le verset « Cum dederit dilectis suis somnum » (« Le Seigneur donne le sommeil à ses bien-aimés ») traité naturellement comme un andante, le figuratisme musical atteint un sommet de perfection qui, loin de représenter une simple prouesse de théâtralité, reflète la profonde méditation du psaume par celui que l’on appelait le « prêtre roux » : l’auditeur se voit confronté soudain au grand mystère du sommeil, non pas seulement comme fait de nature, mais comme don de Dieu, au point que, s’il écoutait comme il se devrait d’écouter toujours, il y cèderait bientôt lui-même 1.
Mystère proprement biblique du sommeil : celui que Dieu donne, celui où Dieu opère, celui où Dieu se fait jour.
Un sommeil tombé de Dieu
Au commencement était le sommeil, et le so...
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Grâce
Imagination
Incarnation
Jésus-Christ
Temps
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RÊVE ET PROGRÈS
CHRISTUS N°221
-
Alain CUGNO
Il faut faire l’apologie de l’imagination. Il faut faire l’apologie du rêve. Mais de quel rêve ? Celui du sommeil ? C’est bien dans leurs rêves que plus d’une fois le Dieu de la Bible s’adresse aux hommes. Et il y a des rêves qui nous laissent tels « qu’il nous faudra vivre maintenant pour de longs jours comme dans une chambre familière dont la porte battrait inopinément sur une grotte » 1. Car il y a une réalité du rêve dont je ne connais pas d’exemple plus saisissant qu’au détour d’un amour de Swann, une affirmation singulière : Swann pensait qu’il ne reverrait jamais Odette. « Il se trompait. Il devait la revoir une fois encore, quelques semaines plus tard. Ce fut en dormant, dans le crépuscule d’un rêve » 2.
Du rêve à la rêverie
Ou bien au contraire s’agit-il du rêve éveillé, de la rêverie bachelardienne qui est si proche de la méditation ? « On devrait alors accumuler les documents sur la conscience rêveuse » 3. Et l’on se prend à rêver : que fait donc Descartes d’une méditation à l’autre ? Car enfin, six méditations, cela signifie clairement une semaine consacrée à régler, une fois pour toutes, les fondements de la certit...
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Contemplation
Expérience spirituelle
Imagination
Mensonge
Réalité
Résurrection
Saint Jean de la Croix
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IMAGINER, UN LIEU DE VÉRITÉ
CHRISTUS N°221
-
Natalie HÉRON
Au coeur du mensonge (1998) de Claude Chabrol constitue avec L’Enfer (1993) et Merci pour le chocolat (2000) une trilogie sur « l’enfer du doute ». Entre mélodrame et policier, ce film « noir », de l’avis de Chabrol lui-même, est comme la descente aux enfers d’un couple, dans une petite ville de Bretagne (Saint-Malo), où le meurtre d’une fillette engendre la suspicion. Au coeur du doute donc, un peintre, René Sterne (interprété par Jacques Gamblin) et sa femme Viviane (Sandrine Bonnaire) attirée par le très médiatique journaliste parisien Desmots (Antoine de Caunes). La jeune commissaire Lesage (Valeria Bruni-Tedeschi) veut faire la vérité sur le drame dans cette petite ville où tout le monde ment, et se ment à soi-même, où plus on cherche à y voir clair, plus on s’enfonce dans le mensonge.
À travers les fils de l’intrigue policière, le film interroge le rapport de l’imagination à la vérité. « L’imagination, c’est pas vraiment le mensonge, c’est même le contraire », affirme le peintre au journaliste lors du dîner qui les mettra face à face.
L’ombre du doute
Le film s’ouvre sur le visage en gros plan d’une petite fille qui dessine avec application à une tabl...
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Images
Imagination
Vérité
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DÉPLACEMENTS DE L’HUMANISME
CHRISTUS N°221
-
Jean-Pierre Sonnet
«Homme je suis et je crois que rien d’humain ne m’est étranger. » En citant Térence, Montaigne a relayé au seuil de la modernité le credo de tous les humanismes. Mais qu’en est-il aujourd’hui, alors que la pensée postmoderne dénonce l’excès d’optimisme de ce credo et sa facilité à se réclamer de l’universel – notamment en sa forme rationnelle ? Dans bien des cercles de pensée contemporains, c’est la pluralité, autant que la radicalité, des points de vue qui désormais donne le ton ; l’évidence première n’est plus celle de la familiarité possible avec l’autre homme, mais celle de l’extranéité, dans l’éclatement des références, rationnelles et autres, à travers l’espace et le temps.
À la suite du philosophe Jean-François Lyotard, ces milieux parlent volontiers de « la fin des grands récits », ces macro-intrigues, religieuses ou idéologiques, qui mettaient en perspective et rendaient intelligible l’histoire commune. En d’autres mots, l’humanisme a fait son temps : notre ère est celle de la réalité fragmentée, constituée d’« étrangetés » juxtaposées, de l’expérience...
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Athéisme
Humanisme
Imagination
Incarnation
Liberté
Saint Ignace de Loyola
Universalité
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LES INVASIONS BARBARES
CHRISTUS N°220
-
Marie Guillet
Christus : Le film québécois Les invasions barbares (2003) de Denys Arcand a remporté un vif succès, tant critique que public. Arcand, né dans les années 40, s’est d’abord taillé une réputation comme documentariste avant de se faire connaître comme cinéaste de fiction. Les invasions barbares se présente comme le second volet du Déclin de l’empire américain (1986). Dans cet entretien, nous analyserons ce film sous l’angle de la rupture, des ruptures. Le titre même du film évoque le dernier grand événement de rupture d’envergure mondiale que nous ayons connu, à savoir la destruction des Twin Towers le 11 septembre 2001. Un chercheur en sciences politiques, lors d’une émission dont on voit un extrait au début d’une scène, estime qu’en effet cet événement inaugure l’ère des « invasions barbares ». Pourquoi « barbares » ? Le politologue estime que cette attaque s’est faite de façon inattendue, totalement sauvage, sans raison stratégique apparente, puisqu’il ne s’agissait évidemment pas d’envahir New York. Cette invasion ressemble un peu à celle des Huns, dont le but n’était pas de s’installer en Europe mais seulement de la piller. L’une des forces du film es...
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Athéisme
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Maladie
Désir
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SOUFFLE DE LA MÉMOIRE, GRÂCE DE L’OUBLI
CHRISTUS N°219
-
Sylvie GERMAIN
«Il faut éteindre la démesure plus encore que l’incendie. » Cette pensée d’Héraclite, qui souligne la nécessité de la modération et de la pondération, garantes de l’harmonie du monde et des sociétés humaines, peut s’appliquer au couple « mémoire et oubli » – un couple antagoniste qui, comme toutes les forces contraires en jeu dans la nature et dans l’homme, n’est dynamique qu’au prix d’un subtil dosage de ces énergies et d’une répartition en souplesse de leurs rôles.
La « démesure » qui brise l’équilibre entre la mémoire et l’oubli n’est pas toujours évidente, elle advient parfois de façon paradoxale, par retournement, par négligence, par usure, par orgueil ou par honte, ou encore, plus gravement, au fil d’un long et pervers travail de sape ourdi par une volonté de trafiquer la mémoire de tel ou tel événement.
Le risque d’hypermnésie
Quand la mémoire se dilate, récoltant et conservant tout ce qui advient, amoncelant en vrac les souvenirs, elle s’asphyxie. Saturée de « données », elle ne parvient plus à les examiner, à les évaluer et à les trier en conséquence ; l’hypermnésie ne pen...
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Ascèse
Foi
Grâce
Mémoire
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LE PETIT DE L’HOMME
CHRISTUS N°217
-
Chantal Leroy
Ce thème fait remonter à ma mémoire deux dessins qui frappèrent mon imagination d’enfant dès que j’eus accès à la bibliothèque de mon grand-père. Le premier représentait un enfant qui regardait le lecteur en pointant du doigt un cortège d’importants personnages ; une légende traduisait son exclamation : « Mais le roi est tout nu ! » L’autre image montrait une petite fille en guenilles, blottie sous une porte cochère ; les yeux fermés, elle souriait et il était écrit : « Tout le monde ignora les belles choses qu’elle avait vues. »
On aura reconnu les deux contes d’Andersen : Le costume neuf de l’empereur et La petite fille aux allumettes. Que la fillette soit morte, ne me frappait pas. À l’époque, je ne savais pas ce qu’était la mort. Mais le rêve ! Le rêve, oui, je savais ! Son sourire délicatement souligné par l’artiste me fascinait. Ses visions magiques lumineuses étaient miennes, comme l’était ce regard de connivence du petit garçon dont les grands yeux me fixaient et partageaient avec une acuité naïve et impertinente une réalité que nous étions tous les deux seuls à voir. Je passais à côté de la morale des contes : c’étaient leurs...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
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Epreuve
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PRIER AVEC LES CHANTS DE TAIZÉ
CHRISTUS N°217
-
Émile FRÈRE
On a dit de frère Roger de Taizé qu’il avait le don de se mettre à la place d’autrui, de comprendre ce qu’un autre pouvait ressentir. Ceci est particulièrement vrai de la prière. Dans ce domaine comme en beaucoup d’autres, le fondateur de Taizé pouvait comprendre les blocages de l’homme et de la femme d’aujourd’hui, et tout spécialement des jeunes. Il se mettait à leur place, imaginant sans peine ce qu’ils pouvaient ressentir en pénétrant dans une église pour la première fois. Mais frère Roger ne faisait pas que comprendre. Une passion l’habitait, doublée d’une aptitude à créer, à susciter des réponses et des collaborations fécondes. Le sociologue constate, et c’est utile, mais le prophète fait davantage : il ouvre des voies, il transforme les idées en réalités visibles. Pour beaucoup de nos contemporains la prière paraît inaccessible : c’est quelque chose que d’autres peuvent faire, mais pas moi. Cette passion de rendre accessible à beaucoup les sources d’une confiance en Dieu, les sources de la prière, est ce qui a conduit à la création des chants de Taizé.
Chercher des voies nouvelles
Avant l’arrivée massive des jeunes à Taizé – et m&ecir...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Charité
Combat spirituel
Eglise
Liturgie
Mal
Paix
Prière
Salut
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SCÈNES DE LA VIE CONJUGALE
CHRISTUS N°213
-
Natalie HÉRON
Avec Scènes de la vie conjugale, feuilleton écrit pour la télévision en 1973, Ingmar Bergman met en scène un couple qui se déchire, dans un film long (environ 2h50 dans sa version cinématographique abrégée sortie en 1974) et éprouvant, où les affrontements ne seront ni éludés ni édulcorés. Mais si, comme le disait Renoir, « l’art du cinéma consiste à s’approcher de la vérité des hommes et non pas à raconter des histoires de plus en plus surprenantes », Bergman y réussit là magnifiquement, en mettant ses personnages à l’épreuve de la passion qui détruit le couple et rompt l’engagement promis pour toujours, en révélant leur désir de venir à la vérité, fût-ce à travers un chemin chaotique et douloureux. Tout le film est une passion au sens propre 1 : il fait tomber le masque d’une image idéale, mais non moins fausse pour dévoiler la vérité en chacun. « Voyons maintenant ce qui se passe » 2...
Comme en un miroir
Le couple de Johan (Erland Josephson) et Marianne (Liv Ullman) accumule tous les signes extérieurs d’une réussite telle que « c’en est indécent », reconnaît Johan. Ils sont « d’accord sur...
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L'EXPÉRIENCE ARTISTIQUE
CHRISTUS N°211
-
La rédaction
L’art est donné, il ouvre à plus grand que soi, il élève l’existence. Fruit d’un travail de création, il porte la marque de la gratuité. La relation à la nature, de bien des manières, vient signifier et cet élargissement et cette gratuité. La ville aussi y ouvre par sa beauté, même si l’agitation et les multitudes affairées la dissimulent souvent. Beaucoup de nos contemporains recherchent beauté et gratuité en pratiquant différents arts durant leurs loisirs. Chaque ville moyenne a son conservatoire ; les maisons de quartier sont investies par de nombreuses associations culturelles ; expositions, concerts, festivals se multiplient. Autant d’îlots de gratuité, de vacance, qui nous sont offerts pour nous initier aux arts plastiques ou à la musique, au théâtre ou à la danse. Autant de lieux et de moments dépaysants qui aident à découvrir des capacités créatrices parfois enfouies depuis l’enfance. Émerveillement de voir comment des émotions rentrées peuvent faire sens lorsqu’elles se cristallisent dans une oeuvre d’art, aussi modeste soit-elle. Émerveillement de découvrir autrui à cette aune et de voir le monde autrement, comme transfiguré. À cause de la tentation de la consommation qui vise...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Gloire
Liturgie
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L’ART EN VILLE
CHRISTUS N°211
-
Geneviève Jurgensen
En sortant de mon bureau, si j’ai rendez-vous du côté de la place de l’Alma, je peux m’y rendre par la rue Jean-Goujon ou le cours Albert 1er. Je préfère cette seconde solution, qui me fait passer devant une porte de cristal, au numéro 40, conçue par le maître verrier Lalique. À cette adresse, il édifia en 1902 un hôtel particulier où installer sa jeune épouse, Augustine-Alice, mais aussi son atelier et sa salle d’exposition. Un siècle plus tard, la lourde porte de verre, sculptée dans cette pâte reconnaissable entre toutes, prend toujours la lumière en faisant jouer les gris et les roses satinés, et chacun peut se faufiler à l’intérieur pour voir, depuis le hall, comment Lalique avait voulu, sortant de chez lui, passer de l’ombre à la lumière.
Si la porte du 40 n’était qu’une oeuvre de plus, dans une ville qui en regorge, je ne ferais pas le détour. Sa puissance d’attraction vient de la rêverie qu’elle suscite, parce qu’elle est splendide mais pas seulement. Aussi parce qu’elle fut pensée dans l’amour d’une femme, par un créateur qui devait, grâce à cette porte, marquer le seuil pour sa famille et accueillir le riche client autant que le modeste artisan. Il fallait que la famille fût heureuse d&...
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Corps
Communion
Consolation
Contemplation
Grâce
Politique
Sagesse
Temps
Connaissance
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LA ROSE EST SANS POURQUOI
CHRISTUS N°211
-
Anne-Sophie Rondeau
Il est une rose bordée d’aurore. Le regard se penche, un reflet d’émerveillement y luit, et dans l’instant où se contemple l’éclosion se respire l’éternité. « Il faut sans cesse aller de lumière en lumière » (Angelus Silesius) pour habiter autrement notre monde et voir dans la plénitude discrète d’une simple rose une tendresse divine. Les yeux emplis de beauté se taisent.
Le nez palpite, frémit. Et comme cela, sans prévenir, le parfum de la rose vous « monte à la tête ».
L’olfaction est sans doute le sens qui nous prend le plus par surprise. Et l’inattendu surgit : les souvenirs, les émotions rejoignent la contemplation du regard.
Les pétales translucides et veinés se font le marchepied du ciel en faisant naître l’émerveillement, « en sachant, comme l’enseigne saint Macaire, qu’il n’y a pas deux sortes de sens existant séparément : “Ce sont les mêmes sens qui d’abord sont terrestres, puis deviennent célestes par l’infusion de la Grâce” » 1. L’émerveillement alors s’élargit à la pleine mesure de l’être et se transforme en un sourire, expression de la joie intérieure. “Gioia” est le nom de cette rose. Et par...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Contemplation
Grâce
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ART ET EXPÉRIENCE SPIRITUELLE
CHRISTUS N°211
-
Geneviève Khemtémourian
Jean-Pierre LEMAIRE
Ghislaine Pauquet
Christus : Qu’est-ce que l’expérience artistique ? Comment la sensibilité y est-elle engagée ? L’oeuvre d’art ne nous pousse-t-elle pas sans cesse à nous exiler, à nous dépayser, pour nous faire habiter autrement notre vie ? Peut-elle nous faire pressentir l’absolument autre qu’est Dieu ? La forme d’un entretien à plusieurs voix, au coeur de ce dossier, manifeste la dimension ouverte des réponses que nous allons chercher avec vous… Pouvez-vous vous présenter ?
Geneviève Khemtémourian : Mon art premier est la danse, je pratique également la sculpture ; l’un est davantage professionnel que l’autre, mais les deux sont indispensables. Dans le premier, le corps est la matière première ; dans le second, il y a projection dans la matière. J’anime des ateliers de danses du monde, que j’ai appelés : « Danses sacrées, danses pour le temps présent » à Paris, et un peu partout en France et à l’étranger.
Ghislaine Pauquet : Je crois que, d’aussi longtemps que je me souvienne, je peins et je dessine. J’ai fait des études d’histoire de l’art et d’art plastique en parallèle — ce qui m’a conduit, avant d’être religieuse, à être conservateur des musées et à...
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Athéisme
Combat spirituel
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Expérience spirituelle
Extase
Images
Incarnation
Mal
Musique
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EN HUMBLE PLACE
CHRISTUS N°211
-
Véronique Fabre
Une terre sombre et dénudée laisse sobrement paraître quelques reliefs doux et discrets. Au loin, une maison isolée à la façade claire, vers laquelle conduit un chemin, indique que c’est là une terre habitée. Dans la partie gauche de la gravure, au premier plan, un homme se tient debout. Son pantalon presque noir se confond avec la terre, rendant ses jambes comme imperceptibles, alors que les tons clairs de son buste tranchent sur les infinies variations des gris du ciel. Son dos nu s’arrache avec force de la terre et semble trouver son assise en elle. La nuque tendue, le front penché et les yeux baissés infléchissent très légèrement son imposante stature verticale et contribuent à mettre en valeur son avant-bras et sa main. Ceux-ci se détachent nettement du tronc pour épouser, par leur inclinaison, la courbure légère de la ligne d’horizon. Ils sont à la jonction du ciel et de la terre, du haut et du bas.
Toute la scène se ramasse dans le geste exécuté par ce bras et cette main largement ouverte. Les jambes que l’on devine solidement en appui, le dos compact et la tête délicatement inclinée prennent part au mouvement. L’homme est tout entier dans le geste qu’il pose. L’expression mesurée et presque recueillie de son visage dévoile une...
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Humilité
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Passion
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LA GLOIRE DU SENSIBLE
CHRISTUS N°211
-
Jean-Marie Tézé
Cet article a paru dans Christus en juin 1970 au sein d’un numéro consacré à « L’art et la foi ». Il est considéré par beaucoup de chrétiens comme un des plus grands textes esthétiques de cette époque. Nous nous faisons une joie de le faire découvrir à une nouvelle génération de lecteurs, tant le regard et les intuitions du P. Tézé restent d’actualité.
On a l’habitude de considérer l’oeuvre d’art sous le double aspect de la forme et du sensible qu’elle organise. Mais on oublie souvent le plus important. Dès que cette organisation est parfaite, un troisième facteur surgit, essentiel, et qui englobe tout : « splendor formae », le resplendissement de la forme (saint Thomas) ou le rayonnement du sensible (Baudelaire), car les deux ne font qu’un.
Resplendissement de la forme
En tant qu’il est forme, organisation du sensible, figure déterminée, le beau est saisissable. On peut le calculer, l’enseigner. On peut le soumettre à toutes les analyses que l’on voudra : en faire ressortir les motivations profondes, établir les liens qui le rattachent à un niveau culturel, économique et même politique donné. Sous cet aspect, l’objet esthétique est situé dans l’espace et le temps....
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LA SAMARITAINE
CHRISTUS N°211
-
Gabriel Miro
Gabriel Miró est né en Espagne, à Alicante, en cette terre levantine d’où il tirera l’essentiel de son inspiration. Nulle oeuvre au demeurant aussi universelle que la sienne, peu d’écrivains s’étant risqués à décrire l’état contemplatif avec une telle transparence : « ... Nous entendîmes la messe, la messe de l’Ascension, vibrante de canaris, dans une église blanchie à la chaux et aux fenêtres de moulin, où entraient un ciel géorgique et un bruit d’eau de rigoles. Si nous avions toujours pu vivre en ce lieu !... Et comme nous ne le pouvions pas, nous voulûmes déjà nous en aller car nous voulons “cet” instant, et cet instant a besoin d’une émotion suivie pour être et s’affiner de manière évocatrice. »
Trois expériences commandent l’oeuvre de Miró. L’autobiographie spirituelle d’abord, répartie en quatre livres et à propos de laquelle on l’a comparé à Marcel Proust ou Virginia Woolf. Ensuite, l’expérience imaginative, romanesque. Enfin, Miró attacha la plus grande importance à l’expérience religieuse, en se livrant à de minutieuses descriptions de « vieilles estampes par naïveté, désir naïf, c’es...
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Bible
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Loi
Pardon
Interdit
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NOUVELLES FORMES DU MÉPRIS DE L'HOMME
CHRISTUS N°208
-
Paul Valadier
Les artistes sont souvent les témoins géniaux des phénomènes de société. A regarder les plus créateurs parmi les cinéastes, les metteurs en scène, les romanciers ou les peintres, on découvre souvent avec étonnement leur pénétration pour dénoncer les formes nouvelles du mépris de l'homme. Ainsi, chez l'un d'entre eux, le plus significatif sans doute de cette tendance, le peintre britannique Francis Bacon, découvre-t-on un traitement impitoyable, systématiquement horrible et repoussant, du visage humain. Ses tableaux dépeignent des êtres écrasés, pulvérisés, broyés, certains corps étant aspirés par des bidets de WC comme des déjections repoussantes. Une humanité sans apparence humaine, un peu comme le Serviteur souffrant d'Isaïe ou le Christ de certaines représentations de la fin du XIVe siècle. Horreur rehaussée, si l'on ose dire, par la beauté des couleurs et la sublimité des encadrements qui momifient encore un peu plus ou pétrifient ces loques et ces débris d'hommes.
De tels tableaux bousculent une vision lénifiante et apaisante de notre humanité ; ils nous renvoient une image qui n'est pas sans faire penser aux visages des prisonniers de camps de concentration. Une telle peinture est-elle une dénonciati...
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Tradition
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IMRE KERTÉSZ
CHRISTUS N°208
-
Jeanne-Marie BAUDE
Être sans destin : Imre Kertész, prix Nobel de littérature en2002, né à Budapest en 1929, a donné ce titre à son premier roman, publié à Budapest en 1975 (traduit chez Actes sud en 1998), où il raconte comment il a été déporté à Auschwitz à l'âge de quinze ans. Ce même titre pourrait convenir à l'ensemble de son oeuvre qui, roman après roman, s'est édifiée sur cette absence de destin, sur le vide creusé par les humiliations subies depuis l'expérience initiale d'Auschwitz, et que la dictature hongroise a renouvelées avec une sorte de souci inventif qui n'a en lui rien épargné, hors l'écriture.
Une expérience extrême
Quel droit avons-nous de soumettre à une analyse littéraire une expérience aussi extrême, vécue par autrui et proprement incommunicable ? Aussi bien, il ne saurait s'agir ici de la « soumettre », mais de tenter de remplir de notre mieux le rôle d'un lecteur réceptif à la grandeur d'une oeuvre tout entière élaborée à partir de sa constante mise en doute par l'auteur lui-même. Au processus d'extermination conçu par le nazisme était indissociablement lié un processus d'humiliations multiformes, qui devait mettre à mal chez les sur...
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Humanisme
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LA DÉCOUVERTE DU MONDE INTÉRIEUR
CHRISTUS N°207
-
Yves ROULLIÈRE
On a encore peine à réaliser qu'à leurs débuts les temps modernes se soient avant tout exprimés en espagnol. En effet, alors que l'Espagne venait à peine de recouvrer son intégrité territoriale après sa victoire sur les Maures à Grenade en 1492, elle se retrouva en l'espace de vingt ans à la tête de « l'Empire où le soleil ne se couchait jamais » 1. Deux ans avant son couronnement (1519), Charles-Quint n'a pu que choisir Madrid comme centre névralgique de son royaume, d'autant que la mission évangélisatrice inattendue des terres américaines conférait à l'Espagne un caractère de « peuple élu » dont l'Empereur serait en quelque sorte le « messie ». Si l'on considère l'autonomie de l'individu comme la caractéristique majeure des temps modernes, on peut alors dire que l'Espagne en fut à double titre la première expérimentatrice :
• A travers la découverte de l'Amérique, de nouvelles civilisations et géographies inhabituelles face auxquelles chacun dut faire appel à ses seules ressources, étant à mille lieues de tout point d'ancrage traditionnel : dans le grand isolement où se trouvaient conquistadores, religieux et simples colons, c'est un fait remarquable, même si cela en conduisit beaucoup aux pires e...
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Saint Jean de la Croix
Sainte Thérèse de Lisieux
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LE DOIGT DE DIEU
CHRISTUS N°205
-
Jean-Marie Tézé
Un songe les ayant avertis de ne point retourner chez Hérode, ils prirent une autre route pour rentrer dans leur pays » (Mt 2,12). « Un songe », littéralement : « pendant leur sommeil », nous dirions aujourd'hui : « pendant un rêve ». Les Anciens attribuaient aux rêves une très grande importance. Ils croyaient que les songes les mettaient en rapport avec le monde surnaturel et en communication avec des êtres surhumains, et certains d'entre eux, influencés par l'Orphisme, pensaient que l'âme s'éveille seulement lorsque le corps est endormi. Les songes sont fréquents dans la Bible, particulièrement dans l'Évangile de l'Enfance de l'apôtre Matthieu qui, pour bien marquer leur origine divine, fait intervenir des Anges. Pas toujours, il est vrai, et notamment dans le réveil des Mages.
Cependant, quitte à enfreindre le texte, l'imagier du Moyen Age recourt à la figure de l'Ange afin de visualiser l'avertissement céleste.
L'Ange et les Mages
Sur une miniature du Sacramentaire de Robert de Jumièges, qui date du début du XIe siècle, un Ange plane au-dessus des Mages qui, sous une même couverture, dorment tous les trois. Au chapiteau d'Autun, un Mage se dresse, son bras sort, ses yeux s'ouvrent : il est réveillé. Il ne s'est pas réveillé de lui-même, mais par l...
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UNE HISTOIRE DE LA PRIÈRE
CHRISTUS N°205
-
Jacques Gadille
De ce vingtième siècle si inventif, mais si ensanglanté de guerres et de révolutions sociales, de ce « temps de haine, temps de la douleur, de la douleur infligée par la haine », comme le criait Raïssa Maritain en 1945 1, l'historien doit aussi relever la richesse de sa recherche de Dieu. Il tentera de la saisir sous sa forme à la fois concrète et profonde, celle de la prière.
Le grand orientaliste Louis Massignon (1883-1962) a noté le poids, dès les premières années du siècle, de Léon Bloy, Joris-Karl Huysmans et Charles de Foucauld, « ces hommes de prière et de désir qui ont paru au seuil de cette génération » 2. Claudel pouvait se compter parmi « ce grand nombre de poètes chrétiens que nous voyons fleurir, en ce moment, autour de nous » 3. N'avait-il pas, dès 1909, encouragé la création, autour de dom Michel Caillava, d'une « coopérative de prières », que Massignon s'attachait encore, en 1950, à reconstituer ?
De ces eaux profondes de l'histoire religieuse du siècle écoulé en France, on ne peut, dans ces quelques pages, donner une vue d'ensemble qui pourrait remplir un volume. On se bornera à parcourir des écrits qui ont traité explicitement de la prière, laissant de côté le...
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MENSONGE LITTÉRAIRE ET VÉRITÉ ANGÉLIQUE
CHRISTUS N°204
-
Philippe Barthelet
On connaît l'histoire de cet accusé qui se défendait lui-même devant la cour d'assises, comme le code le permet ; et qui finit par se rasseoir : « Tout ce que je vous ai dit est faux, non parce que c'est faux, mais parce que je vous l'ai dit » Le pire mensonge n'est pas la contre-vérité, anti-critère, banalité pascalienne, mais la vérité faussée, et faussée par cette distance en droit infranchissable entre la bouche de qui l'énonce et l'oreille de qui la perçoit. « Pour m'entendre, il faudrait que vous ayez mes oreilles », et Zarathoustra se décourage autant que l'accusé qui avait cru pouvoir se faire entendre de ses juges.
Gustave Thibon écrit que « les secrets jetés au vent deviennent autant de mensonges » : c'est ainsi que dans les contes les joyaux usurpés deviennent des serpents. Sortir du mensonge, c'est peut-être sortir pour commencer de l'illusion que tout se peut dire à tous, et sans dommage (à la fois pour ce qui est dit et pour ceux qui l'entendent) ; en d'autres termes, et selon la superstition d'un scientisme de méthode ici ravageur, que des auditeurs interchangeables sont les destinataires indifférents de vérités équivalentes. Pour tous et pour personne : le sous-titre nietzschéen trouve ici son sens le plus nihiliste, où et...
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NOTRE-DAME DE LA SAGESSE
CHRISTUS N°203
-
Michel Brière
La Sagesse biblique paraît indissociable d'une assise bien concrète Tributaire d'un savoir-faire aimant la matière, elle déploie ses connaissances à même les cultures. Sa fille préférée, la philosophie, souffre sans doute d'une hypertrophie de la raison, qui la voue à de perpétuels soins provenant d'horizons divers : cultures populaires, religions, médecines parallèles qu'elle tente d'assimiler La suite du Christ nous appelle à emprunter ses chemins et son Chemin
C'est à partir d'une attention studieuse, non seulement à la Parole de Dieu, mais aussi au quotidien de la réalité pastorale de la communauté parisienne dédiée à Notre-Dame de la Sagesse, que l'on balbutiera dans ces lignes une approche chrétienne de la Sagesse.
ESPACE ET PROJETS
La chapelle Notre-Dame de la Sagesse se trouve au centre géographique des tout nouveaux quartiers de Paris qui longent la Seine dans le XIIIe arrondissement. L'aménageur les nomme « Paris Rive-Gauche ». Au centre, la construction du quartier Tolbiac est achevée ; de part et d'autre, celle du quartier Austerlitz est très avancée et celle du quartier Massena bat son plein. Le site Internet les présente ainsi :
« Pour répondre aux besoins des 4.000 habitants, des 15.000 salariés et des 10.000 visiteur...
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L'ART BAROQUE
CHRISTUS N°203
-
Chantal Leroy
Le directeur du palais des Beaux-Arts de Lille, Alain Tapié, a l'art des formules. Lorsqu'il présente l’œuvre de Rubens exposée au musée en ce printemps 2004, il la dit « en compagnie de Jésus » 1. Formule heureuse en sa polysémie, que nous lui empruntons ici. Car si l'auteur en use pour définir l'intimité spirituelle dans laquelle baigne l'iconographie des œuvres du grand peintre baroque, elle lui permet de façon subtile d'en désigner la source : la spiritualité des jésuites avec laquelle Rubens fut en contact depuis son enfance. Or, d'une certaine manière, Tapié l'avait déjà introduite en intitulant une exposition au musée des Beaux-Arts de Caen dont il était alors directeur : « Baroque, vision jésuite, du Tintoret à Rubens » 2.
A la nuance près, et d'importance, qu'elle y cultivait l'équivoque. Apposée au baroque en général, s'applique-t-elle à la période traditionnellement déterminée par l'histoire de l'art (fin du XVIe siècle, jusque vers 1760, un peu plus tard selon les pays) ou au baroque au sens de goût pictural, de répertoires iconographiques, de politique architecturale ? Et puis, la « vision » de qui ? Des artistes du XVIIe siècle ? Des jésuites de l'époque, de leurs...
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L'ART DE L'HYMNE
CHRISTUS N°202
-
Didier Rimaud
Le Père Rimaud nous a quittés le 24 décembre dernier. Il avait confié à un proche : « Je me prépare à aller chanter avec mes amis Jacques Berthier, Christian Villeneuve et Patrice de La Tour du Pin. » Mais l'écho de son chant continue de porter le nôtre, à travers ses compositions dont plusieurs sont aujourd'hui des « classiques » de nos célébrations. Jusqu'au bout, il servit le chant liturgique en mêlant poésie et mystique, et participa à la traduction de tous les rituels issus de la réforme de Vatican IL Nous remercions la revue Catéchèse de nous avoir autorisés à reproduire ici une partie de l'article que Didier Rimaud avait lui-même écrit dans le numéro 167 (février 2002) de cette revue, consacré à « Art et foi : la création comme expérience de foi ».
Comment écrire une hymne ? Y a-t-il un art spécifique d'écrire le texte d'un chant destiné à la prière du peuple chrétien, si telle est bien la définition que l'on peut donner de l'hymne liturgique ? Puisque le texte de l'hymne est un poème, sans doute va-t-il naître comme tout autre poème ? Y aurait-il une spécificité de l'art de l'hymne ? Avec cette question, je suis allé un long moment marcher d...
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SUR L'ARCHITECTURE BAROQUE
CHRISTUS N°201
-
Jean Daniélou
Les pages qui suivent, simples impressions d'un séjour à Vienne, n'ont rien d'un exposé méthodique. Je n'ai fait que recopier, en essayant de les grouper, les réflexions qui m'étaient venues à l'esprit au sortir de la Peterskirche ou du Barockmuseum. Je m'excuse de ce défaut de présentation. Il aura du moins l'avantage de laisser à ces notes le caractère de spontanéité qui est leur unique mérite.
Le terme « baroque » a pris en France un sens péjoratif. Nous nous demanderons tout à l'heure pourquoi. Ce qu'il désigne chez nous justifie d'ailleurs en partie ce mépris. Mais cela ne doit pas nous masquer qu'il en est tout autrement en d'autres pays. Baroque y désigne une grande civilisation catholique, celle qui est issue de la Contre-Réforme et qui va du Concile de Trente à la fin du XVIIIe siècle 1. Elle représente l'effort du catholicisme pour assumer toutes les découvertes de la Renaissance et les emporter dans son élan. L'humanisme chrétien y a trouvé son expression adéquate et magnifique.
Née en Italie, la culture baroque semble d'abord triompher en France au début du XVIIe siècle avec saint François de Sales et les Jésuites 2. Mais le malheur est qu'elle n'y trouvera pas pour s'exprimer un Calderón ou un Tintoret. Les &...
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FIGURES D'ANCIENS DANS L'ICONOGRAPHIE BIBLIQUE
CHRISTUS N°196
-
Chantal Leroy
Juin 2001. L'année universitaire s'achève Un étudiant expose un travail sur le visage à partir de photos prises dans une maison de retraite. Cliché après cliché, les fronts se plissent, les orbites se creusent, les rides s'ordonnent en profonds sillons. Quelle impudence l'a poussé à exhiber ces apparents abîmes quand aujourd'hui tout assure aux visages le droit absolu à la « jeunesse et beauté » ?
Oublierait-il ce clip publicitaire persuasif et récurrent, où un visage féminin de tableau de maître se craquelle sous le vernis vieillissant, tandis qu'une crème miracle lui restitue sa pureté inaugurale ? Et surtout, quelle inconscience ou provocation l'a conduit à cette vision incongrue, « humaine, trop humaine », à l'issue d'un cours sur l'œuvre d'art ? L'art n'est-il pas un lieu d'éternité que l'irruption du temps violente ? Mais l'étudiant s'obstine Et, peu à peu, les visages émaciés, livrés sans défense, libèrent le regard habituel et hâtif. S'introduit une vision nouvelle. Cette vision, que les contemplatifs partagent avec les artistes, restitue l'énigme de la métamorphose des choses, dans l'intuition que beauté et abîme se rejoignent par-delà les poncifs esthétiques et, dans le cas du visage au-d...
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MUSIQUE ET SILENCE
CHRISTUS N°194
-
Vincent Decleire
Quelles sont les frontières entre musique, bruit et silence ? Le langage courant accuse les antagonismes : « Arrête cette musique, j'ai besoin de silence » ; « Ce n'est pas de la musique, c’est du bruit ! » Mais la musique tient du bruit organisé, contient un silence organique. Le champ musical ne serait-il pas plutôt borné par le domaine où l'on ne peut encore rien entendre et celui où rien ne peut plus être entendu ? Aux confins, d'un côté, le bruit à peine perceptible ou distinct : bourdonnements, bruissements, chuchotements, gazouillis, murmures, rumeurs et souffles... A la marge, de l'autre, les bruits assourdissants qui sont à ce point ressentis comme étrangers que, pour les nommer, le français convoque l'italien, le grec, l'arabe ou le néerlandais : boucan, charivari, ramdam ou vacarme. Dans le silence presque absolu d'une chambre anéchoïde 1, on n'entend plus que soi, des battements de son coeur aux autres bruits du corps. Au-delà d'un certain seuil de décibels, « on ne s'entend plus », et, si trop de tapage tambourine contre le tympan, l'audition peine, l'ouïe peut s'altérer. Pour les infra et les ultrasons, parle-t-on de musique ?... Toutes ces limites se montrent tellement liées à l'évolution des cultures ! Aujourd'hui, en Occident, telles musiques contemporaines...
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Musique
Nature
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LA RÉALITÉ DES POÈTES
CHRISTUS N°189
-
Jean-Pierre LEMAIRE
On soupçonne volontiers le poète de vivre dans ses rêves. Mais la figure du poète s'est presque effacée du monde contemporain, et il faut reconnaître que nous vivons tous dans une sorte de rêve, à la fois individuel et collectif, une caverne aux images dont le nombre s'est multiplié et le rythme accéléré depuis Platon. Dans les couloirs et les rames du métro, paradoxalement, c'est un poème qui nous fait parfois sortir de ce défilé ininterrompu de couleurs et de slogans : nous nous arrêtons pour le lire comme devant une fenêtre ouverte sur le dehors, la vie originale, le temps réel. Qu'avons-nous retrouvé entre ces mots, que nous perdrons peut-être, une fois remontés à la surface ?
Rencontre et signe
Puisque les poèmes affichés dans le métro mélangent heureusement les oeuvres d'auteurs français et les traductions d'auteurs étrangers, commençons par un poème italien de Sandro Penna :
FEMME DANS LE TRAM
Tu veux embrasser ton enfant qui ne veut pas :
il aime regarder la vie, dehors.
Alors tu es déçue, mais tu souris :
ce n'est pas l'angoisse de la jalousie
même si déjà il ressemble à l'autre homme
qui pour « regarder la vie, dehors »
t'a laissée ainsi 1...
Ce qui signa...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Corps
Imagination
Incarnation
Réalité
Littérature
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QUELLE SPIRITUALITÉ DANS UN MONDE INDIVIDUALISTE ?
CHRISTUS N°188
-
Eric Fuchs
Nous entendrons ici le terme individualisme dans son sens le plus simple, comme la doctrine qui affirme une primauté de l'individu sur la collectivité. L'individu y est considéré comme la source première des valeurs. « Un monde individualiste » : l'expression désigne la réalité sociale qui privilégie les droits des individus sur les droits collectifs et qui fonde cette conviction sur la reconnaissance de l'autonomie du sujet humain.
Expression par excellence de la modernité, l'individualisme témoigne de façon singulière de l'ambiguïté de celle-ci. L'individu y est défini comme le fondement de toute pratique sociale, ce qui exige qu'il soit débarrassé de toute épaisseur historique : il est au sens propre un « absolu » délié de toute contingence historique, une pure abstraction. Ainsi, l'individualisme, qui exalte la valeur de l'individu concret, travaille en même temps à sa disparition dans l'abstraction d'une définition purement formelle.
On retrouve cette ambivalence dans l'usage du terme.
« Individualisme » signifie que chacun est pris en compte pour lui-même, dans sa particularité, comme une valeur absolue. Aucun individu n'est égal à un autre — ce qui fait sa richesse incomparable. C'est sur cette base que la modernité posera...
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Amour
Art (cinéma, peinture, sculpture)
Evangile
Expérience spirituelle
Justice
Mal
Vérité
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LA CRÉATION SELON L'ANCIEN TESTAMENT
CHRISTUS N°234HS
-
Jacques TRUBLET
Si la création occupe dans l'Ancien Testament une place centrale, à l'instar de l'histoire, c'est surtout en Gn 1-11, Is 45-56, en de nombreux psaumes et en certains passages de Job ou de Proverbes, que le thème acquiert une certaine ampleur. Or, trop souvent, on ramène la création aux seuls récits de Gn 1-3, amputant ainsi sérieusement la richesse du donné biblique. Chaque présentation véhicule des schèmes de pensée différents, et la création ne joue pas le même rôle dans chacun d'eux. C'est donc à partir de l'ensemble des textes qu'on pourra élaborer une théologie de la création. Mais, dans le contexte scientifique de notre époque, une question préalable doit être précisée. En effet, comment s'approprier ces conceptions d'un autre âge sans être en porte-à-faux avec les informations fournies par les scientifiques ? Cerner cette notion de création dans l'Ancien Testament en contrepoint de l'approche scientifique moderne avant d'en saisir la synthèse harmonique, telle sera notre démarche.
CRÉATION ET VISION SCIENTIFIQUE
Qu'entend-on au juste par « création » quand il s'agit de l'Ancien Testament ? Trop souvent, nous projetons sur la Bible des idées qui nous viennent du monde grec ou de la tradition chrétienne tell...
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Action
Art (cinéma, peinture, sculpture)
Bible
Combat spirituel
Création
Dieu
Evénement
Méditation
Parole de Dieu
Psaumes
Sagesse
Science
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QUI A ENVIE D'ÊTRE AIMÉ ?
30 MARS 2011
Cette quadrature du cercle est étonnamment atteinte par un film récent qui n’a pas vraiment eu l’écho qu’il mérite : « Qui a envie d’être aimé ? » Basé sur le livre autobiographique Catholique anonyme de Thierry Bizot et réalisé par sa propre femme, le film se penche sur les deux premiers mois du parcours intérieur d’un homme que rien ne distingue vraiment d’autres parisiens de son âge : Antoine. Heureusement marié, père de deux enfants, un garçon pré-ado de 13 ans et d’une fillette de 6 ans, avocat à succès, le personnage principal entre pourtant dans une quête intérieure. Invité par un professeur de son fils à une série de soirées sur la foi chrétienne, il s’y rend à reculons et n’est d’ailleurs pas vraiment impressionné par ce qu’il entend. Et pourtant sans bien comprendre pourquoi, il y retourne de semaine en semaine…
Pourquoi ce film est une vraie réussite ? Cinématographiquement, sans être en aucune façon génial, il est bien joué et bien enlevé. Le personnage joué par la sœur d’Antoine apporte régulièrement des intermèdes comiques bien venus. On ne s’ennuie pas tout en étant frappé par la justesse d...
SUR LE FILM THE TREE OF LIFE
10 JUIN 2011

Comment expliquer ce paradoxe? Par le long récit familial qui constitue son milieu. Servi par un extraordinaire photographe qui sait rendre le grain de la chair et habiller de couleurs lumineuses le quotidien d’une famille texane, Mallick offre à nos yeux une chronique d’une Amérique ordinaire des années 50. Il choisit - et c’est là tout son pari – de l’enchâsser entre deux moments qui élargissent singulièrement l’espace temps, rien de moins que la création du monde et la résurrection finale !
Ce film est ambitieux, immensément ambitieux, sans doute trop ambitieux. Trop verbeux par instants, mal monté à d’autres, il ne manque pas pourtant de toucher. Et en profondeur. Car, dans ces scènes de la vie d’une famille comme il y en eut d’autres, surgissent des instants de grâce pure. Les acteurs y sont excellents et les plans superbes d’humanité. Outre Job, le film s’ouvre par une voix off qui met en contraste le monde de la nature et celui de la grâce. Entre le père autoritaire mais aimant et la mère douce mais non sans poids, deux garçons grandissent et nous ne connaissons que les pensées intérieures de l’un d’entre eux, le narrateur. Mais qui est la nature et la grâc...
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Affectivité
Art (cinéma, peinture, sculpture)
Catholicisme
Création
Enfant
Expérience spirituelle
Paternité
Résurrection
Cinéma
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LE SENTIMENT ESTHÉTIQUE
CHRISTUS N°231
-
Claude TUDURI

Claude Tuduri s.j.
Artiste multimédia, webmaster du site www.revue-christus.com
Dernier texteparu dans Christus : « Cinq poèmes urbains » (n° 228, octobre 2010).
À la fin de son combat avec l’ange, Jacob boite, mais il a reçu la bénédiction de Dieu. L’artiste est sans doute comme Jacob, un impatient qui veut arracher à Dieu une étincelle de son nom, de sa voix, de son visage. Il lui faut se mesurer à l’ange pour qu’en Dieu naisse la soif de connaître davantage les profondeurs de son humanité, pour qu’entre eux s’instaure l’amitié d’un corps à corps de lutte et de vérité et la grandeur d’un face-à-face dont l’homme ne ressorte pas écrasé. Dans cette perspective, impossible de se contenter d’un « Il » en forme de « On », d’une table de la Loi ; impossible de consentir à une divinité neutre et lointaine qui régirait le monde à la manière d’un grand architecte. Pour l’artiste, Dieu est sensible au coeur ou il n’est pas.
Du fétichisme au sentiment esthétique
Mais qu’est-ce que ce sensible veut dire et serait-il fatalement condamné à l’impatience ? Encore une fois, le langage est piégé, laissant penser à une opposi...
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Affectivité
Art (cinéma, peinture, sculpture)
Discernement
Images
Pardon
Passion
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HABITER LA TERRE
CHRISTUS N°234HS
-
Philippe MAC LEOD
Philippe MAC LEOD Laïc consacré, écrivain, poète, Lourdes. A récemment publié chez Desclée de Brouwer : Petites chroniques d’un chrétien ordinaire (2010), et chez Ad Solem : D’eau et de lumière : Lourdes, une spiritualité de la transparence (2010) et Sens et beauté (2011).
Le monde naturel est perçu la plupart du temps comme le décor de nos drames humains, une sorte de toile de fond, et rarement pour lui-même, c’est-à-dire en reconnaissant ce premier don de Dieu, en le recevant chaque jour, en ressentant combien il est traversé de sa présence, comme s’il portait encore la marque de son doigt, le murmure de son souffle. Il est parfois des évidences criantes à rappeler, des vérités qui éclatent avec une simplicité confondante, mais aussi avec une force inouïe, à la mesure de leur objet : tout l’univers – la matière qui nous entoure, de l’étoile dans le ciel nocturne jusqu’à la pâquerette qui semble lui répondre sur un ciel d’herbe verte –, toute la création nous vient de Dieu. Cela, nous le savons – mais nous ne vivons pas avec. Nous ne regardons pas avec ce savoir-là, nous n’en prenons pas assez conscience. Le visible dans tous les états de la perception, la nat...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Création
Nature
Prière
Résurrection
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HABITER LA NUIT
CHRISTUS N°233
-
François MARXER
François MARXER Centre Sèvres, Paris. Dernier article paru dans Christus : « Thérèse de Lisieux : enfantine ou infantile ? » (n° 217, janvier 2008).
Il y a deux nuits : la nuit et une autre Nuit. L’on aurait plaisir à reconnaître dans la première la nuit romantique, somptueusement enveloppée d’une « ombre tiède et trouble » : l’obscurité y est « translumineuse, dit Roland Barthes, dans l’intérieur noir de l’amour ». Les mystiques, eux – Jean de la Croix en tête –, nous confirment l’autre Nuit où s’éprouve « le froid glacial du vide absolu ». Mais, ajoutent-ils, au-delà de cette nuit, ils ont retrouvé la lumière, « une lumière véritable. La nuit n’est qu’une étape nécessaire et une épreuve. Après elle, la “vraie vie commence” » 1. Leur assurance nous émeut, voire nous bouleverse, mais la commune et pusillanime médiocrité de nos états d’âme, feu roulant de nos fols enthousiasmes ou langueur de nos résignations impossibles, nous laisserait en retrait, comme sur nos gardes. L’expérience de la nuit n’est pas simple, elle est courageuse. La nuit, nous le savons tous, est disparition de la lumière...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Epreuve
Exercices spirituels
Foi
Parole d’homme
Connaissance
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REPRÉSENTATIONS DE L’AU-DELÀ DANS LA LITTÉRATURE
CHRISTUS N°235
-
Jeanne-Marie BAUDE
«Est-il vrai que l’au-delà, tout l’au-delà, soit dans cette vie ? » Cette question, c’est André Breton qui la pose en 1928 dans Nadja, Breton, le pape du surréalisme, si farouchement hostile à l’idée de Dieu en général et au christianisme en particulier. Son interrogation, qui l’amènera à s’intéresser à l’ésotérisme, porte moins sur l’existence d’un au-delà que sur sa localisation, et sur la présence, ici même, d’un ailleurs. La littérature tente selon ses propres modes l’approche des grands problèmes métaphysiques, en faisant appel aux richesses de l’imagination, et en proposant des images et des figurations, que l’on peut considérer comme autant de tentatives d’investigation du mystère. Le langage poétique excelle à suggérer un au-delà des mots, à faire pressentir, au sein de la réalité, la présence d’une réalité différente. La création romanesque, quant à elle, confère épaisseur et vraisemblance à des univers possibles, qui jouent en quelque sorte le rôle de champs d’expérimentation. Il s’avère que les œuvres de fiction sont actuellement, plus que jamais, susceptibles d&rs...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Imagination
Livres
Littérature
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MYSTÈRES LUMINEUX
CHRISTUS N°235
-
Jean-Pierre LEMAIRE
Dans la récitation du Rosaire, les Mystères lumineux, introduits par Jean-Paul II , s’intercalent entre les Mystères joyeux et les Mystères douloureux. Jean-Paul II les présente ainsi dans sa lettre apostolique Rosarium virginis Mariae (« Le Rosaire de la Vierge Marie ») publiée en octobre 2002 :
« Passant de l’enfance de Jésus et de la vie à Nazareth à sa vie publique, nous sommes amenés à contempler ces mystères que l’on peut appeler, à un titre spécial, “mystères de lumière”. En réalité, c’est tout le mystère du Christ qui est lumière. Il est la “lumière du monde” (Jn 8,12). Mais cette dimension est particulièrement visible durant les années de sa vie publique, lorsqu’il annonce l’Évangile du Royaume. Si l’on veut indiquer à la communauté chrétienne cinq moments significatifs – mystères “lumineux” – de cette période de la vie du Christ, il me semble que l’on peut les mettre ainsi en évidence :
1. Au moment de son baptême au Jourdain
2. Dans son autorévélation aux noces de Cana
3. Dans l’annonce du Royaume de Dieu avec l’invitation à la conversion
4. Dans sa Transfiguration
5. Dans l’institution de l&rs...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Foi
Grâce
Louange
Marie
Méditation
Parole d’homme
Résurrection
Littérature
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HOMMAGE À JEAN-MARIE TÉZÉ
04 SEPTEMBRE 2012
-
Philippe Charru

Une amie de Jean-Marie Tézé s’est surprise un jour à lui demander au détour d’une conversation :
- Et la mort dans tout cela ?
Après un silence ému m’a-t-elle dit, il lui a répondu :
- J’ai peur d’être submergé par trop de beauté…
et il ajouta :
- On est si mal préparé pour cela !
Pourtant la quête qui fut la sienne fut jalonnée par la rencontre, tour à tour émerveillée et douloureuse, de ce qu’il appelait « l’excès du sensible ».
Rencontre émerveillée, qu’on pouvait surprendre sur son visage, lorsque résonnait en lui une forme ou une couleur, un instant musical ou un texte poétique. L’émotion le saisissait alors et pouvait mettre son corps tout entier en mouvement. La « sensation pure » éprouvée, était pour lui naissance du rythme, ample respiration, élargissement intérieur. Il aimait dire que la beauté est océanique. Impossible à circonscrire, elle nous révèle notre capacité d’accueillir en nous, plus grand que nous.
Rencontre émerveillée, mais rencontre douloureuse aussi, à raison même de cet ébranlement de tout l’être, quand surv...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Catholicisme
Compagnie de Jésus
Création
Expérience spirituelle
Gloire
Images
Spiritualité ignatienne
Vocation
Lumière
au-delà
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LES NOCES DE FIGARO À L'OPÉRA BASTILLE
12 DÉCEMBRE 2012
-
Natalie HÉRON
Le désir amoureux donne à Chérubin qui le découvre, l'audace de chanter devant sa marraine, ce qu'il a d'exubérant et d'impérieux : "Non so più cosa son, cosa faccio","Voi, che sapete che cosa é amor" (actes I et II). Le comte, poursuivant Suzanne de ses assiduités, et Marceline, prétendant contraindre Figaro à l'épouser, cherchent à empêcher, ou du moins à retarder, le mariage de Figaro et de Suzanne. Tous ces obstacles tomberont avec autant de facétie que dans les scènes de reconnaissance des comédies de Molière, offrant en un dernier coup de théâtre à Figaro les parents et l'argent qui lui manquaient. Une note plus grave vient de l'amour blessé de la comtesse, délaissée par un mari inconstant autant que jaloux, et sa plainte "Porgi, amor, qualche ristoro" (acte II) trouve des accents universels qui touchent profondément. Cette femme trahie et cet homme volage ne sont pas sans évoquer ceux du Don Giovanni. Mais le Comte inquiète moins que le "grand seigneur méchant homme" de Molière ; berné par Figaro, Suzanne et la comtesse, il ne cesse de jurer qu'il se vengera, sans toutefois parvenir à ses fins. Et si dona Elvire poursuit sans trêve don Juan pour le punir,...
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Musique
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CHEMINS VERS LA SOIF
18 FÉVRIER 2013
-
Gaël Giraud
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Art (cinéma, peinture, sculpture)
Saint Ignace de Loyola
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LES REPAS AU CINÉMA.
CHRISTUS N°238
-
Natalie HÉRON
L’acte de se nourrir, essentiel dans la vie, tient aussi une grande place au cinéma qui « imite » la vie ; et de nombreuses scènes de repas, clichés ou morceaux de bravoure, nous viennent spontanément à l’esprit. Dans ces scènes, le rapport des personnages à la nourriture révèle toujours plus que ce qui est montré, donnant au spectateur le plaisir de l’imaginer. Car se nourrir, ce n’est pas seulement satisfaire un besoin élémentaire, c’est le lieu premier du désir, qui humanise notre relation à la nourriture et donne le goût de la vie. C’est sous cet angle que nous essayerons de regarder quelques scènes qui disent quelque chose de cet acte vital, de la manière dont l’apprentissage de règles y éduque à un vivre-ensemble, et comment celui-ci est toujours menacé, pour montrer enfin que le repas a toujours à voir avec le don.
Manger, un acte vital et humain
Dans Los Olvidados de Buñuel (1950), l’action se situe dans la banlieue pauvre de Mexico, où la nourriture manque et les enfants sont livrés à eux-mêmes. Au marché, un gamin venu de la campagne attend, en vain, le retour de son père, qui l’a peut-être abandonné, suggère l’aveugle : il y a trop de bouches à nourrir. La m...
PRÉSENCE - CLAUDE LÉVÊQUE À L'ABBAYE DE SAINT GUILHEM-LE-DÉSERT.
09 JUILLET 2013
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Nathalie Le Gac

"Dans ce mariage, plutôt réussi, les œuvres inédites et parfois éphémères ouvrent un espace de contemplation, et sont ainsi rendues plus accessibles, loin du contexte urbain bavard et saturé et hors réseau des galeries d’art plus élitistes." nous précise Sr Nathalie Le Gac, du Carmel Saint Joseph, résidente de l'Abbaye de Saint Guilhem-le-désert.
Voici par ailleurs quelques extraits de son appréciation de cette installation contemporaine en plein coeur de son lieu de vie.
« Nous accueillons un artiste célèbre – précédé par sa réputation de « dérangeur » de lieu. La première impression n’est donc pas très positive par peur d’un art qui pourrait être irrespectueux de ce qui se vit, encore aujourd’hui, à travers la présence de la communauté des huit sœurs du Carmel Saint Joseph (…). Bref, il faut du courage pour ouvrir sa porte à celui qui est différent et qui ne pense pas comme nous, pour se risquer au prisme de son regard. Quelle image va-t-il renvoyer de nous-mêmes ? (…) Certes une certaine méfiance peut nous habiter, mais nous attendons aussi beaucoup de lui ; saura-t-il nous insuffler ce « je-ne-sais-quoi » prophétique q...
BILL VIOLA OU LA VIDÉO COMME EXERCICE SPIRITUEL
02 MAI 2014

Une rétrospective des œuvres de Bill Viola (installations monumentales, tableaux en mouvements) est proposée au Grand Palais jusqu'au 21 juillet. Cet artiste, l'un des vidéastes les plus créatifs de ces dernières décennies, parle de mystique, de contemplation, d'exercice spirituel. Il n'en parle pas avec un discours théologique cohérent articulé à une tradition religieuse bien identifiable, mais il en parle à la façon d'un artiste, avec des images, des constructions symboliques, des mises en scène et des métaphores.
Le parcours proposé engage le spectateur dans une attitude d'étonnement, de liberté et de paix qui déplace le rapport à l'oeuvre d'art : celle-ci requiert du visiteur un réel engagement de patience et d'abandon, d'écoute et d'interprétation. Même le régal des belles images offertes en partage au passant devenu « contempleur » apparaît comme une nécessité presque accessoire et secondaire dans cette exposition. L'impression d'être transporté ailleurs vient paradoxalement d'une perception renouvelée de ce que le présent contient de plus simple et de plus banal : des hommes et des femmes qui marchent dans une rue ou une forêt, les différentes étapes de la journée d'une femme seule...
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LA QUÊTE D'ANNA
15 MAI 2014

L'une, Anna, est une toute jeune soeur sur le point de prononcer ses voeux définitifs à qui la mère supérieure demande d'aller rencontrer auparavant sa tante, la seule personne qui lui reste de sa famille.
On pense à Viridiana. L'autre, cette tante, une procureure qu'on a surnommée "Wanda la rouge", est une femme mûre, enocre belle mais meurtrie et désabusée, portée sur l'alcool. D'abord réticente devant l'arrivée inopinée de sa nièce, à qui elle apprend qu'en réalité elle est juive et qu'elle s'appelle Ida, Wanda va partir avec elle à la recherche de la tombe de ses parents.
Les voici sur la route, dans des lieux désolés et magnifiques, sous la neige. La blancheur de la neige recouvre le couvent d'Ida qui traverse le gris de la ville et de la campagne pour trouver l'obscurité de la forêt. Loin d'être un artifice, ce choix du noir et blanc sert aussi la quête de la vérité qu'accompagne la découverte du mal, de la complexité des êtres et de l'Histoire, quête où Anna risque de "perdre" le Dieu qu'elle connaît. Un jeune homme qui joue du Coltrane donne une autre direction à cette quête initiatique. Le petit visage pointu d'Ida, offert à la caméra, reste im...
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Affectivité
Amour
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Catholicisme
Famille
Judaïsme
Vie religieuse
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UN CLOWN POUR L'EVANGILE, CRACOTTE
15 MAI 2014

"L'habit ne fait pas le moine, dit-on. Il en va de même du clown. Il ne suffit pas de chausser le nez rouge, de mettre un chapeau et de se déguiser pour être un clown. C'est au fil de stages plus ou moins longs et d'ateliers réguliers que j'ai appris à faire confiance à l'imprévu, à laisser s'exprimer le ressenti, à oser jouer dans tous les registres. Je pratique le « clown-théâtre » basé sur l'expression du vécu intérieur, des émotions et de l'imaginaire, dans l'instant. Cela demande d'habiter son corps en étant davantage dans ses pieds que dans sa tête, mais je ne pratique ni acrobatie ni jonglage comme les clowns de cirque.
Les enfants disent souvent que le clown fait n'importe quoi, loin s'en faut. Ce qui leur donne cette impression, c'est que le clown (en général adulte) s'autorise à transgresser les règles et interdits que leurs parents tentent de leur inculquer. Le clown apprend à être libre face aux conventions sociales habituelles. Parce qu'il est clown, il a le droit de retrouver la spontanéité, la naïveté et l'émerveillement de l'enfant. « Si vous ne redevenez comme de petits enfants... » (Matthieu 18, 3). Mais derrière le clown, l’acteur garde sa conscience d'adulte qui lui permet de respecter des règles de bas...
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Affectivité
Art (cinéma, peinture, sculpture)
Evangile
Expérience spirituelle
Joie
Connaissance
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LA SIMPLICITÉ DU REGARD
08 SEPTEMBRE 2014

« Bonheur, en effet, que cette tache claire et souple, que ce bleu tendre, innocent et sans ombre, qui s'échappe de la violence des rouges ! Nappe diaphane et nacrée, traversée d'infimes transitions, irriguée par des filets blancs, bruns ou bleu foncé, contrastée par un jaune et le teint ténu d'un visage. C'est un des points les plus sensibles du tableau, qui attire infailliblement le regard, à l'égal du chapeau irisé quoique d'une autre manière, moins par l'incandescence de ses couleurs que par leur transparence, comme celle d'une eau douce, apaisante et bénéfique. Cette transparence provient de l'emploi de pâtes translucides et superposées où la lumière pénètre, joue, s'irise avant de se réfléchir. Pictura lucida, peinture translucide, disait-on jadis pour dénommer la nouvelle technique
de l'huile qu'avait adoptée les peintres de l'Ecole du Nord. Mais Jérôme Bosch ne s'applique pas autant que les Primitifs flamands à rendre la matière des substances – l'étoffe d'une coiffe par exemple. Sa touche plus libre, plus rapide, plus fluente annonce déjà celle de Bruegel et de Rubens. Et sa facture moins dure, plus aqueuse, nous a laissé souvent des morceaux de peinture comme celui-ci, qui sont de véritables bains de jouvence o&ugrav...