La postérité spirituelle de saint François de Sales (1567-1622) est très riche. Parmi les nombreux courants qui s'y rattachent, une « société de laïques », les Filles de saint François de Sales, fondée en 1872 sous les auspices de l'humilité, de la charité et de l'apostolat, et sa branche missionnaire, les Salésiennes missionnaires de Marie immaculée. La vie de la fondatrice, Madame Caroline de Malberg (1829-1891), telle qu'elle est présentée dans ce livre d'une manière toute chronologique, montre admirablement comment la sensibilité spirituelle du XIXe siècle s'immisce dans les failles d'une vie meurtrie par les bouleversements tant familiaux (perte de ses quatre enfants, brutalité de son mari) que sociaux, politiques et militaires (Révolution de 1848, Seconde République, Second Empire, désastre de 1870, Troisième République de plus en plus anticléricale). Transparaît dans cette biographie l'esprit religieux de cette époque qui allie l'offrande de soi, une piété tournée vers le cœur aimant de Jésus dans une teinte doloriste, l'attention aux pauvres et les conversations spirituelles. Ne sont pas cachés l'abandon, le renoncement à soi-même assumé par le « devoir d'état », l'abnégation de la volonté propre et même « la valeur rédemptrice de la souffrance ». Dans un temps encore pétri de cléricalisme exacerbé (le dirigisme de son confesseur et cofondateur de l'œuvre, l'abbé Henri Chaumont [1838-1896], est bien mis en lumière), celle qui fut déclarée « vénérable » en 2014 y montre une personnalité capable d'assumer pleinement sa responsabilité apostolique de baptisée « auxiliaire des prêtres » (on ne parlait pas encore du « sacerdoce commun des fidèles ») et d'y entraîner les femmes de son temps.