Jésuite, professeur de patristique et de théologie dogmatique au Centre Sèvres, membre du Groupe des Dombes et d’autres groupes de dialogue œcuménique, prix Ratzinger 2022.
A publié Mémoire chrétienne et expérience de Dieu. Le sens des dogmes aujourd’hui (Facultés jésuites de Paris, 2022).
L’ODYSSÉE
CHRISTUS N°219
-
Michel FÉDOU
Ulysse venait de rentrer dans sa patrie d’Ithaque après vingt ans d’absence. Habillé en mendiant pour ne pas se faire reconnaître, il s’approchait du palais où demeurait son épouse Pénélope, convoitée par un certain nombre de « prétendants » qui voulaient la prendre pour femme et s’emparer du trône – car ils étaient persuadés que le héros était mort. Or voici qu’au seuil de la maison « un chien couché leva la tête et les oreilles » :
« C’était Argos, le chien que le vaillant Ulysse achevait d’élever, quand il fallut partir vers la sainte Ilion, sans en avoir joui. Avec les jeunes gens, Argos avait vécu, courant le cerf, le lièvre et les chèvres sauvages. Négligé maintenant, en l’absence du maître, il gisait, étendu au-devant du portail, sur le tas de fumier des mulets et des boeufs où les servants d’Ulysse venaient prendre de quoi fumer le grand domaine ; c’est là qu’Argos était couché, couvert de poux. Il reconnut Ulysse en l’homme qui venait et, remuant la queue, coucha les deux oreilles : la force lui manqua pour s’approcher du maître. Ulysse l’avait vu : il détourna la tête en essuyant un pleur… » 1.
Le chi...
Mots clés :
Amour
Espérance
Imagination
Mariage
Mémoire
Religions
Sagesse
Littérature
Lire la suite
LE COMBAT SPIRITUEL
CHRISTUS N°209
-
Michel FÉDOU
Vie chrétienne, 2005, 82 p., 13 €.
Une illusion guette parfois les chrétiens croire que leur vie de baptisés les protège du « combat spirituel ». La nouvelle publication de Léo Scherer rappelle qu'un tel combat est une réalité inévitable : il l'est humainement, car l'être humain doit consentir à certains renoncements pour trouver le chemin d'une juste relation à autrui ; il l'est spirituellement, car c'est à travers lui que nous apprenons, « de morts partielles en résurrections ébauchées », à nous laisser conduire par l'Esprit jusqu'à l'ultime « lâcher prise » qu'est « la remise de notre souffle dans les mains d'un Autre ».
Le parcours est nourri de la Parole de Dieu. L'auteur évoque d'abord les combats de Jacob et Moise, puis s'arrête sur le Christ lui-même et sur l'épreuve des tentations au désert. Par là se dévoile l'enjeu radical du combat spirituel, qui se joue au croisement de la condition humaine et de la filiation divine. Ce combat se poursuit « dans l'histoire et dans les coeurs », comme l'attestent des témoignages aussi divers que ceux d'Antoine, d'Ignace de Loyola, de Silouane ou de Madeleine Delbrêl.
D'autres témoignages anciens ou contemporains sont également invoqués tout au long du par...
JUIFS ET CHRÉTIENS
CHRISTUS N°194
-
Michel FÉDOU
Postf. R. Krygier. L'Atelier, coll. « Questions ouvertes », 2001, 159 p., 14,48 €.
De grands progrès ont sans nul doute marqué, depuis des décennies, les relations entre chrétiens et juifs. En témoignent la déclaration Nostra aetate de Vatican II, le passage d'un « enseignement du mépris » au souci de la connaissance et de l'estime réciproques, la visite de Jean-Paul II à la synagogue de Rome et son voyage en Israël, les démarches de « ,'repentance » pour les diverses formes de complicité avec l'antisémitisme, ou bien encore, du côté juif, l'intérêt renouvelé pour Jésus de Nazareth... Le livre de Geneviève Comeau rend compte de ces progrès, mais, pour autant, n'élude pas les questions délicates > qui subsistent entre juifs et chrétiens. Ainsi confronte-t-il leurs positions sur la loi et le Christ, sur les Ecritures, sur la corporéité et sur le messianisme, en invitant tout à la fois à dépasser les malentendus et à identifier les divergences. Il retrace aussi l'histoire des relations entre juifs et chrétiens, depuis les origines jusqu'à l'époque contemporaine on trouvera là d'excellents développements sur la question des « racines » (en référence à Rm 11,18)...
LE SOI VÉRITABLE
CHRISTUS N°188
-
Michel FÉDOU
Aujourd'hui plus que jamais, la question du « souci de soi » doit être envisagée dans le vaste horizon du débat interreligieux et, tout particulièrement, du dialogue avec le bouddhisme. Il n'y va pas seulement de l'attrait que celui-ci exerce, en Occident comme en Orient, sur un grand nombre de nos contemporains. Il y va surtout d'un défi radical qui est posé par le bouddhisme à travers sa doctrine du « non-Soi ». En contraste avec cette doctrine le christianisme apparaît couramment comme une religion qui, en dépit de son enseignement sur l'amour du prochain, met fortement l'accent sur l'individu, sur la permanence de l'identité personnelle, sur l'attention qu'il convient de porter à soi-même et à sa propre destinée. Et si certains considèrent qu'une telle insistance est tout à l'honneur de la tradition chrétienne, d'autres y voient au contraire une limite fondamentale par rapport à la ttadition bouddhique, qui, elle, a su prôner un radical détachement vis-à-vis du Soi.
On ne peut vraiment avancer dans ce débat que si, renonçant aux comparaisons superficielles, on tente d'engager un dialogue de fond entre les deux traditions en présence. Cela impliquera d'abord une tentative pour comprendre avec justesse la doctrine bouddhique du non-Soi. Nous verrons ensuite comment les questions pos&e...
Mots clés :
Ascèse
Catholicisme
Dialogue interreligieux
Dieu
Doctrine
Jésus-Christ
Sagesse
Théologie
Trinité
Conversion
Lire la suite
SUR L’À DIOGNÈTE
CHRISTUS N°230
-
Michel FÉDOU
MICHEL FEDOU S.J. Théologien, Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris.Traducteur d’Origène, il a récemment publié : Regards asiatiques sur le Christ (Desclée, 1998), La voie du Christ : genèses de la christologie dans le contexte religieux de l’Antiquité du IIe siècle au début du IVe siècle (Cerf, 2006) et L’Église des Pères : initiation à la théologie patristique (Médiasèvres, 2007).Dernier article paru dans Christus : « L’Odyssée : poème de la victoire sur l’oubli » (n°219, juillet 2008).
Le christianisme est né à une époque où les mouvements de populations étaient fort nombreux. Certaines villes étaient particulièrement cosmopolites : ainsi Alexandrie, où affluaient des commerçants de toutes parts, et qui était comme un pont entre l’Occident et l’Orient ; ainsi surtout la ville de Rome, où arrivaient de nombreux immigrants venus des différentes régions de l’empire – apportant avec eux leurs langues, leurs coutumes et leurs traditions religieuses. Ces immigrants étaient certes de conditions très différentes (certains, par exemple, étaient esclaves, tandis que d’autres avaient été affranchis). De soi,...
Mots clés :
Catholicisme
Corps
Eglise
Esprit
Incarnation
Politique
Réalité
Théologie
Tradition
Vérité
Lire la suite
FIDÉLITÉ ET DIALOGUE
CHRISTUS N°169
-
Michel FÉDOU
ORIGÈNE : L'EXODE, FIGURE DE LA VIE CHRÉTIENNE
CHRISTUS N°143
-
Michel FÉDOU
ORIGÈNE ET LE LANGAGE DU CŒUR : LE CŒUR DE L'EPOUX
CHRISTUS N°139
-
Michel FÉDOU
LA SYMBOLIQUE DE L'AMOUR
CHRISTUS N°234HS
-
Michel FÉDOU
Fédou s.j. Théologien, Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris.
Traducteur d’Origène, il a récemment publié : Regards asiatiques sur le Christ (Desclée, 1998), La voie du Christ : genèses de la christologie dans le contexte religieux de l’Antiquité du IIe siècle au début du IVe siècle (Cerf, 2006) et L’Église des Pères : initiation à la théologie patristique (Médiasèvres, 2007).
Dernier article paru dans Christus : « Sur l’À Diognète : être dans le monde sans être du monde » (n°230, avril 2011).
Parution initiale du présent article : juin 1993.
N’est-il pas périlleux de soumettre à la réflexion théologique un texte qui n’est pas ordonné à une réflexion de ce type, mais qui se présente d’abord comme un « exercice spirituel » ? Ne se met-on pas en contradiction avec la visée propre de tels « exercices », qui désignent selon la première annotation « toute manière d’examiner sa conscience, de méditer, de contempler, de prier vocalement et mentalement, et d’autres opérations spirituelles » (Ex. sp. 2) ? Que penserions-nous en tout cas d’un retraitant qui voudrait faire ces exerc...
HENRI DE LUBAC ET LA SPIRITUALITÉ CHRÉTIENNE
CHRISTUS N°236
-
Michel FÉDOU
« Ceux qui n’ont jamais vu la mer croient que rien n’est plus monotone, – alors que rien n’est plus varié, rien ne réserve plus de surprises. Ainsi pour la vie intérieure et la contemplation de Dieu… » 1.
1. Henri de Lubac, Nouveaux paradoxes, Seuil, 1959 (OEuvres complètes [OC], t. XXXI, Cerf, 1999), p. 152.
Ces simples lignes – et bien d’autres encore dans les recueils de « Paradoxes » que nous a laissés le cardinal Henri de Lubac (1896- 1991) – suffiraient à attirer l’attention sur la portée spirituelle de son oeuvre. Cette oeuvre a certes abordé les champs les plus divers : l’athéisme moderne, la compréhension de l’homme devant Dieu, l’histoire de l’exégèse, le mystère de l’Église, le christianisme et les autres religions… Mais tous les écrits du P. de Lubac reflètent une attitude spirituelle qui, comme on le verra, s’éclaire ultimement par sa réflexion sur « mystique et mystère ».
L’attitude de fond
Le premier livre d’Henri de Lubac, Catholicisme (1938), manifeste d’emblée une attention aiguë aux problèmes du temps présent, et le souci d’y répondre en recueillant le meilleur héritage de la Tradition. L’auteur réagit co...
A L'IMAGE DE DIEU
CHRISTUS N°249
-
Michel FÉDOU
La notion de bienveillance était déjà attestée dans l’Antiquité grecque ; ainsi Eschyle avait-il écrit, au Ve siècle avant J.-C., une tragédie intitulée Les Euménides, où l’on voyait des divinités renoncer à leur colère pour assurer le bonheur des Athéniens ; et un siècle plus tard, Aristote avait consacré toute une analyse au sentiment de « bienveillance » (eunoia).
Le Nouveau Testament, quant à lui, n’utilise que deux fois ce dernier mot ou le verbe de même racine : Jésus demande que l’on se mette vite « dans de bonnes dispositions » avec son adversaire (Mt 5, 25), et Paul invite à servir le Seigneur « avec bienveillance » (Ep 6, 7). Mais le mot « eudokia », qui peut aussi se traduire par « bienveillance », est employé à plusieurs reprises ; ainsi lorsque Jésus dit à son Père : « c’est ainsi que tu en as disposé dans ta bienveillance » (Lc 10, 21), ou lorsque Paul évoque le dessein bienveillant de Dieu (Ep 1, 5 ; Ph 2, 13). De plus, il faut prendre en considération d’autres textes qui transmettent une idée assez proche ; « ne pas juger pour n’être pas jugé » (Mt 7, 1) ; « regarder les autres comme plus méritants &r...
Mots clés :
Amour
Dieu
Discernement
Bonheur
Bienveillance
Charité
Lire la suite
LA VIE CHRÉTIENNE, UN EXODE
CHRISTUS N°253
-
Michel FÉDOU
Dès ses premiers siècles, à travers la sagesse des Pères notamment, l'Église envisage la vie chrétienne comme un itinéraire vers Dieu. Ainsi, très tôt, se révèle le lien profond et spirituel entre déplacement géographique et mouvement de l'âme. La condition du disciple du Christ est de « quitter son pays ».
L'appel que Yhwh avait adressé à Abram a été entendu par nombre de chrétiens qui, dans les premiers siècles, durent souvent quitter leur terre d'origine. Ils y furent d'abord conduits par l'exigence d'annoncer l'Évangile en d'autres lieux : ainsi Justin, natif de Palestine, ouvrit-il au IIe siècle une école de philosophie à Rome ; un peu plus tard, Irénée, originaire d'Asie mineure, se rendit en Gaule où il devint évêque de Lyon ; et, dans les siècles suivants, d'autres chrétiens gagnèrent de nouvelles régions telles que l'Arménie, la Perse, voire l'Extrême-Orient dans le courant du VIe siècle. Parfois aussi, ce furent des persécutions qui contraignirent des chrétiens à quitter leur terre : c'est ainsi qu'Ignace d'Antioche, au début du IIe siècle, fut emmené à Rome pour y subir le martyre ; ou encore, au IV...
TRÉSORS SPIRITUELS DES CHRÉTIENS D'ORIENT ET D'OCCIDENT DE MARTIN DE LA RONCIÈRE
CHRISTUS N°263
-
Michel FÉDOU
L'ouvrage propose, pour chaque jour de l'année liturgique, un texte d'un Père de l'Église ou d'un auteur spirituel d'une époque ultérieure ; ce texte est complété par une brève prière (le plus souvent rédigée par l'auteur du livre). Pour l'Avent, Noël, le Carême et le Temps pascal, les extraits retenus sont directement liés à ces temps liturgiques. Pour le Temps ordinaire, les lectures abordent des thèmes très variés : ce sont des méditations sur un article de la foi, des conseils pour la vie chrétienne, des exhortations spirituelles sur tel ou tel sujet (ainsi trouve-t-on, pour la 17e et la 32e semaine, une série de textes sur les demandes du Notre Père). Des lectures sont aussi proposées pour les fêtes de la Vierge Marie et de certains saints. On doit être reconnaissant à l'auteur de faire ainsi connaître des « trésors » de la spiritualité chrétienne. L'une des caractéristiques majeures du recueil est que, comme l'indique le titre, les textes sont empruntés aux traditions chrétiennes « d'Orient et d'Occident ». Le lecteur découvrira, à côté de Pères de l'Église ou d'auteurs spirituels dont les noms lui sont familiers, quantité d'auteurs peu connus ou...
MARTIN LUTHER ET IGNACE DE LOYOLA
CHRISTUS N°265
-
Michel FÉDOU

Préface de Marc Lienhard, Lessius, « Institut d'études théologiques (IET) », 2017, 224 p., 19,50 €.
La récente commémoration des origines de la Réforme a donné l'occasion de relire la Déclaration commune sur la doctrine de la justification (signée à Augsbourg en 1999). René Lafontaine commence donc par présenter cette déclaration et rappelle aussi les principaux apports du Décret sur la justification qui fut jadis promulgué par le concile de Trente. Mais son projet essentiel est de revenir aux sources mêmes des débats entre catholiques et protestants, grâce à une comparaison entre Ignace de Loyola et Martin Luther. René Lafontaine montre d'abord la « connivence » de leurs expériences spirituelles : tous deux prônent le retour à la parole de Dieu et soulignent l'exigence de la conversion personnelle. Une divergence d'accents est toutefois notable : la spiritualité de Luther est davantage ancrée dans le mystère de la Croix, celle d'Ignace est principalement inspirée par le mystère de la Résurrection. De là découlent des divergences d'interprétation en matière d'anthropologie spirituelle : c'est le cas à propos du péché originel, de la question du « libre arbitr...
MOURIR PAR AMOUR
CHRISTUS N°266
-
Michel FÉDOU

Salvator, « Forum », 2019, 216 p., 20 €.
Ignace d'Antioche, condamné au martyre en l'année 117, rédigea plusieurs lettres qui témoignent à la fois d'un attachement passionné à Jésus Christ et d'un sens aigu de l'Église. Le livre de Philippe Henne recueille d'abord les informations dont on dispose sur sa vie et sur la composition de ses écrits. Il évoque aussi la cité d'Antioche, dont Ignace fut l'évêque, et qui était marquée par un paganisme vigoureux et par la présence d'une importante communauté juive. Ignace se présente lui-même comme le « théophore », c'est-à-dire le « porteur de Dieu ». Ses lettres, adressées à des communautés d'Asie mineure ainsi qu'à la communauté de Rome, le révèlent comme « disciple », « imitateur » du Christ, enflammé d'amour pour lui et désireux de le suivre jusque dans sa Passion, habité par l'espérance ardente de la résurrection. Ignace tient inséparablement la divinité du Christ et la pleine réalité de l'Incarnation (sur ce dernier point, il s'oppose aux courants docètes pour qui le Fils de Dieu n'aurait eu qu'une apparence d'humanité). Il souligne que le Dieu « impassible » s'est fait pour nous « passible », et insiste également sur la résurrection de la chair. Les lettres d'Ignace comprennent par ailleurs des développements importants sur la vie ecclésiale. On y trouve une très belle théologie du baptême, de l'eucharistie et de l'amour fraternel au sein de la communauté chrétienne. Ces lettres affirment en outre l'exigence de l'unio...
MOURIR PAR AMOUR - L'IMITATION DE JÉSUS CHRIST DE SAINT IGNACE D'ANTIOCHE
CHRISTUS N°266
-
Michel FÉDOU

Ignace d'Antioche, condamné au martyre en l'année 117, rédigea plusieurs lettres qui témoignent à la fois d'un attachement passionné à Jésus Christ et d'un sens aigu de l'Église. Le livre de Philippe Henne recueille d'abord les informations dont on dispose sur sa vie et sur la composition de ses écrits. Il évoque aussi la cité d'Antioche, dont Ignace fut l'évêque, et qui était marquée par un paganisme vigoureux et par la présence d'une importante communauté juive. Ignace se présente lui-même comme le « théophore », c'est-à-dire le « porteur de Dieu ». Ses lettres, adressées à des communautés d'Asie mineure ainsi qu'à la communauté de Rome, le révèlent comme « disciple », « imitateur » du Christ, enflammé d'amour pour lui et désireux de le suivre jusque dans sa Passion, habité par l'espérance ardente de la résurrection. Ignace tient inséparablement la divinité du Christ et la pleine réalité de l'Incarnation (sur ce dernier point, il s'oppose aux courants docètes pour qui le Fils de Dieu n'aurait eu qu'une apparence d'humanité). Il souligne que le Dieu « impassible » s'est fait pour nous « passible », et insiste également sur la résurrection de la chair. Les lettres d'Ignace comprennent par ailleurs des développements importants sur la vie ecclésiale. On y trouve une très belle théologie du baptême, de l'eucharistie et de l'amour fraternel au sein de la communauté chrétienne. Ces lettres affirment en outre l'exigence de l'union entre les croyants et leur évêque (celui-ci éta...
UNE PASSION À MAÎTRISER
CHRISTUS N°269
-
Michel FÉDOU
La colère doit être extirpée de l'âme ! Dans leur grande majorité, les Pères de l'Église s'entendent là-dessus. Cependant, certains d'entre eux la reconnaissent aussi comme légitime parfois, voire nécessaire.Dans le recueil des Apophtegmes, qui rapporte des paroles prononcées par les Pères du désert, on lit l'anecdote suivante :Un frère questionna abba Poemen : « Que signifie : se mettre en colère sans motif contre son frère ? » Le vieillard dit : « Quelque excessif que soit le désir de ton frère de l'emporter sur toi, même s'il l'amène à te crever l'œil droit, et que tu te mettes en colère contre lui, tu te mets en colère sans motif. Mais si quelqu'un veut te séparer de Dieu, mets-toi en colère contre lui1. »L'anecdote est significative : le vieillard commence par rejeter fermement l'usage de la colère, mais, dans la dernière phrase, exhorte à s'y livrer ! Un tel récit suggère par lui-même la complexité des positions tenues par les Pères. De façon générale, ceux-ci voient dans la colère une grave faute et en soulignent les effets dévastateurs. Certains textes, pourtant, reconnaissent qu'elle est parfois légitime, voire utile et nécessaire.Une passion &...
L'ÉMERGENCE DE LA PERSONNE, PIERRE BURGAT
CHRISTUS N°274
-
Michel FÉDOU

Éditions des Syrtes, 2021, 520 p., 23 €.
L'expérience de la prière confronte à toutes sortes de « pensées » qui viennent de l'extérieur et dont certaines détournent de Dieu. Les Pères de l'Église (et surtout les Pères du désert) ont eu à cœur d'identifier ces dernières passions, ainsi que les voies par lesquelles on peut en être guéri. C'est ce grand héritage de la tradition que le livre de Pierre Burgat s'efforce de transmettre. Il consacre huit chapitres aux « pensées » qui, selon Évagre le Pontique, engendrent les maladies de l'âme : la gourmandise, la luxure, l'avarice, la tristesse, la colère, l'acédie, la vaine gloire, l'orgueil. Chacun de ces chapitres pose d'abord un diagnostic sur la « pensée » en cause et sur la manière dont elle se manifeste. Il indique ensuite la thérapeutique qui permet d'en être délivré : aux huit « pensées » s'opposent respectivement le jeûne, la chasteté, la non-possession et l'aumône, la joie, la douceur, la persévérance, l'expérience de « revêtir le Christ » et l'humilité. Pour chaque thème, le développement est nourri de références bibliques et patristiques ; on goûtera en particulier les extraits des « apophtegmes » et d'autres écrits des Pères du désert, racontant des anecdotes qui illustrent l'action des « pensées » et le combat spirituel, ou formulant nombre de conseils pour la conduite de la vie. Un dernier chapitre traite de « l'amour divin », expression parfaite de l'existence à laquelle chaque être humain est appelé. La conclusi...
LE DÉSIR DE JÉSUS QUE NUL NE SE PERDE
CHRISTUS N°277
-
Michel FÉDOU

À partir de la relecture de divers épisodes des évangiles, cet article montre comment Jésus a signifié et même accordé le pardon de Dieu tout au long de sa vie publique et surtout au jour de sa mort, lorsqu'il s'est retrouvé victime innocente de la violence des hommes.
Le célèbre tableau de Rembrandt sur le fils prodigue évoque magnifiquement la parabole de Jésus qui, à travers la compassion du père vis-à-vis de son enfant, dévoile l'infinie miséricorde de Dieu (Lc 15, 11-32). Les évangiles rapportent par ailleurs plusieurs enseignements sur le pardon. Ceux-ci peuvent être implicites, ainsi lorsque Jésus, dans la synagogue de Nazareth, cite le texte d'Isaïe annonçant la libération des « captifs » et « une année d'accueil par le Seigneur » (Lc 4, 18-19). Mais d'autres passages utilisent le verbe « remettre » ou « pardonner » (en grec, aphiemi) : c'est le cas dans le Sermon sur la montagne, avec l'exhortation à demander au Père de nous pardonner et l'appel à pardonner nous-mêmes à ceux qui nous ont offensés (Mt 6, 12.14-15) ; c'est aussi le cas dans le discours de Matthieu 18, lorsque Jésus invite à pardonner « jusqu'à soixante-dix fois sept fois » et raconte l'histoire d'un homme qui, bien que sa dette ait été entièrement remise, refuse de remettre à son tour les dettes de ses débiteurs, cette parabole devant illustrer l'exigence de « pardonner à son frère du fond du cœur » (Mt 18, 21-35).
On ne cherchera pas ici à expliquer ces enseignements, mais on s'interrogera plutôt...
FIDÉLITÉ ET DIALOGUE
CHRISTUS N°254HS
-
Michel FÉDOU
Si la fidélité est une exigence de toute foi authentique, faut-il craindre qu'elle ne soit ébranlée par la confrontation avec d'autres croyances ? On comprend, certes, qu'elle puisse être éprouvée par une telle confrontation, et qu'elle risque même de chanceler si elle manque de racines profondes. Mais, dans la mesure où elle se nourrit de la parole de Dieu et d'un loyal attachement à l'Église, ne doit-on pas plutôt penser qu'elle s'affermira ou s'approfondira à la faveur du dialogue avec autrui ?Nous nous proposons d'abord de recueillir, sur ce point, la précieuse expérience du mouvement œcuménique. Nous nous demanderons ensuite ce qu'il en est non plus dans le dialogue entre chrétiens séparés, mais dans le cadre des débats entre le christianisme et les autres religions. Il sera alors possible de dégager, au terme, l'exigence spirituelle de la fidélité dans la situation pluraliste de notre temps.L'œcuménismeOn a cru pendant des siècles que la fidélité à l'Église catholique impliquait un jugement unilatéral sur les « schismatiques » et les « hérétiques » : ils s'étaient séparés de la véritable Église et portaient à eux seuls la responsabilité de cette s...