JÉSUS OU L'INFINI RESPECT DE DIEU
CHRISTUS N°250
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Roselyne DUPONT-ROC
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu… » ! L’exhortation domine le don de la Loi dans le Deutéronome et résonne tout au long de la tradition juive. La foi chrétienne lui répond dans la première lettre de Jean : « Dieu est amour », en écho au commandement nouveau de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ». Vertu théologale, la première, l’amour nous fascine ; nous avons répété, un peu perplexes, le commandement de l’amour : « Aimez vos ennemis »[1]. Mais qui saura le vivre ? Peut-être faut-il d’abord tenter de l’aborder autrement, sous un aspect plus modeste, plus audible certainement pour nos contemporains. La notion de respect ici proposée retient toute l’attention du lecteur de la Bible.
La crainte de Dieu
Y a-t-il des mots dans la Bible pour exprimer le respect, comme relation entre les hommes et Dieu, mais aussi comme relation des hommes entre eux ? Ce n’est pas évident, et l’expression qui éclairerait peut-être le plus notre recherche pourrait bien être celle de la « crainte de Dieu »[2]. Elle court de l’un à l’autre Testament, dans une certaine ambivalence,...
DE LA VILLE DÉCHUE À LA JÉRUSALEM CÉLESTE
CHRISTUS N°254
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Roselyne DUPONT-ROC
Quelle place la ville occupe-t-elle donc dans l'immense construction littéraire que représente la Bible ? Quelle place occupe-t-elle dans le dessein de Dieu tel que les hommes le comprennent et l'accueillent ?
La Bible s'ouvre sur l'expulsion du couple humain hors du jardin de l'Éden, pour travailler le sol et en tirer sa subsistance. Alors que le projet de Dieu est un monde de douceur pour ceux qu'il veut à son image et à sa ressemblance, la fracture qu'introduisent le soupçon et le mensonge révèle une humanité qui peine à la tâche et doit s'adapter : les hommes adoptent différents modes de vie et évoluent très vite vers la construction de villes. Caïn, le premier, bâtit une ville qui prend le nom de son fils Hénok, un nom qui évoque la dédicace d'une ville ou d'un monument : l'humanité ne se conçoit guère sans le travail des bâtisseurs.
Pourtant, quelques chapitres plus loin, les hommes échoueront dans leur tentative de construire la ville de Babel : Dieu les disperse sur toute la surface de la terre ! Et, si l'histoire biblique reste fascinée et comme focalisée sur Jérusalem, la ville où Dieu vient habiter au milieu de son peuple, la capitale sera plusieurs fois détruite, et finalement rasée, au point que l'espérance juive se traduira...
CONSENTIR A LA PERTE ACCUEILLIR LE DON
CHRISTUS N°271
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Roselyne DUPONT-ROC

Le sentiment de la perte est-il profondément attaché au cœur humain ? Comment vivre les manques en gardant foi en un Dieu qui, de toujours à toujours, donne, bénit et maintient sa présence ? L'auteur interroge ici Marie Madeleine et l'apôtre Paul qui ont tous deux traversé l'épreuve.Les premiers chapitres de la Genèse sont lourds de considérations anthropologiques qu'il faut décrypter lentement. D'une certaine façon, et selon le principe même de l'écriture mythique, il faut remonter le fil du récit de la fin vers le commencement, non pas vers l'origine mais vers la source qui est la bénédiction divine irriguant toute vie.Lorsque Adam et Ève sortent de l'Éden et entrent dans la vie quotidienne qui est celle de l'humanité, le lecteur a le sentiment qu'ils ont beaucoup perdu. Ou qu'ils éprouvent leur quotidien comme le résultat d'un échec et d'une lourde perte. Perte de ce qui leur était promis, perte de ce qui est à la source le projet de Dieu, « faire l'homme et la femme à son image et ressemblance » (Gn 1, 26-27). Le projet divin est vie et bénédiction ; et les humains, aujourd'hui comme hier, reçoivent ce don premier et dernier qu'ils sont en charge de mettre en œuvre, de faire fructifier.Mais ils le vivent d'embl&ea...
AU COMMENCEMENT, DES CHRÉTIENS "EUCHARISTIQUES"
CHRISTUS N°272
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Roselyne DUPONT-ROC

Revenir à l'Écriture, pourquoi ? Non pour aller chercher un modèle « prêt à porter » de la célébration, mais pour retrouver le dynamisme qui a animé les premières communautés chrétiennes qui ont dû inventer la façon de faire mémoire du Seigneur, mort et ressuscité, désormais présent sous le mode de l'absence…
Nous ne nous en étonnons pas assez ! Nulle part dans le Nouveau Testament, un repas du Seigneur célébré par des chrétiens n'est décrit de façon précise. L'ordre de Jésus « Faites ceci en mémoire de moi » n'est rappelé que par Paul (1 Co 11, 25) et Luc (Lc 22, 19). Les premiers écrits chrétiens sont les lettres de Paul (de 49 à 58), et jamais Paul n'invite lui-même les nouveaux croyants à partager le repas « dominical ». Pourtant, tout se passe comme si c'était un donné, une évidence constitutive de la vie d'une communauté chrétienne. Tout concourt à montrer que d'emblée les chrétiens se sont rassemblés : ils formaient une ekklèsia, un mot qui désigne la convocation et l'assemblée des hommes libres dans la cité grecque, et leur réunion consistait en prières, récits et repas, parole et nourriture (Ac 2, 42). Le Nouveau Testament est étonnamment discret sur la question. Au-delà des échos du dernier repas de Jésus dans les trois évangiles synoptiques, nous avons la catéchèse eucharistique d'Emmaüs (Lc 24, 13-35) et l'expression « rompre le pain » qui apparaît alors revient quatre fois dans les Actes des Apôtres (Ac 2, 42 ; 2, 46 ; 20, 11 ; 27, 35). Les deux derniers réci...
UNE GRÂCE SOUS CONDITION
CHRISTUS N°277
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Roselyne DUPONT-ROC

Le pardon sans limite de Dieu dépend-il de notre capacité à pardonner ? N'est-ce pas ce que la formule « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés » laisse entendre ? Ce commentaire du Notre Père lève la suspicion d'un pardon qui serait accordé sous condition.
Les Écritures poussent souvent à penser à partir d'un paradoxe. Jésus mourant en croix s'écrie : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font » (Lc 23, 34). Une demande si inadmissible humainement que les plus anciens manuscrits l'omettent. Elle montre cependant que le pardon est remis entre les mains du Père : Dieu seul peut pardonner l'impardonnable, Dieu seul est maître du pardon.
Pourtant, le Nouveau Testament résonne d'appels répétés au pardon entre êtres humains ; et, à plusieurs reprises, les évangiles synoptiques semblent même subordonner le pardon de Dieu à la démarche humaine de pardon aux ennemis : « Quand vous êtes debout en prière, si vous avez quelque chose contre quelqu'un, pardonnez pour que votre Père qui est aux cieux vous pardonne aussi vos fautes » (Mc 11, 25). Une condition terrible, certainement ressentie comme trop grande, si bien qu'à nouveau plusieurs manuscrits suppriment le verset suivant : « Mais si vous ne pardonnez pas, votre Père céleste ne vous pardonnera pas non plus vos fautes » (Mc 11, 26).
Comment ne pas rappeler alors que, depuis près de deux mille ans, les chrétiens récitent, comme l'expression première de leur foi commune, l...