Nicolle CARRÉ

DU RÊVE À LA RÉALITÉ
CHRISTUS N°228
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Nicolle CARRÉ
Que feriez-vous si vous saviez que vous devez mourir bientôt ? Donnez-vous un moment pour laisser venir ce qui est en vous et y penser. Cette question nous oblige à considérer notre vie. Le désir de se réconcilier Pour un grand nombre de personnes, quand la mort se fait proche se manifestent le désir de vivre plus à fond, le besoin d’un essentiel, une soif de réconciliation… avec soi-même, avec les autres et, pour certains, avec Dieu. Quand tout, absolument tout, nous quitte, nous apprenons enfin que nous ne sommes rien par nous-même et que la relation constitue notre être profond. Ce à quoi l’on a manqué envers l’autre, ce qu’on lui a fait comme ce qu’il nous a fait vient au premier plan. Nous savons des gens qui n’en finissent pas de mourir parce qu’ils attendent un enfant, un père. Au moment de la séparation inéluctable, leur être aspire à ce que les liens fondamentaux soient rétablis. Souvent, cela passe par le besoin de dire. Une jeune femme qui pressentait que son cancer métastasé lui laissait peu de temps disait : « Je veux, avant de mourir, avoir trouvé ce que c’est que vivre. » Dire lui devenait une nécessité. « J’ai fait pleurer ma mère, mais je ne peux pas m’empêcher de lui dire. Il...
Mots clés : Espérance Haine Mal Mensonge Pédagogie Réalité Réconciliation (confession) Temps
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« S’IL ME MANQUE L’AMOUR, JE NE SUIS RIEN »
CHRISTUS N°213
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Nicolle CARRÉ
Et s’il me manque d’aimer ou d’être aimé ? La différence entre les deux est-elle si grande ? S’il me manque de sentir l’amour pour quelqu’un, si mon coeur est sec, replié sur lui-même, je ne suis rien, car je suis absent au monde et le monde est absent pour moi. S’il me manque de me sentir aimé, je ne suis rien, car je suis seul au monde. Personne ne peut vivre par lui-même et pour lui-même. Personne ne se réduit à lui-même, celui qui est marié comme celui qui ne l’est pas, selon les circonstances de sa vie ou pour son Dieu. Personne n’existe sans les autres. Sans le désir, sans l’attirance, sortirais-je de moi-même ? Sans le désir, je serais mort. Le désir est la vie qui s’ouvre. Dieu lui-même est désir. Seul, je suis incomplet — mais ne suis-je rien ? « Suis-je donc un monstre pour qu’aucun homme ne m’ait jamais dit qu’il m’aime ? », disait avec douleur une femme d’une quarantaine d’années, qui savait combien elle plaisait mais à qui cela ne suffisait pas. Elle désirait être vraiment quelqu’un pour quelqu’un. L’amour dit : « Tu es quelqu’un. » Il ne le dit pas, il le vit. C’est pourquoi il est émerveillement. Ce qu’il touche devient unique. Quand il touc...
Mots clés : Amour Esprit Expérience spirituelle Psychologie Connaissance
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QUAND LES FORCES S'EN VONT
CHRISTUS N°196
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Nicolle CARRÉ
Si l'on vous demandait de compléter cette phrase : « Quand les forces s'en vont... », que diriez-vous, qu'écririez-vous ? Les images, les mots qui nous viennent à l'esprit ne sont pas les mêmes selon le lieu en nous qui entend la question. S'agit-il de moi, s'agit-il d'un autre ? Cet autre qui perd ses forces, qui est-il pour nous ? A quoi nous renvoie-t-il ? Colloques et débats sur les malades et les personnes âgées sont organisés, mais ceux qui sont concernés y ont rarement la parole, même s'ils en ont la force. Chacun reste ainsi dans son monde. A vrai dire, nous ne voulons pas voir que ceux dont les forces s'en vont sont le miroir de notre avenir ; cela nous est insupportable. Les accompagner peut être ainsi un moyen de mieux les gérer et maîtriser. Mais cela n'est qu'illusion. Infantilisés, démis d'eux-mêmes, ceux que nous voulons soumettre, en prétendant savoir ce qui leur est bon, deviennent une charge de plus en plus lourde. Nous oublions qu'il s'agit de bien plus que de réguler un groupe ou de le prendre en charge : il s'agit d'un « vivre ensemble ». Le sociologue Patrick Baudry écrit : « Il n'est pas de malade qui accepte de se laisser réduire par la technicité médicale et la condescendance relationnelle. Une part demeure toujours insoumise à ces procédures de recouvreme...
Mots clés : Images Louange Mourir Pardon Parole d’homme Psychologie Souffrance Vieillir
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DE LA PAUVRETÉ DES AUTRES À NOS PAUVRETÉS INTÉRIEURES
CHRISTUS N°234
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Nicolle CARRÉ
Nicolle Carré Psychanalyste, Paris. A publié chez L’Atelier : Préparer sa mort (2001) et Vivre avec une personne malade : des conseils pour la famille, les soignants, les accompagnateurs (avec H. Paris, 2007), et chez Albin Michel : Lune de miel amer (avec O. Carré, 2005). Dernier article paru dans Christus : « Du rêve à la réalité : se réconcilier, un apprentissage » (n°228, octobre 2010).   Face au problème du chômage, on entend assez facilement dire : « Pour les courageux, il y a toujours du travail. S’ils le voulaient, ils pourraient travailler… » Quand la maladie est là, on se demande : « Ne s’est-il pas fabriqué son cancer ? » ; « Sa sclérose en plaques, n’est-elle pas le fruit de son stress ou de son alimentation ? » Ainsi firent les amis de Job, ainsi font nos amis. Que celui à qui il arrive malheur puisse y être pour quelque chose nous rassure en nous mettant du côté des justes. Nous pensons que ce que nous avons est lié à notre mérite, à notre travail. Nous sommes alors en droit d’interroger : que me veulent tous ces gens avec leurs misères ?   Les pauvretés des autres Le pauvre s’affiche devant nos yeux comme un reproche vivant. Son malheur s’agrippe à nous. Les mendiants sur l...
Mots clés : Epreuve Parole d’homme Pauvreté Péché Psychologie Souffrance Vérité
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UN ITINÉRAIRE DE MIGRATION INTÉRIEURE
CHRISTUS N°253
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Nicolle CARRÉ
    Les situations de perte auxquelles nous pouvons être confrontés à tout moment sont innombrables (santé, sécurité, travail, pays…). Qu'est-ce qui fait cependant que certains vont parvenir à traverser la perte pour renaître à quelque chose, trouver la paix et le désir d'aller de l'avant, tandis que d'autres bloqueront, refuseront le changement et s'enfermeront dans une sorte de mort ? L'inconnu a le pouvoir de nous faire rêver et aussi de nous faire peur. Quitter le lieu d'où l'on vient ébranle nos références et met donc en question notre identité. La souffrance de l'émigré Où est le cœur de celui qui quitte ? Le lieu d'où nous sommes, auquel nous appartenons, n'est-il pas d'abord celui où est notre cœur ? Où est le cœur de celui qui quitte ce qui est sa vie : dans ce qui est derrière ou dans ce qui est devant ? Comment vivre le présent si cet entre-deux est arrachement au passé et incertitude de l'avenir ? N'est-ce pas alors mourir, car personne ne peut vivre sans lien. Aller vers ce qui est étranger, partir, dépasse la question des émigrés et concerne chacun de nous dans les diverses étapes de sa vie, dans les événements marquants mais aussi dans les petites choses en ce qu'elles nous délogent de nous-mê...
Mots clés : Volonté de l'homme Conscience développement personnel Epanouissement personnel
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« S’IL ME MANQUE L’AMOUR, JE NE SUIS RIEN »
CHRISTUS N°254HS
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Nicolle CARRÉ
Et s'il me manque d'aimer ou d'être aimé ? La différence entre les deux est-elle si grande ? S'il me manque de sentir l'amour pour quelqu'un, si mon cœur est sec, replié sur lui-même, je ne suis rien, car je suis absent au monde et le monde est absent pour moi. S'il me manque de me sentir aimé, je ne suis rien, car je suis seul au monde. Personne ne peut vivre par lui-même et pour lui-même. Personne ne se réduit à lui-même, celui qui est marié comme celui qui ne l'est pas, selon les circonstances de sa vie ou pour son Dieu. Personne n'existe sans les autres.Sans le désir, sans l'attirance, sortirais-je de moi-même ? Sans le désir, je serais mort. Le désir est la vie qui s'ouvre. Dieu lui-même est désir. Seul, je suis incomplet – mais ne suis-je rien ? « Suis-je donc un monstre pour qu'aucun homme ne m'ait jamais dit qu'il m'aime ? », disait avec douleur une femme d'une quarantaine d'années, qui savait combien elle plaisait mais à qui cela ne suffisait pas. Elle désirait être vraiment quelqu'un pour quelqu'un.L'amour dit : « Tu es quelqu'un. » Il ne le dit pas, il le vit. C'est pourquoi, il est émerveillement. Ce qu'il touche devient unique. Quand il touche un homme, une femme, il en fait un dieu. Un dieu, non pas une idole. Dieu est celui que l'on vénère...
DE LA PAUVRETÉ DES AUTRES À NOTRE PAUVRETÉ INTÉRIEURE
CHRISTUS N°270HS
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Nicolle CARRÉ
Face au problème du chômage, on entend assez facilement dire : « Pour les courageux, il y a toujours du travail. S'ils le voulaient, ils pourraient travailler… » Quand la maladie est là, on se demande : « Ne s'est-il pas fabriqué son cancer ? » ; « Sa sclérose en plaques, n'est-elle pas le fruit de son stress ou de son alimentation ? » Ainsi firent les amis de Job, ainsi font nos amis. Que celui à qui il arrive malheur puisse y être pour quelque chose nous rassure en nous mettant du côté des justes. Nous pensons que ce que nous avons est lié à notre mérite, à notre travail. Nous sommes alors en droit d'interroger : que me veulent tous ces gens avec leurs misères ?Les pauvretés des autresLe pauvre s'affiche devant nos yeux comme un reproche vivant. Son malheur s'agrippe à nous. Les mendiants sur les artères des grandes cités volent au promeneur la tranquillité à laquelle il peut prétendre. Les familles qui ont un malade ou un handicapé semblent dire : « Ce que vous avez, j'y ai droit, moi aussi. Ce n'est pas juste. » On ne peut donc que les haïr, mais on peut être si mal à l'aise de haïr qu'il vaut mieux fermer les yeux, ne rien voir, trouver des explications qui nous pe...