COMMENT LA BIBLE EST DEVENUE SACRÉE
CHRISTUS N°267
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Patrick POUCHELLE
Traduit de l'anglais (États-Unis) par John E. Jackson, avant-propos de Thomas Römer, Labor et Fides, « Le monde de la Bible », 2018, 424 p., 29 €.Le livre de Michael Satlow est d'une rare ambition. Il couvre plus de mille ans, depuis l'émergence du royaume du Nord, Israël, jusqu'à la mise en place du judaïsme rabbinique. Il traite de l'histoire des textes de la Bible, c'est-à-dire comment ils ont été formés, et de leur réception. De manière systématique, l'auteur inclut également le Nouveau Testament comme témoin d'un judaïsme spécifique.La question qui anime l'auteur est de déterminer quand et comment la Bible a acquis son autorité. Cela montre à l'évidence que, premièrement, la Bible ne fut pas écrite en un jour et que son autorité n'allait pas de soi. En particulier, l'auteur y voit un exercice scribal décrivant une société utopique tout entière tournée vers son Dieu. L'auteur établit que ces textes ne furent jamais vraiment appliqués et restèrent longtemps confinés dans le temple de Jérusalem, destinés à une élite.Ce n'est qu'à partir de l'époque hellénistique qu'ils en sortirent. Ils sont alors médités par un public plus large, notamment grâce...
"CONSOLEZ, CONSOLEZ MON PEUPLE"
CHRISTUS N°275
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Patrick POUCHELLE

La succession des livres de l'Ancien Testament montre comment le peuple, au fil de ses traumas traversés, a pu découvrir un Dieu fidèle et présent, qui pardonne et brise la violence. Il n'assure pas la réussite, mais fait viser un idéal de douceur.
Il semble curieux d'associer douceur et douleur. Nous aimerions un Dieu « doudou », nous faisant oublier nos maux et nos angoisses, en un mot nos traumatismes. Pourtant trauma et douceur sont bien liés. Depuis peu, l'exégèse étudie le rapport de la Bible avec le trauma1. Bien sûr, l'humanité a vécu des expériences traumatiques depuis déjà bien trop longtemps. Ce n'est pourtant que depuis la Seconde Guerre mondiale que se sont développés des outils pour mieux analyser ce phénomène. On distingue notamment le « traumatisme », comme événement extérieur, du « trauma » pour désigner l'effet intérieur et psychosomatique induit. L'ouverture de ce champ de recherche m'apparaît fertile, non pas au titre d'une énième « méthode » d'analyse, mais en tant que possibilité pour les victimes, les opprimés et les abusés de se réapproprier la Bible. La Bible est une littérature de trauma, un moyen pour les victimes d'exprimer l'impensable. La douceur, que je définirai simplement comme l'opposé de la violence, ne me paraît pensable que dans ce cadre, pour éviter tout angélisme. Il faut regarder en face l'histoire du peuple d'Israël : elle s'accompagne d'indicibles traumatismes.
Cette histoire commence aux environs du XIIe siècle avant notre ère, d...