« Est-il possible de se réconcilier avec ses proches alors qu'ils sont déjà morts ? », s'interroge Marie-Camille Carton de Wiart. Son père est décédé depuis quelques années et la persistance d'un ressentiment envers lui, dont elle n'identifie pas la cause, la pousse à écrire une série de lettres, espérant ainsi se réconcilier avec lui. De ce travail, plus que le résultat heureux, ce sont les étapes qui font la force, témoignant au lecteur qu'un tel pardon est possible, avec la manière dont il avance.

Elle entreprend de raconter la vie de ce père, dessinant lettre après lettre un portrait tout en nuances. Elle découvre sa grande épreuve, humilié par une faillite, devant repartir à zéro avec toute sa famille. Elle le revoit ici rayonnant au milieu de ses ouvriers, là réprouvé par sa femme lorsqu'il est encore « au café ». Et il y a l'annonce brutale de la mort du frère aîné de l'autrice, qui avait dix ans. La cause de son ressentiment n'apparaît pourtant toujours pas, même si une parole de son père la retient : « Je voudrais passer le reste de mes jours à faire le bien, pour réparer tout le mal que j'ai fait. » C'est une demande de pardon. Mais de quoi ?

La révélation viendra de sa mère : alors que l'écriture avance, elle l'appelle pour lui demander pardon. En lisant un livre de sa fille, elle a découvert sa souffrance d'enfant au décès de son grand frère. Et elle comprend que cette souffrance tient au fait qu'elle n'avait rien dit de la maladie de ce frère, sa mort venant alors par surprise, provoquant un grave traumatisme. Pour l'autrice, c'est son père qui a inspiré sa mère car c'est le silence de son père qui l'avait davantage blessée. Et elle peut enfin lui pardonner. Elle en tire un enseignement que nous pouvons recevoir : « La vérité des faits doit être dite aux enfants lorsqu'il s'agit d'événements qui les concernent. » Des réflexions complètent ce récit, inspirées notamment par l'article « Jésus Christ, l'homme sans ressentiment » de Marguerite Léna publié dans Christus en 2007.