Couper les ponts : le titre du recueil de contes que Christophe Langlois vient de publier (L'Arbre vengeur, 2024, 200 p., 17,50 €) aurait pu aussi bien convenir au présent recueil de poèmes. Ses deux précédents recueils – L'amour des longs détours (Gallimard, 2014) et Seconde innocence (Gallimard, 2019) – nous faisaient parcourir sa carte du Tendre, les chemins escarpés de ses inclinations, les difficiles accès à l'estime de soi, les virages menant à la reconnaissance de Dieu… Tournait-il trop en rond ? Quoi qu'il en soit, la vie s'est chargée de le faire passer à une autre échelle : non plus se porter lui-même mais porter le monde qu'il explore ici en tous sens (Espagne, États-Unis, Israël, Italie, Lituanie, Turquie, etc.). Loin de le disperser, ces pérégrinations lui font gagner en gravité, en puissance poétique, en inventivité stylistique pour s'adapter à ces nouveaux mondes : « Je me retourne et c'est Rome / je n'ignore pas au nom de quelles parts incomblées / ces balustres, ces hypogées me font un devoir de crier… »
Certes, bien des ponts ont été coupés mais, sous nos yeux, le poète en jette une multitude sur des réalités jusqu'alors inaperçues avec une telle intensité. Insensiblement, le vécu à l'étranger a reflué sur le vécu au pays. Ainsi dans cette vision de Notre-Dame de Paris en flammes, où tout passé, tout présent et tout avenir, toute joie, tout désarroi et toute foi soudain cristallisent : « Et maintenant je n'ai plus personne à qui dire : / je me suis trompé ! Je ne vaux / pas un clou, mes pieds se tordent dans les trous, mon cœur pend / parce que la seule qui pouvait m'entendre / et m'écoutait sans se lasser du haut de sa nuit / qui conférait beauté à toutes les nuits du monde / avec sa flèche qui doublait celle / lisérée noir corbeau de la Sainte Chapelle / la seule qui savait d'un grand et cher savoir / consoler comme une grand-mère / au milieu des petits-enfants plongés dans leur portable / la seule qui savait dire : “Écoute : quoi qu'il arrive / le fil cassé détendu et floche / de ta vie restera / tissé à mon corps de chaleur et à mon Fils infini…” »