Éditeur aux éditions Salvator, membre du comité de rédaction de Christus.
A publié Le souffle et le roseau : variations sur la fragilité (Salvator, 2017), Bach (Gallimard, 2013)
TOUT A COMMENCÉ À CALCUTTA & MÈRE TERESA, LE FEU SECRET
CHRISTUS N°229
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Marc LEBOUCHER

MÈRE TERESA, LE FEU SECRET - Préf. B. Kolodiejchuk. Trad. E. Boyer. Bayard, 2010, 398 p., 19,50 euros.
TOUT A COMMENCÉ À CALCUTTA - Photos V. Gouraud. Bayard, 2010, 220 p., 17,50 euros.
Avec le témoignage de Mère Marie – normande qui, après avoir travaillé à l’hospice de Nanterre, va rejoindre en 1966 Mère Teresa en Inde –, nous découvrons à travers des mots tout simples le vécu quotidien de celle-ci en feuilletant Tout a commencé à Calcutta. Illustré de belles photos des lieux symboliques d’une vie toute donnée, ce livre fait partager le souci des pauvres, des mourants, des enfants, des handicapés. Il met bien sûr en avant une vocation religieuse particulièrement marquée par le dépouillement, l’absence quasi totale de biens personnels. Mais aux yeux de ses soeurs, Mère Teresa ne révéla jamais le secret de la nuit de sa foi ; elle les poussait toujours à aller de l’avant, souligne l’auteur.
Dans un livre plus fouillé, Mère Teresa, le feu secret, qui va au coeur de son expérience spirituelle, le P. Joseph Langford, fondateur des Pères Missionnaires de la Charité, revient sur les étapes du cheminement de celle-ci. Il évoque en particulier l’épisode vécu dans le train de Darjeeli...
JEAN-BAPTISTE DE LA SALLE
CHRISTUS N°227
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Marc LEBOUCHER

Pygmalion, 2010, 348 p., 21 euros.
Dans la vie de saint Jean-Baptiste de la Salle (1651-1719), fondateur des Frères des écoles chrétiennes, que retrace ici Christophe Mory, on cherchera en vain de grands élans mystiques. Pourtant, même si elle peut paraître mineure à première vue, la dimension spirituelle se dégage comme en creux de son parcours, et ce à plusieurs niveaux.
Le lien établi entre spiritualité et éducation d’abord, qui mérite qu’on y revienne aujourd’hui où le souci éducatif apparaît comme l’obsession de nos sociétés. Chez Jean-Baptiste de la Salle, la nécessité d’une éducation humaine se voit fortement soulignée pour prendre en compte l’ensemble de la personnalité de l’enfant. Dans les écoles, la pédagogie se caractérise en particulier par l’insistance sur la civilité et le sens pratique, le respect des jeunes.
L’émergence, par ailleurs, d’une vie religieuse laïque et non cléricale fondée par le saint entend mieux porter la mission éducative. Plusieurs siècles avant Vatican II, l’initiative fait date et n’est pas sans rencontrer de nombreux obstacles, notamment de la part du clergé. Elle traduit aussi une véritable conver...
FOUCAULD, MASSIGNON, CHERGÉ
CHRISTUS N°225
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Marc LEBOUCHER
Réactivé par l’actualité, les commémorations, les béatifications, tout un pan de la mémoire des chrétiens liés à l’Afrique du Nord suscite un intérêt croissant. En témoigne une production éditoriale particulièrement abondante. En présentant un certain nombre de livres sur ce thème, cet article tente de comprendre ce que veut dire, pour nous en Europe, cet attrait pour le message de ces chrétiens partis à la rencontre du monde musulman.
Mai 1996. L’opinion apprend avec horreur l’assassinat des sept moines de Tibhirine. À compter de cette date, les publications consacrées à ces religieux se multiplient : enquêtes, textes, recueils (à l’instar de celui réalisé par Bruno Chenu Sept vies pour Dieu et l’Algérie 1), voire création, par les éditions de Bellefontaine, d’une collection entièrement dédiée aux écrits des moines. D’autres ouvrages comme ceux de Robert Masson ou de Christian Salenson tentent d’évaluer leur apport spirituel et théologique 2.
Par ailleurs, s’il faut attendre l’année 2005, peu après l’élection de Benoît XVI, pour voir béatifier Charles de Foucauld, sa personnalité n’a cessé d’intriguer...
Mots clés :
Dialogue interreligieux
Islam
Mémoire
Mourir
Politique
Prophète
Désert
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MÈRE MARIE DE L’ASSOMPTION
CHRISTUS N°225
-
Marc LEBOUCHER

Préf. M. Sales. Av.-pr. M. Fauroux. Karthala, coll. « Mémoire d’Église », 2008, 168 p., 19 euros.
Il est des figures qui restent parfois dans l’ombre… Qui se souvient de Mère Marie de l’Assomption, religieuse auxiliatrice du Purgatoire et fondatrice du Cercle Saint-Jean Baptiste qui fut fortement marquée par la personnalité du jésuite Jean Daniélou ?
Dans ce livre qui s’apparente plus à un dossier, Françoise Jacquin fait mieux connaître une femme hors norme, soucieuse d’une théologie de la Trinité et surtout du sens de l’Avent, pour mieux valoriser l’exigence missionnaire auprès des peuples qui sont encore loin du christianisme. Proche aussi du P. Jules Monchanin et de Louis Massignon, cette femme marquera en particulier des générations d’étudiantes par ses intuitions spirituelles, son souci d’une formation chrétienne et l’insistance sur l’hospitalité donnée à l’étranger.
CHRISTIAN DE CHERGÉ & CATÉCHÈSES MYSTAGOGIQUES POUR AUJOURD’HUI
CHRISTUS N°224
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de MAINDREVILLE Remi
Marc LEBOUCHER

CHRISTIAN DE CHERGÉ, Bayard, 2009, 254 p. 18 euros.
CATÉCHÈSES MYSTAGOGIQUES POUR AUJOURD’HUI, Préf. J.-C. Reichert. Même éditeur, 2008, 86 p., 15 euros.
Quelle fut la vision théologique de Christian de Chergé, prieur du monastère cistercien de Tibhirine, dans l’Atlas algérien, assassiné – on s’en souvient – avec six de ses frères moines en 1996 ? Déjà auteur d’un Prier 15 jours avec Christian de Chergé (Nouvelle Cité, 2006), le P. Christian Salenson, directeur de l’Institut de Science et de Théologie des Religions (ISTR) de Marseille, répond en soulignant d’emblée que son approche fut avant tout monastique, et donc plus ancrée sur l’expérience mystique que sur des constructions dogmatiques. Pour le P. de Chergé, cette expérience s’incarne en particulier dans la rencontre de son ami Mohammed durant la guerre d’Algérie, puis de l’émir Sayah Attiyah, le chef d’une bande armée, trois ans avant la mort des frères.
Comment parler d’espérance, dans cette Algérie alors pleine de menaces, de violences, au coeur de la précarité et de la peur du lendemain ? Si Christian de Chergé réinvestit dans sa réflexion des thèmes traditionnels de...
AVOIR UN IDÉAL, EST-CE BIEN RAISONNABLE ?
CHRISTUS N°222
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Marc LEBOUCHER

Flammarion, 2007, 200 p., 17 euros.
Après avoir fait dans un ouvrage précédent un éloge remarqué du « sentiment », trop souvent galvaudé selon lui au bénéfice de l’émotion omniprésente dans nos sociétés, le philosophe Michel Lacroix entend réhabiliter la notion d’idéal. Dans le sens commun, l’idéaliste a souvent mauvaise presse, c’est le rêveur incapable d’agir et d’atteindre son but. Mais parfois aussi ce même idéaliste est l’objet d’admiration, voire de nostalgie : il est si beau d’avoir un idéal ! Le propos de Michel Lacroix est donc de proposer ici une « psychologie de l’idéal » dans laquelle la poursuite est plus importante que l’objet lui-même. Alors que pour la philosophie le concept d’idéalisme correspond à une dévaluation du monde réel, le sens courant considère comme idéaliste toute personne qui voudrait le monde meilleur qu’il n’est, et croit possible qu’il puisse le devenir.
Mais justement, avec cette insatisfaction, l’idéalisme ne cache-t-il pas une dimension de nihilisme en niant la réalité ? N’a-t-il pas conduit au cours de l’histoire aux pires dérives collectives ? À leur mani&...
LE GRAND RÊVE DE CHARLES DE FOUCAULD ET LOUIS MASSIGNON
CHRISTUS N°221
-
Marc LEBOUCHER

Albin Michel, coll. « piritualité », 2008, 380 p., 20 euros. Homme de médiation et historien, Jean-François Six a toujours aimé croiser les destins des grandes figures spirituelles qu’il a pu étudier, à l’instar d’un Antoine Chevrier, d’un Charles de Foucauld ou d’une Thérèse de Lisieux. Ici, c’est la rencontre en 1909 entre Foucauld et Louis Massignon qui est évoquée à travers le grand rêve, l’utopie commune du prêtre missionnaire et de l’islamologue de créer une « Union de frères et soeurs, religieux ou laïcs, tous égaux, “défricheurs” disséminés à travers le monde et en communion de prière ». Retracée avec clarté et minutie, cette rencontre met face à face deux hommes qui ont expérimenté chacun à sa manière les tentations du monde, la conversion et la découverte d’une autre culture. Choc de deux passions, à l’évidence, étonnant mélange où s’interpénètrent le psychologique, le religieux et le culturel.Mais que va-t-il advenir à la mort de Foucauld de la démarche particulière de l’« Union » ? Qu’en est-il au fond de la postérité et de l’interpr&eac...
L’HOSPITALITÉ SACRÉE ENTRE LES RELIGIONS & JÉSUS ASIATIQUE
CHRISTUS N°218
-
Marc LEBOUCHER

L’hospitalité sacrée entre les religions, Préf. R. Panikkar, Albin Michel, 2007, 218 p., 16,50 euros.
Jésus asiatique,Trad. A. Boutot, Presses de la Renaissance, 2007, 290 p., 20 euros.
Comment faire dialoguer entre elles les traditions religieuses sans verser dans le syncrétisme ? Comment traduire sa propre spécificité dans la culture de l’autre tout en bénéficiant de sa richesse ? Partant d’expériences ou de propos différents, ces deux ouvrages traduisent la même exigence de rencontre. Si le titre de Pierre-François de Béthune fait un clin d’oeil appuyé à Louis Massignon en évoquant « l’hospitalité sacrée », sa démarche n’évoque pas le dialogue avec l’islam mais celui avec le bouddhisme zen au Japon, que ce moine bénédictin et secrétaire général du Dialogue interreligieux monastique a longuement pratiqué. Pour le théologien indien Michael Amaladoss, jésuite et directeur de l’Institut du dialogue avec les cultures et les religions à Chennai, en Inde, il s’agit davantage de se demander comment on peut présenter le Christ au monde asiatique, sans s’appuyer d’abord sur les catégories du monde culturel sémitique.
Avec clarté et humilité, le P. de B&eacut...
LA GROTTE DU CŒUR
CHRISTUS N°217
-
Marc LEBOUCHER

Préf. R. Panikkar. Trad. M.-C. Desaubliaux. Cerf, coll. « L’histoire à vif », 2007, 428 p., 39 euros.
Avec Jules Monchanin, Henri Le Saux (1910-1973) apparaît aujourd’hui comme l’un des grands pionniers du dialogue entre le christianisme et l’hindouisme. Mais loin d’être une confrontation purement intellectuelle ou un dialogue d’experts, ce dialogue a correspondu surtout dans sa vie à une profonde expérience spirituelle, à une immersion totale dans l’univers de l’hindouisme. Non sans d’ailleurs un sentiment douloureux de déchirement avec le christianisme de ses origines, ni une difficulté à traduire de manière claire cet écartèlement.
« Au-delà, toujours au-delà ! Ce ne sont pas vos présents que je désire Seigneur, mais vous-même. » Ce mouvement qui pousse Le Saux toujours vers l’ailleurs se retrouve dans la biographie spirituelle et très admirative que lui consacre ici Shirley du Boulay. Collant au plus près de son itinéraire, elle suit le moine bénédictin breton de l’abbaye de Kergonan, qui répond à l’appel du P. Monchanin en Inde et fonde avec lui l’asrham de Shantivanam, dans les méandres de sa quête d’absolu. Une vocation irrésistible, comme l’indique plus d&rsqu...
LES VOEUX RELIGIEUX SONT-ILS ANACHRONIQUES ?
CHRISTUS N°214
-
Marc LEBOUCHER
En écho à notre numéro intitulé « Enquête sur la vie religieuse » (n° 210, avril 2006), qui partait des interrogations des laïcs sur la vie et la vocation des consacrés, nous avons demandé à Marc Leboucher — observateur reconnu des évolutions du christianisme — de nous dire en quoi les voeux religieux (pauvreté, chasteté, obéissance) sont pour lui, laïc, signes de contradiction.
Si la vie religieuse attire parfois le respect voire la sympathie, même dans des milieux qui lui sont a priori étrangers, si certaines figures de consacrés apparaissent encore très populaires comme Soeur Emmanuelle ou Mère Teresa, n’est-ce pas d’abord dû à leur combat pour la charité, à leur engagement humanitaire ? Peu ou prou, confusément peut-être, nos contemporains adhèrent à leur sens de la justice et à sa dimension prophétique, voire provocatrice. Ils peuvent percevoir chez elles une forme de générosité altruiste ou humaniste. Mais plus difficile est d’admettre à leurs yeux que ces grandes figures ont choisi de prononcer un jour des voeux pour incarner ce don d’elles-mêmes. N’est-il pas révélateur que ce soit justement sur la question de la chasteté que l’on a construit voici un a...
Mots clés :
Corps
Guérison
Obéissance
Pauvreté
Sainte Thérèse de Lisieux
Spiritualité monastique
Vie religieuse
Désir
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VIVRE LES VOEUX AUX FRONTIÈRES
CHRISTUS N°214
-
Marc LEBOUCHER

Trad. cisterciennes de Clairefontaine. Lessius, 2006, 96 p., 13,50 euros.
Voilà un essai vif qui peut accompagner la réflexion actuelle sur les voeux religieux, souvent bien peu compris dans le monde contemporain. D’emblée, Jacques Haers, jésuite et professeur de dogmatique à l’Université de Louvain, pose le décor : « On pourrait (...) définir formellement les religieux comme des personnes qui professent les trois voeux — obéissance, pauvreté, chasteté — et les prennent pour guides afin d’orienter leur vie. »
À travers un propos clair, l’auteur situe tout à la fois les trois engagements comme une tradition, une « mémoire évangélique », ainsi que l’écrivait Jean- Claude Guy, et « une aventure, une exploration, une vie faite de chutes et de relèvements », situés dans le temps présent et l’attente du Royaume.
Mais quel peut être le sens d’une vie religieuse aux frontières dans un monde de globalisation et de communication, où tant de barrières sont abolies ? En se situant justement dans les marges, aux lieux des limites de notre culture, à travers aussi la promotion d’un « art de vivre » plus humain qui vient témoigner de la proximité de Dieu, les religieux retrouvent là...
LA BEAUTÉ EN PARTAGE
CHRISTUS N°210
-
Marc LEBOUCHER
Lorsqu'à quelques encablures d'Orléans s'étire la Loire sablonneuse, la basilique de Saint-Benoît dresse sa flèche un peu massive. A sa manière, la flèche romane témoigne d'emblée de la beauté de la vie religieuse comme affirmation radicale, appel qui s'impose à travers le temps et l'espace, défiant le fleuve et la plaine. « La beauté, Dieu l'a partagée... », psalmodie un poète berbère. A sa manière, la vie religieuse en a sa part qui donne chair à l'intuition chrétienne.
Plus encore que de pierres, cette forme de beauté me parle d'abord de visages. Dans mon parcours de laïc engagé, des aumôneries de lycée au Service national des Vocations, dans mon travail d'éditeur religieux depuis près de vingt ans, nombre de figures de religieux et de religieuses m'ont marqué. A leur manière, tous ces visages, ces sourires, ces regards sont autant de contrepoints aux caricatures qu'on donne généralement de cet état de vie. Visage de cette franciscaine missionnaire de Marie en grand costume blanc qui, dans une France qui se remet vaille que vaille de la guerre d'Algérie, emmène une poignée de marmots parisiens, dont je suis, prier à la chapelle et les invite à se prosterner comme les fidèles d'Allah... Sourires de ces reli...
UNE VIE DANS LE REFUS DE LA VIOLENCE
CHRISTUS N°230
-
Marc LEBOUCHER

Albin Michel, 2009, 270 p., 18 euros.
Peu à peu, l’opinion a fini par faire connaissance avec le mouvement des cercles de silence lancés voici quelques années à Toulouse. L’initiative est simple : rester pendant une heure en silence sur une place publique pour protester contre les conditions de rétention administratives réservées actuellement aux sans-papiers. Pas de cris, pas de banderole, seule brille une petite lanterne au centre du cercle. D’une manière symbolique, ce geste de protestation entend manifester à sa manière une vraie solidarité avec les plus démunis de notre société.
À travers un dialogue avec Christophe Henning, le franciscain Alain Richard, fondateur des cercles, s’explique sur le sens de son combat. Si le courant de la non-violence s’est surtout illustré à travers les grandes figures de Gandhi, Martin Luther King ou Lanza del Vasto, il trouve ici de nouvelles formes en puisant à la source franciscaine. Avec une belle franchise, Alain Richard évoque ses années passées auprès des pauvres du Guatemala et dans les quartiers pauvres de Chicago, croisant ainsi des expériences diverses. Alternant réflexions personnelles et conversations avec son interlocuteur, il dessine une sorte de géographie de l’engagement contre la violence et...
LE JARDINIER DE TIBHIRINE ET LE VERBE S’EST FAIT FRÈRE
CHRISTUS N°230
-
Marc LEBOUCHER

Le succès inattendu du film de Xavier Beauvois Des hommes et des dieux n’a pas été sans contribuer au très bon accueil par le public de nouveaux ouvrages consacrés aux moines de Tibhirine. Parmi ceux-ci, Le jardinier de Tibhirine donne la parole, sous le mode du témoignage, au P. Jean-Marie Lassausse. Prêtre de la Mission de France, ce dernier assure depuis 2001 une présence au monastère de l’Atlas pour y cultiver les terres et signifier que l’Église ne l’a pas laissé à l’abandon. Mais plus qu’un simple lieu de mémoire, plus qu’un souvenir émouvant, Tibhirine incarne une forme de mystère, comme le souligne dans sa préface le cistercien dom André Barbeau : celui de l’ouverture à l’autre. Cette ouverture dont a vécu en particulier Christian de Chergé dans sa relation avec les musulmans, le P. Lassausse la poursuit en ayant le souci de l’enracinement, du dialogue avec la population locale, d’une fraternité partagée en dépit d’une situation politique et religieuse tendue. La spiritualité de la Mission de France prend ici le relais des intuitions des moines cisterciens.
Après ce témoignage tout en simplicité, l’ouvrage collectif Quand le Verbe se fait frère propose, quant &a...
L’ESPRIT DE TIBHIRINE
CHRISTUS N°240
-
Marc LEBOUCHER

Âgé de plus de quatre-vingt huit ans, le frère Jean-Pierre Schumacher est actuellement le dernier survivant des moines de Tibhirine, présent lors de l’enlèvement de ses sept frères en cette nuit de mars 1996, avant que ceux-ci ne connaissent la fin tragique que l’on sait. Vivant désormais au monastère de Midelt, au Maroc, dans le nord de l’Atlas, il s’est confié ici à Nicolas Ballet, journaliste au Progrès de Lyon. Récit tout en simplicité, son témoignage ne donne pas seulement une nouvelle relation de la nuit du rapt des moines et des signes qui ont pu l’annoncer, il entend préciser la démarche qui a pu animer la petite communauté. Marqué par l’événement dramatique qu’il a traversé, notre moine n’a pas succombé pour autant à la culpabilité du « survivant » sorti d’une épreuve collective : mieux, il avoue même ne pas avoir fait le « deuil » de ses frères exécutés comme on l’entend habituellement. Pour lui, ils sont bien vivants dans le Christ et présents lorsque la prière
réunit les religieux.
Touchant est en particulier le parcours monastique de frère Jean-Pierre, sans prétention ni ambition, de l’abbaye bretonne de Tim...
DE LA MUSIQUE COMME MÉDITATION SPIRITUELLE
CHRISTUS N°241
-
Marc LEBOUCHER
«Je suis à la porte et je frappe… » Ces mots de la cantate BWV 61 Nun komm, der Heiden Heiland (Viens, Sauveur des païens) de Jean-Sébastien Bach, exécutée en 1714 à Weimar pour le temps de l’Avent, résonnent toujours d’une tonalité particulière à nos oreilles. Dans ce récitatif établi selon les canons artistiques de l’époque, la voix de basse figure le Christ qui s’annonce dans son Église et va à la rencontre d’une âme humaine impatiente. Soutenu par des pizzicati de cordes qui illustrent les coups cognés à la porte, la mélodie s’attarde longuement sur le verbe « frapper» («Ich klopfe…») pour bien signifier l’insistance du Seigneur. Par une telle poésie, le compositeur délivre un message qui n’est pas simplement un accompagnement de paroles bibliques, mais tout un langage qui se déploie à l’intention du croyant. Véritable médiation et invitation à méditer aussi, elle rend plus sensible, plus audible, la voix du Christ. L’œuvre de Bach fourmille de tels exemples et, plus largement, continue à interroger notre lien à la musique comme médiation vers la foi. Pour autant, ce lien ne va plus de soi aujourd’hui. Nous ne sommes plus à l&...
UNE MYSTIQUE SANS DIEU
CHRISTUS N°247
-
Marc LEBOUCHER

Peut-on concevoir une « mystique sans Dieu », des états de conscience qui touchent à l’extase, au néant ou à un sentiment de joie ineffable sans les rapporter à une relation privilégiée avec le divin, à la présence d’un Autre ? Oui, répond sans hésiter l’écrivain Jean-Claude Bologne qui, après avoir consacré voici vingt ans un ouvrage au « Mysticisme athée », reprend le sujet en l’élargissant : « Le mysticisme tel que je le conçois est par nature athée, écrit-il, car il se situe en dehors de la divinité, pour le croyant comme pour l’incroyant. » Dès lors, ces phénomènes ne touchent pas seulement les religieux au sens strict, mais aussi très largement les écrivains, les poètes, qu’ils soient croyants ou non, un Apollinaire, un Borges, un Ionesco ou un Proust. Dans un premier temps, partant de sa propre histoire, l’auteur souligne qu’il s’agit d’abord d’une expérience limite, d’un vécu à la manière de cette fameuse madeleine de Proust qui déclenche un choc chez le narrateur de la Recherche, une « puissante joie » et une dilatation du moi. D’où l’importance d’écouter et de lire ceux qui en parlent. Un deux...
FRANÇOIS D’ASSISE, NOTRE FRÈRE...
01 JUILLET 2016
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Marc LEBOUCHER
« Ami et frère de toutes les créatures et de toute la création, il a répandu tant de sollicitude, de compréhension fraternelle à tous, de charité au sens le plus élevé, c’est-à-dire d’amour, que l’histoire lui a donné comme en échange une même sympathie et admiration affectueuse et générale. Tous ceux qui ont parlé de lui, écrit sur lui – catholiques, protestants, non-chrétiens, incroyants – ont été touchés et souvent fascinés par son charme.1 »Qui parle ainsi de François d’Assise?? Un pape, un religieux, un théologien?? Non, le grand historien du Moyen Âge Jacques Le Goff, qui ne faisait pourtant pas profession de foi catholique.À l’heure où l’on évoque le discrédit culturel du christianisme, son manque d’attrait face à d’autres traditions plus séduisantes, comme le bouddhisme, ou mieux identifiées, comme l’islam, la figure chrétienne de François résiste, étonnamment bien, aux yeux de nos contemporains. Au-delà des cercles confessionnels, des sphères d’influence de l’Église, le visage du Poverello continue d’intéresser et d’attirer. Il n’est que de scruter l’actualité éditoriale pour s’en rendre compte?: après les succès déjà anciens du Frère François de Julien Green, du livre Le Très-Bas de Christian Bobin ou de Sagesse d’un pauvre d’Éloi Leclerc, ce sont, tout récemment, les livres Assise, une rencontre inattendue de François Cheng, Saint François d’Assise de Virgil Tanase, Le passe-murailles de Michel Sauquet qui rencontrent les faveurs du public. À cela, on peut ajout...
LA FRATERNITÉ EN HÉRITAGE
28 JUIN 2016
-
Marc LEBOUCHER
Les Éditions franciscaines ont eu la bonne idée de réaliser cette anthologie du franciscain Éloi Leclerc, juste avant son décès le 16 mai dernier, qu’elles présentent comme son livre testament et qu’accompagne un CD mêlant musique et extraits de ses ouvrages. Voilà une incontestable opportunité de découvrir ou redécouvrir un auteur spirituel rare, qui a su jeter un regard renouvelé sur François d’Assise à la lumière, à l’ombre aussi, des drames du XXe siècle. Sa démarche a largement contribué en effet à délivrer le saint d’une image pieuse, nimbée de merveilleux, de mièvrerie et de petits oiseaux. C’est que, né en 1921, entré au noviciat franciscain en 1939, il sera envoyé en Allemagne dès 1943 par le Service du travail obligatoire (STO), avec plusieurs de ses frères, puis déporté à Cologne, à Buchenwald puis à Dachau. De retour en 1945, la santé brisée, il poursuivra sa vie religieuse en enseignant la philosophie et en publiant plus d’une vingtaine de livres. Comme l’exprime l’entretien ouvrant cet ouvrage, Éloi Leclerc reste marqué à vie par cette expérience de la déportation, nuit de la foi, exil où l’homme c&ocir...
FRANÇOIS D’ASSISE, NOTRE FRÈRE…
CHRISTUS N°251
-
Marc LEBOUCHER
« Ami et frère de toutes les créatures et de toute la création, il a répandu tant de sollicitude, de compréhension fraternelle à tous, de charité au sens le plus élevé, c’est-à-dire d’amour, que l’histoire lui a donné comme en échange une même sympathie et admiration affectueuse et générale. Tous ceux qui ont parlé de lui, écrit sur lui – catholiques, protestants, non-chrétiens, incroyants – ont été touchés et souvent fascinés par son charme. 1 »
Qui parle ainsi de François d’Assise ? Un pape, un religieux, un théologien ? Non, le grand historien du Moyen Âge Jacques Le Goff, qui ne faisait pourtant pas profession de foi catholique.
À l’heure où l’on évoque le discrédit culturel du christianisme, son manque d’attrait face à d’autres traditions plus séduisantes, comme le bouddhisme, ou mieux identifiées, comme l’islam, la figure chrétienne de François résiste, étonnamment bien, aux yeux de nos contemporains. Au-delà des cercles confessionnels, des sphères d’influence de l’Église, le visage du Poverello continue d’intéresser et d’attirer. Il n’est que de scruter l’actual...
LA FRATERNITÉ EN HÉRITAGE
CHRISTUS N°251
-
Marc LEBOUCHER

Préface d’Emmanuel Faber. Éditions franciscaines, 2015, 204 p., 19 €.
Les Éditions franciscaines ont eu la bonne idée de réaliser cette anthologie du franciscain Éloi Leclerc, juste avant son décès le 16 mai dernier, qu’elles présentent comme son livre testament et qu’accompagne un CD mêlant musique et extraits de ses ouvrages. Voilà une incontestable opportunité de découvrir ou redécouvrir un auteur spirituel rare, qui a su jeter un regard renouvelé sur François d’Assise à la lumière, à l’ombre aussi, des drames du XXe siècle. Sa démarche a largement contribué en effet à délivrer le saint d’une image pieuse, nimbée de merveilleux, de mièvrerie et de petits oiseaux. C’est que, né en 1921, entré au noviciat franciscain en 1939, il sera envoyé en Allemagne dès 1943 par le Service du travail obligatoire (STO), avec plusieurs de ses frères, puis déporté à Cologne, à Buchenwald puis à Dachau. De retour en 1945, la santé brisée, il poursuivra sa vie religieuse en enseignant la philosophie et en publiant plus d’une vingtaine de livres. Comme l’exprime l’entretien ouvrant cet ouvrage, Éloi Leclerc reste marqué &agrav...
AUTOUR DE CHARLES DE FOUCAULD
CHRISTUS N°252
-
Marc LEBOUCHER
En Charles de Foucauld et Thérèse de Lisieux, le père Yves Congar voyait volontiers deux figures phares de la spiritualité au XXe siècle, précurseurs des grandes intuitions de Vatican II. Le centenaire de la mort du premier et la proximité de sa canonisation à l’automne 2016 le remettent en avant, suscitant de nouveaux regards et une meilleure appréciation de son message. Dans le sillage de sa disparition, beaucoup en effet se sont réclamés du père de Foucauld, quitte à favoriser des approches très différentes du personnage et à choisir des options ecclésiales non moins contrastées.
C’est sa quête de radicalité qui fascine François Sureau dans l’essai Je ne pense plus voyager. Dans son Inigo, le romancier livrait un portrait sensible d’Ignace de Loyola, vu lors de la bataille de Pampelune : ici, c’est Foucauld, un autre militaire qui n’a en rien lui aussi la vocation des armes et va choisir un chemin tout autre. À partir de la mort tragique de ce dernier, Sureau remonte la piste, interroge l’ordinaire des archives pour mieux comprendre celui qui va se faire explorateur, sera attiré par la vie monastique avant d’être ordonné prêtre diocésain, puis de s’installer au désert. Dénuement et solitude qui vont finalement...
BOULEVERSANTE FRAGILITÉ
CHRISTUS N°253
-
Marc LEBOUCHER

Préface de Jean Vanier, Nouvelle Cité, coll. « Racines », 2016, 192 p., 18 €.
Si l'on connaît bien Christian Salenson, théologien lié à l'Institut catholique de la Méditerranée à Marseille, pour ses travaux consacrés à la spiritualité et à la pensée de Christian de Chergé, on sait moins sans doute qu'il travaille régulièrement avec la communauté de l'Arche fondée par Jean Vanier. Cet ouvrage est issu de cet accompagnement théologique. Alors que son titre peut paraître très large, évoquant cette « fragilité » très présente dans l'air du temps et considérée sur les plans psychologique comme spirituel, il se centre surtout sur la question du handicap.
Que se joue-t-il dans la rencontre et dans la vie communautaire « entre personnes porteuses de handicap et personnes qui accompagnent » ? La découverte essentielle et bouleversante que nous sommes tous en état de manque, de désir et de pauvreté devant l'Autre et devant Dieu. Même sans handicap, nous ne pouvons nous suffire à nous-mêmes. Le rite du lavement des pieds, particulièrement mis en valeur dans les communautés de l'Arche, est à l'image de ce Dieu vulnérable qui vient se...
LES PARABOLES DE JÉSUS
CHRISTUS N°253
-
Marc LEBOUCHER

L'Année sainte lancée par le pape François aura été une bonne occasion pour beaucoup de redécouvrir les paraboles évangéliques consacrées au thème de la miséricorde. Mais pour qui voudrait plonger davantage dans ce monde des paraboles, cet « imaginaire de Jésus » pour reprendre la belle formule de Bernard Sesboüé, ce nouvel ouvrage du bibliste Jean-Pierre Prévost répond tout à fait à cette attente. Si Jésus utilise ce genre littéraire familier à l'époque, c'est avant tout dans un but pédagogique, à l'instar du monde des rabbis de son temps. Cependant, si le mot grec de parabolè renvoie à l'idée de comparaison, le terme hébreu mashal a lui un sens beaucoup plus riche qui évoque aussi la fable, le proverbe, la chanson, l'exemple, la sentence… et la parabole elle-même. Nombre d'exemples témoignent dans l'Ancien Testament de ce genre littéraire foisonnant du mashal, comme chez Ézéchiel, Quohélet ou les livres attribués à Salomon.
Sur les quarante paraboles des évangiles, l'auteur choisit d'en commenter une vingtaine pour redécouvrir ce « trésor » que « la poussière des siècles et, qui sait, une trop longue accoutumance au cycle d...
A TRAVERS LA GRANDE ÉPREUVE
CHRISTUS N°254
-
Marc LEBOUCHER

Didier Rance - Artège, 344 p., 19,90 €.
Avec l'assassinat tragique du père Jacques Hamel en juillet 2016, le thème du martyre a directement rejoint notre actualité. Ici, Didier Rance choisit quant à lui de faire un indispensable travail de mémoire en évoquant les persécutions dont ont été victimes les chrétiens dans l'Europe de l'Est, au cours de la période communiste au XXe siècle. Historien et diacre de rite oriental, ancien directeur national de l'Aide à l'Église en détresse (AED), l'auteur a eu l'occasion de rencontrer ces témoins de la foi dans le cadre de son engagement. Il nous offre cette galerie de dix portraits, des évêques clandestins, des prêtres et des religieuses, mais aussi des laïcs qui ont fait preuve de courage et de don d'eux-mêmes au cours de ces années tragiques. Ainsi du père jésuite albanais Anton Luli, qui a connu la prison et la torture sous le régime d'Enver Hoxha, accusé de propagande religieuse et d'anticommunisme, de Nijolé Sadunaité, une véritable « Jeanne d'Arc balte » qui sait tenir tête à ses juges la condamnant à six ans de goulag pour avoir diffusé une revue catholique, ou de Mgr Ján Chryzostom Korec, « l'évêque en...
FRANCOIS D'ASSISE ET LA MISÉRICORDE
CHRISTUS N°255
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Marc LEBOUCHER

Né dans la dynamique de l'année de la Miséricorde, cet ouvrage enrichit cette notion d'une approche proprement franciscaine. Engagé de longue date auprès des plus pauvres, notamment avec ATD – Quart-Monde, à Madagascar ou à Marseille, le frère franciscain Frédéric-Marie Le Méhauté revient sur l'épisode de la rencontre avec les lépreux, moment de changement décisif dans la vie de saint François d'Assise, raconté en particulier dans le Testament. Dans un premier temps, il s'agit de renouer selon lui avec le mot même de miséricorde, tombé en désuétude, trop souvent opposé au terme de justice, voire évité dans nombre de traductions des écrits franciscains eux-mêmes. Étudiant de près ce récit de la Tradition à travers des versions différentes, l'auteur se demande ensuite en quoi François « fait miséricorde » auprès des plus pauvres. Ainsi, « l'épisode du baiser au lépreux n'est pas à lire dans la littéralité de l'événement mais comme rencontre exemplaire qui témoigne d'une conversion radicale… C'est avec les lépreux qu'il apprend la vie fraternelle, c'est avec les lépreux qu'il apprend à vivre la pauvreté...
QUATUOR MYSTIQUE
CHRISTUS N°255
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Marc LEBOUCHER

Cerf, 2017, 144 p., 12 €.
Qu'est-ce qui unit Jean de la Croix, Pierre Teilhard de Chardin, saint Silouane de l'Athos et Maurice Zundel ? Aux yeux de Charlotte Jousseaume qui en propose ici une évocation littéraire, ces quatre figures nous font découvrir de l'intérieur ce qu'est la mystique chrétienne dans son terreau charnel, au rebours d'une démarche intellectuelle : « Elle est une chair à chair. Une rencontre entre l'Homme et le Christ. Entre l'Homme et le Vivant » (p. 12). Il s'agit alors pour elle de pénétrer l'intimité de la prière de ces témoins mais aussi de leur alliance avec la vie et l'univers. Autre point commun, ces hommes de prière sont également « des compagnons de nuit, des phares dans la nuit ». Ils ont dû à un moment traverser les ténèbres et la déréliction, cette obscurité d'où peut jaillir la lumière.
Alors, sur ces quatre mystiques, Charlotte Jousseaume compose et imagine à travers des scènes suggestives. Nous voici dans la prison de Tolède avec Jean de la Croix, au rythme de la cloche, de la soif et de l'abandon, et jusqu'aux mouches qui bourdonnent autour de lui. Pourtant, remarque l'auteure, « Jean ne s'est pas noyé dans la nuit mais, en faisant un avec la nuit obscure, en vivant...
QUAND TU ÉTAIS SOUS LE FIGUIER...
CHRISTUS N°255
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Marc LEBOUCHER

« Quand tu étais sous le figuier, je t'ai vu… » C'est à partir du récit de Nathanaël dans l'évangile de Jean, qu'Adrien Candiard, dominicain résident au Caire connu par sa pièce Pierre et Mohamed et ses ouvrages sur l'islam, propose ces quelques « propos intempestifs » sur la vie chrétienne, ou plutôt sur la vocation chrétienne. Celle-ci n'est-elle pas, comme il le souligne d'emblée au départ, un appel au bonheur, même si nous avons parfois du mal à en parler ? « La vie chrétienne, c'est d'avoir le courage de ne pas renoncer à la joie » (p. 14). Mais, contrairement à bien des idées reçues, ce chemin ne peut se vivre que dans la singularité d'une histoire, et pas de manière programmée à l'avance : « Vivre sa vocation, c'est au contraire partir à l'aventure, à sa manière, qui ne ressemble exactement à aucune autre » (p. 15).
En une dizaine de chapitres alertes, inspirés à la fois par l'évangile de Jean, des réflexions spirituelles et son propre parcours d'homme et de religieux, Adrien Candiard nous entraîne sur ce chemin où l'amour de l'autre est « toujours dérangeant », où nous sommes atteints au c&o...
SAINT FRANÇOIS D'ASSISE - FRANÇOIS D'ASSISE ET DE MARSEILLE
CHRISTUS N°256
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Marc LEBOUCHER
Confirmant l'intérêt pour François d'Assise déjà évoqué dans cette revue (voir Christus n° 251), deux livres viennent particulièrement alimenter son actualité éditoriale. Réédition d'abord de l'ouvrage que lui consacrait en 1923 l'écrivain anglais Gilbert Keith Chesterton (1874-1936), converti au catholicisme et que l'on redécouvre désormais davantage dans un monde catholique français plus soucieux sans doute d'identité.
Présentation soignée pour ce texte, avec l'élégante et classique traduction d'Isabelle Rivière : publié entre les deux guerres, ce portrait de François d'Assise tente d'éviter deux écueils, faire du saint un « moderne », une sorte de « démagogue » démocrate, ou, à l'inverse, une figure de religieux excessif à l'ascétisme débridé. Non, insiste Chesterton : « Il fut jusqu'aux dernières angoisses de l'ascétisme un troubadour. Il fut un amoureux. Il fut un amoureux de Dieu ; et il fut réellement et véritablement un amoureux des hommes ; ce qui est peut-être une vocation mystique beaucoup plus rare. »
Issu d'un monde médiéval qui a su abandonner une relation païenne à la nature, François sait nou...
UN CHEMIN SANS CHEMIN
CHRISTUS N°257
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Marc LEBOUCHER

Avec sa manière bien à lui de ruminer sur l’humaine condition, de creuser et creuser à nouveau sur les « choses premières », Maurice Bellet s’arrête ici sur le désarroi de tous ceux qu’habitent le mal d’être, quand tout autour d’eux semble s’effondrer, que le chemin se dérobe. Avec des accents qui rappellent sa Traversée de l’en-bas (Bayard, 2013), il invite en trois méditations à regarder cette réalité en face. Un premier temps assez exigeant évoque ce moment de désert, l’énigme d’une traversée qui ne fait qu’aboutir sur le vide, moment de transgression et de remise en question des problématiques admises. Que se passe-t-il quand la foi se défait ? C’est le deuxième temps méditatif, marqué par le désarroi et le doute des croyants, où va comme s’épurer et s’éprouver la foi primordiale ; ainsi de la perception de Dieu ou celle de Jésus Christ : « Ce que signifie Jésus Christ lui-même et en personne, c’est déjà que tout passe en l’être humain, en chacun, chacune et toute l’Humanité. Il n’y a plus de puissance extérieure qui imposerait à l’Homme sa loi. Ce n’est pas un constat tranquille. » En eff...
DES RITES POUR RYTHMER LE QUOTIDIEN
CHRISTUS N°260
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Marc LEBOUCHER
Comment créer un lien, même ténu, entre le temps de Dieu, sa démarche de salut offerte ici et maintenant et nos vies quotidiennes ? Nos rythmes, nos rituels ou nos rites ne sont-ils pas les moyens d'apporter à nos jours le souffle qui sauve et redonne vie ?
« Le temps de Dieu est le meilleur des temps. En lui, nous avons la vie, le mouvement et l'être, aussi longtemps qu'il le veut, en lui nous mourrons, au moment dit, quand il veut. »1 Ainsi s'ouvre l'une des premières cantates de Jean-Sébastien Bach, puisant à un verset des Actes des Apôtres cette affirmation forte. Si un tel énoncé de foi trouvait naturellement écho dans la société entièrement religieuse où vivait le compositeur, que peut-il en être aujourd'hui dans un monde où la plupart des références croyantes ont disparu ? En d'autres termes, sans vouloir faire d'anachronisme ni de transposition pour le moins hasardeuse, comment recréer un lien, même ténu, entre « le temps de Dieu », sa démarche de salut offerte ici et maintenant et nos vies les plus quotidiennes ? Comment s'ajuster à cette autre temporalité, à différents niveaux : personnels, familiaux, sociaux ? C'est tout le défi auquel nombre de chrétiens sont confrontés.
Maître ou esclave du temp...
FRAGILITÉS & FRAGILITÉ
CHRISTUS N°261
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Marc LEBOUCHER
Dans l'une de ses dernières livraisons, la revue Sources vives, éditée par les Fraternités monastiques de Jérusalem, consacre tout un dossier à la fragilité, preuve s'il en était que ce thème préoccupe nos contemporains, à la frontière mouvante du psychologique et du spirituel. À côté de réflexions assez classiques, comme sur « la fragilité des forts » à propos de Moïse et d'Élie (Sr Marie-Laure), sur saint Paul et « l'écharde dans la chair » (P. Éric Morin), ou sur « la force de la fragilité » à partir de la Petite Voie de l'enfance spirituelle de Thérèse de Lisieux (Sr Catherine), on remarquera en particulier la contribution suggestive de Sr Marie-Aimée, qui propose une « petite phénoménologie biblique de la fragilité » à partir des trois mots de « fissure », de « faille » et de « fêlure ». Car si le terme de fragilité ne se trouve pas explicitement dans la Bible, son expérience y est bel et bien présente : c'est la « faille de la finitude humaine », mais aussi la « lézarde du péché » et peut-être plus encore la...
EN CHEMIN TRINITAIRE AVEC SAINT FRANCOIS D'ASSISE DE CARLO PAOLAZZI
CHRISTUS N°261
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Marc LEBOUCHER

À cause de son insistance sur la Crèche et la Croix, de sa dévotion au Christ de Saint-Damien ou de son identification étroite aux souffrances de la Passion, on pourrait croire l'expérience de saint François d'Assise trop exclusivement christocentrique. Au fil d'un propos destiné d'abord aux laïcs qui veulent se former dans le sillage de la spiritualité franciscaine, le théologien Carlo Paolazzi veut en souligner ici la dimension fortement trinitaire, et ce à partir des écrits de François lui-même. Car le Seigneur Jésus est si présent chez le saint d'Assise, il est vu d'abord « comme modèle suprême d'humilité et de pauvreté, d'obéissance et d'amour du Père et du prochain ». La prière se veut avant tout invitation à se tourner vers le Père, qui fonde la fraternité authentique. Nombreuses sont aussi les références à l'Esprit dans les écrits franciscains, un Esprit qu'il faut désirer, source de vertus et de purification. En ce sens, les croyants sont invités « à ne jamais séparer la parole de Dieu de sa source originelle, à l'entendre toujours comme la manifestation vivante de la vérité et de l'amour trinitaire, qui sont apparus dans la personne du Verbe incarné et continuent d'agir mys...
UN BONHEUR SANS MESURE & LE BONHEUR OU ON NE L'ATTEND PAS
CHRISTUS N°261
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Marc LEBOUCHER
« Qui nous fera voir le bonheur ? » On connaît l'interrogation du psaume 4 et, bien des siècles après, les publications continuent de fleurir sur ce thème. À travers une approche philosophique qui n'entre pas volontairement dans le champ religieux, Laurence Devillairs s'élève avec vivacité contre une perception contemporaine qui voit celui-ci comme une succession de petits moments, de « clichés », d'« instantanés » nous incitant à vivre toujours mieux. C'est au fond « le bonheur, si je veux », une « diététique du minuscule » faite de « menus plaisirs » ou « petits bonheurs », vantés par les manuels de psychologie positive ou ces théories du flow qui invitent à se couler dans le « flux de la vie ». Cette attitude n'est-elle pas la « nouvelle dévotion » d'individus déçus des idéologies et du bonheur public, voire des religions ? Or, nous voyons bien, remarque l'auteur, que les questions existentielles, notre blessure originelle ou notre peur de la mort ne peuvent se dissoudre dans la simple jouissance du « moment présent », pour reprendre la formule d'Eckhart Tolle. Le bonheur ne se réduit pas au bien-&...
OUVRIR L'ESPACE DU CHRISTIANISME DE MYRIAM TONUS
CHRISTUS N°262
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Marc LEBOUCHER

Moins d'un an seulement après la disparition de Maurice Bellet (1923-2018), il revient à Myriam Tonus, laïque dominicaine et théologienne belge, de proposer le premier essai d'ensemble sur son œuvre. D'emblée, elle use d'une image tout à fait parlante pour décrire la dynamique intellectuelle qui a animé le prêtre diocésain, théologien et philosophe qu'il était : « Explorant les grands abîmes – celui du cœur humain et de ce que l'on nomme "Dieu" –, la quête de Maurice Bellet s'apparente, en quelque sorte, à ces carottiers qui forent le sol, en tournant lentement, afin de pénétrer jusqu'aux couches les plus profondes, au point d'atteindre des strates géologiques remontant aux origines de la Terre. »
Pour nous introduire à son travail, Myriam Tonus se livre à la fois à un exercice d'admiration tout en proximité, mais aussi de présentation construite. Sans pour autant enfermer Bellet dans une forme de système, elle essaie néanmoins de dégager une cohérence interne dans un vaste corpus de livres ou d'articles. L'exercice ne va pas de soi pour une œuvre polyphonique qui a su toucher à de nombreux domaines : théologie, philosophie, psychanalyse mais aussi littérature, économie voire politique...
BACH, MAÎTRE SPIRITUEL D'ALAIN JOLY
CHRISTUS N°263
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Marc LEBOUCHER
Un maître de vie spirituelle, Jean-Sébastien Bach, lui qu'on écoute aujourd'hui plus fréquemment dans les salles de concert que durant les offices religieux dans les églises ? Il revient au pasteur Alain Joly, de l'Église évangélique luthérienne de France à Paris, de le montrer dans un essai enlevé qui n'est pas une biographie ni une étude musicologique sèche, mais davantage une approche « impressionniste » qui procède par courts chapitres. Autour de la figure du cantor de Leipzig, on croise aussi Fanny Mendelssohn, Ingmar Bergman, la chanteuse Barbara ou la pianiste Zhu Xiao-Mei, mais on entre surtout par de multiples portes dans une œuvre au goût d'infini, qui déploie à sa manière toute une prédication chrétienne. Car loin d'être un simple fonctionnaire d'Église, le musicien témoigne d'une vision théologique imprégnée de la Bible relue par Martin Luther : y domine en particulier une dimension christologique très forte, le sens de l'incarnation et de la rédemption par la Croix, la relation du croyant à son Dieu. Ses compositions qui s'adressent directement à l'auditeur de son temps, par le biais des chorals, cantates ou passions, l'invitent en permanence à l'expérience d'une foi personnelle et d'un salut centré sur le Ch...
CATHOLIQUE DEBUTANT
CHRISTUS N°263
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Marc LEBOUCHER
Préface de Thierry Bizot, Tallandier, « Spiritualités », 2018, 224 p., 16,90 €.Comme la langue d'Ésope, le genre littéraire du témoignage spirituel peut recouvrir le meilleur ou le pire, avec toujours le risque du voyeurisme ou du débordement affectif. Il a fallu certainement du courage à Julien Leclercq pour évoquer ici son itinéraire vers le baptême, tant l'auteur n'hésite pas ici à parler de ses propres failles personnelles, sans pour autant s'y complaire. Il est vrai que pétri de culture littéraire, directeur de la rédaction de la revue Nouveau Cénacle, il sait ponctuer son récit de conversion de nombreuses références littéraires ou plus spirituelles qui, sans être pesantes, lui permettent d'appuyer son propos. À la différence de son préfacier Thierry Bizot qui se définissait comme un Catholique anonyme, il déclare être lui un catholique débutant. Venu d'une famille athée de grande banlieue populaire, lui-même passé par l'extrême gauche et un marxisme dur, il va peu à peu se trouver bousculé par des questions existentielles, notamment l'expérience de la mort de proches : ainsi, à travers la perte d'un ami cher et surtout celle d'une grand-mère croyante, dont l'agonie qui suit un acci...
POUR UNE ALTERNATIVE CATHOLIQUE
01 AVRIL 2020
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Marc LEBOUCHER
Cerf, 2017, 224 p., 18 €.Les récents débats de société autour de l'éthique et de la famille, les échéances électorales aussi, ont vu le retour d'un certain nombre de catholiques dans l'espace public. D'où le souci du philosophe Jean-Noël Dumont, fondateur du Collège supérieur, de donner quelques éléments de réflexion pour mieux refonder une « théologie politique » à leur usage, mais aussi éviter certaines dérives. Sans vouloir recréer une théocratie, il s'agit de proposer une « alternative catholique » en faisant « vivre au cœur de la Cité une communauté qui reconduit l'action à sa fin surnaturelle, ce qui est la source de toute liberté ». En ce sens, en insistant sur l'importance du signe donné par la communion eucharistique comme modèle d'un autre monde de fraternité et de paix, l'auteur se réclame des théologiens de la Radical Orthodoxy, en particulier de l'américain William Cavanaugh. Cette communion, cette alliance nouvelle invitent à agir dans l'Histoire. À un croyant pris entre marginalité et engagement, voire entre identité et enfouissement, il s'agit de redire que le principe du « Rendez à César… »...
EMERVEILLEMENT ET MINORITE
01 AVRIL 2020
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Marc LEBOUCHER
Tallandier, « Spiritualité », 2019, 208 p., 17,90 €.Après plusieurs livres consacrés à François d'Assise (Le passe murailles [Éditions franciscaines, 2015], Le drapier d'Assise [Salvator, 2016]), ainsi qu'un essai sur Éloi Leclerc ou l'espérance franciscaine (Salvator, 2018), on ne s'étonne pas de voir Michel Sauquet, essayiste et enseignant à Sciences Po, nous proposer cette présentation alerte de la spiritualité franciscaine et son actualité. Comment comprendre en effet que la figure de François, le courant qu'elle irrigue, continuent d'intéresser nos contemporains ? Sans doute est-ce d'abord dû à la puissance dynamique de « l'élan franciscain » dont témoigne la vie du saint à travers son sens de la « joie parfaite », un dynamisme qui fait l'objet de la première partie de cet ouvrage. Cet élan n'est pas tourné vers lui-même, comme nos modernes selfies, mais invite à la contemplation jusqu'à l'émerveillement, jusqu'à la découverte de l'intelligence d'un Dieu trinitaire, ainsi qu'à celle de l'intelligence de l'autre, illustrée par exemple dans l'interculturel qui nous marque de plus en plus. Les grandes rencontres de la vie de François – telles celles du lépreux,...
SAINT BENOIT
01 AVRIL 2020
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Marc LEBOUCHER
Perrin, 2019, 450 p., 23 €.« Écoute mon fils, entends les préceptes du maître, prête l'oreille de ton cœur… » Depuis des siècles, le monde monastique ne cesse de se référer à la Règle de saint Benoît. Mais, au fait, que sait-on vraiment de ce dernier ? Comme le souligne l'essai de l'historien Odon Hurel, directeur de recherche au CNRS, la figure de Benoît de Nursie (480-547) serait restée obscure si elle n'avait été présentée et reconstruite par la suite à travers les Dialogues de Grégoire le Grand (540-604), pape soucieux de montrer à travers elle un idéal de vie cénobitique. Le contexte de l'époque, l'Italie des premiers siècles, est largement marqué par le souci de réguler la vie religieuse par l'héritage du droit romain, dans le sillage de l'empereur Justinien notamment. Si la fameuse Règle peut lui être communément attribuée, Benoît n'est pas pour autant un fondateur, davantage sans doute un réformateur et un chercheur de Dieu favorisé par les choix politiques de son temps. Selon la vision hagiographique de Grégoire le Grand, « Benoît apparaît comme le champion d'un monachisme équilibré, cimenté par la prière personnelle et collective, mais...
POUR UNE ALTERNATIVE CATHOLIQUE
01 AVRIL 2020
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Marc LEBOUCHER
Suivi de trois études sur Montalembert, Péguy, Cavanaugh, Cerf, 2017, 224 p., 18 €.Les récents débats de société autour de l'éthique et de la famille, les échéances électorales aussi, ont vu le retour d'un certain nombre de catholiques dans l'espace public. D'où le souci du philosophe Jean-Noël Dumont, fondateur du Collège supérieur, de donner quelques éléments de réflexion pour mieux refonder une « théologie politique » à leur usage, mais aussi éviter certaines dérives. Sans vouloir recréer une théocratie, il s'agit de proposer une « alternative catholique » en faisant « vivre au cœur de la Cité une communauté qui reconduit l'action à sa fin surnaturelle, ce qui est la source de toute liberté ». En ce sens, en insistant sur l'importance du signe donné par la communion eucharistique comme modèle d'un autre monde de fraternité et de paix, l'auteur se réclame des théologiens de la Radical Orthodoxy, en particulier de l'américain William Cavanaugh. Cette communion, cette alliance nouvelle invitent à agir dans l'Histoire. À un croyant pris entre marginalité et engagement, voire entre identité et enfouissement, il s'agit de redire que le pr...
SAINT BENOIT, D'ODON HUREL
CHRISTUS N°266
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Marc LEBOUCHER

« Écoute mon fils, entends les préceptes du maître, prête l'oreille de ton cœur… » Depuis des siècles, le monde monastique ne cesse de se référer à la Règle de saint Benoît. Mais, au fait, que sait-on vraiment de ce dernier ? Comme le souligne l'essai de l'historien Odon Hurel, directeur de recherche au CNRS, la figure de Benoît de Nursie (480-547) serait restée obscure si elle n'avait été présentée et reconstruite par la suite à travers les Dialogues de Grégoire le Grand (540-604), pape soucieux de montrer à travers elle un idéal de vie cénobitique. Le contexte de l'époque, l'Italie des premiers siècles, est largement marqué par le souci de réguler la vie religieuse par l'héritage du droit romain, dans le sillage de l'empereur Justinien notamment. Si la fameuse Règle peut lui être communément attribuée, Benoît n'est pas pour autant un fondateur, davantage sans doute un réformateur et un chercheur de Dieu favorisé par les choix politiques de son temps. Selon la vision hagiographique de Grégoire le Grand, « Benoît apparaît comme le champion d'un monachisme équilibré, cimenté par la prière personnelle et collective, mais aussi par un souci permanent de la réconciliation, animé par un discernement individuel qui ne s'arrête jamais aux apparences sociales ».
Il faut donc voir à partir de certains traits de la vie du saint la recherche de cet idéal de vie religieuse : la référence au corbeau biblique qui nourrit dans le désert, la prière et le combat spirituel contre le...
EMERVEILLEMENT ET MINORITÉ DE MICHEL SAUQUET
CHRISTUS N°266
-
Marc LEBOUCHER

Après plusieurs livres consacrés à François d'Assise (Le passe murailles [Éditions franciscaines, 2015], Le drapier d'Assise [Salvator, 2016]), ainsi qu'un essai sur Éloi Leclerc ou l'espérance franciscaine (Salvator, 2018), on ne s'étonne pas de voir Michel Sauquet, essayiste et enseignant à Sciences Po, nous proposer cette présentation alerte de la spiritualité franciscaine et son actualité. Comment comprendre en effet que la figure de François, le courant qu'elle irrigue, continuent d'intéresser nos contemporains ? Sans doute est-ce d'abord dû à la puissance dynamique de « l'élan franciscain » dont témoigne la vie du saint à travers son sens de la « joie parfaite », un dynamisme qui fait l'objet de la première partie de cet ouvrage. Cet élan n'est pas tourné vers lui-même, comme nos modernes selfies, mais invite à la contemplation jusqu'à l'émerveillement, jusqu'à la découverte de l'intelligence d'un Dieu trinitaire, ainsi qu'à celle de l'intelligence de l'autre, illustrée par exemple dans l'interculturel qui nous marque de plus en plus. Les grandes rencontres de la vie de François – telles celles du lépreux, du loup de Gubbio ou du sultan – en témoignent abondamment.
Dans une seconde part...
DÉSIR ET UNITÉ
CHRISTUS N°267
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Marc LEBOUCHER
Tallandier, « Spiritualité », 2019, 224 p., 17,90 €.À ceux qui continuent d'avoir une image sombre de saint Augustin, considéré exclusivement comme l'inventeur du péché originel, de la prédestination et d'une vision pessimiste de l'homme, Emmanuel-Marie Le Fébure du Bus apporte ici un démenti efficace dans cette présentation renouvelée de la spiritualité augustinienne. Si on le désigne habituellement comme le « Docteur de la grâce » et sans contredire cette belle expression, l'auteur insiste quant à lui sur l'appréciation positive du désir humain présente chez l'évêque d'Hippone, qui est désir de Dieu, aspiration à une unité perdue au moment de la chute. Retrouver cette unité, cette adéquation avec l'amour divin quand l'homme est déconnecté de celui-ci, blessé par le péché, habité par ces « convoitises » qui échappent aussi à sa volonté, tel est le chemin proposé par la démarche augustinienne.Deux parties composent cet ouvrage très fluide : une brève biographie d'Augustin d'abord, puis « sept portes » pour entrer dans sa spiritualité, chaque chapitre se concluant par une piste de méditation avec de...
HISTOIRE DE CELUI QUI DÉPENSA TOUT ET NE PERDIT RIEN
CHRISTUS N°268
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Marc LEBOUCHER
« Père, je veux partir ! » Avec son talent d'écrivaine soucieuse des traditions spirituelles et des mythes, Jacqueline Kelen s'essaye ici à réécrire la parabole évangélique de l'enfant prodigue, non sous la forme d'un récit classique mais en entrant dans les sentiments des différents personnages mis en scène. Chacun d'entre eux s'exprime à la première personne pour partager ses états d'âme, mais aussi, de manière plus originale, se réfère aux textes de l'Ancien Testament. Ainsi le père évoque-t-il la sagesse de Qohélet, le fils parti la situation de Jonas à Ninive, l'aîné l'épisode de Caïn et d'Abel… Il y a là un réel effort d'imagination des scènes et des sentiments intimes qu'elles suscitent. Celui-ci va d'ailleurs jusqu'à la fiction, enrichissant la parabole de nouveaux personnages. Dans une sorte de longue conclusion, Jacqueline Kelen propose sa propre interprétation du récit de Luc : se démarquant d'une explication psychologique, elle interroge aussi la tradition chrétienne dominante qui se focalise exclusivement, de manière souvent négative à ses yeux, sur la thématique du pêcheur repenti. Seuls sont mis en valeur l'amour du père, la miséricorde divine, souligne l'auteure. Plutôt que de se flageller, de ressasser son péché, le fils prodigue obéit davantage à ce mouvement de teshouva dont parle le judaïsme, une transformation de vie radicale. Se réclamant d'une tradition gnostique présente chez Maître Eckhart insistant sur « l'homme intérieur », l'auteure voit d'abor...
PLEURER SANS POURQUOI
CHRISTUS N°268
-
Marc LEBOUCHER

Comment comprendre qu'à certains moments, la grâce des larmes nous soit donnée sans pourquoi, sans raison apparente ? Il faut y voir alors un « don » de Dieu au sens de « charisme », explique ici le frère Xavier Loppinet, dominicain et spécialiste de théologie mystique, dans cet essai qui évoque des expériences et figures spirituelles diverses. Plus important que celui qui pleure, ce don parle du « donateur des larmes », Dieu lui-même : « On peut bien pleurer comme une fontaine, mais pour qu'il y ait fontaine, il faut bien qu'il y ait une source. » À travers onze chapitres scandés d'autant d'excursus, l'auteur ne nous délivre pas un propos purement linéaire sur le sujet mais propose nombre d'illustrations et de questions suggestives. Évoquant « la Bible citerne de larmes », il s'attarde ainsi sur l'épisode de Joseph et de ses frères, sur les larmes du psalmiste qui n'ont rien d'une vaine prière, sur la figure de Jésus vu comme « maître ès larmes » : « Ses larmes récapitulent, prennent en compte et assument toutes les détresses humaines. Même si les hommes ne pleurent pas, lui pleure à leur place. » Poursuivant son parcours, l'auteur rencontre ensuite les larmes de Pierre, nées du « regard du Christ », celles de Marie Madeleine aussi : « On gardera toujours d'elle l'image de la pécheresse abandonnée et consolée comme si ses larmes restaient finalement sa meilleure prédication. » « Heureux ceux qui pleurent », nous dit la fameuse béatitude, qui invite l'auteur à distinguer...
DE L'HOMME DIVISÉ À L'HOMME DIVINISÉ
CHRISTUS N°269
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Marc LEBOUCHER
Parole et Silence, 2020, 146 p., 14 €.L'année 2021 marque le deuxième centenaire de la naissance de Dostoïevski et offre l'occasion de découvrir ou de se replonger dans une œuvre romanesque qui porte éminemment la question spirituelle1. L'ouvrage ramassé et modeste au bon sens du terme du père André Brombart, religieux augustin de l'Assomption et ancien assistant du supérieur général des Assomptionnistes, peut constituer une excellente introduction au monde de l'écrivain russe et à sa vision de l'homme. Car c'est tout un regard anthropologique qui se dégage de l'imaginaire de celui-ci, porté sur un homme blessé et divisé, un « double » en quête d'unification au prix d'un intense combat spirituel. Parcourant la galerie des personnages qui incarnent cette lutte intérieure, tels le Raskolnikov de Crime et châtiment ou le Prince Mychkine de L'idiot, l'auteur invite à appréhender des romans où les récits sont enchâssés les uns dans les autres comme autant de fascinantes « poupées russes ». Ce sont des personnages d'humiliés, de femmes ou de jeunes filles, violées ou prostituées, qui résonnent toujours aussi fortement à nos yeux à travers l'actuelle question des abus sexuels, où par cer...
FACE À L'INJUSTICE
CHRISTUS N°269
-
Marc LEBOUCHER

Aujourd'hui, la colère semble, de plus en plus souvent, être le seul moyen de se faire entendre dans notre société globalisée, cela appelle à la reconsidérer.
« Et maintenant, vous nous entendez1 ? » Inscrit en lettres capitales sur un mur de Minneapolis en mai 2020, après les émeutes suivant la mort de George Floyd, ce simple tag résume bien des colères de notre monde d'aujourd'hui. Au-delà des seules revendications des noirs américains, encore victimes de nombre de discriminations, il exprime par ces mots le cri d'une souffrance qui ne peut s'exprimer que par des réactions violentes. Il jette à la face d'une société son incapacité à répondre à l'injustice. Jusqu'où devons-nous aller pour que vous vouliez bien nous entendre, enfin ? Jusqu'où ?
Si, voici près d'un siècle, Steinbeck pouvait écrire Les raisins de la colère (1939) pour faire écho à la voix des fermiers victimes de la crise, il s'agit pour nous désormais de mieux percevoir les appels de ceux qui ne peuvent se faire entendre que par l'excès d'un cri. Comprendre ces colères invite nécessairement à poser sur elles un diagnostic renouvelé, pour y faire la part d'ambiguïté et d'authenticité. Au carrefour du collectif et de l'intériorité, de telles expressions ne peuvent trouver une issue que si des voix les médiatisent, pour mieux trouver des chemins d'incarnation et de justice.
Ambiguïté de « l'Âge de la colère »
Vivons-nous vraiment le temps des colères, voire « l'Âge de la colère2 », pour reprendre le titre si...
LA LOI DE LIBERTÉ
CHRISTUS N°270
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Marc LEBOUCHER

Postface de Bernard Bouyssou, Bayard, 2020, 320 p., 18,90 €.
La critique de la société technicienne qu'il a pu développer voici quelques décennies conduit à l'actuelle redécouverte de l'œuvre de Jacques Ellul (1912-1994), historien du droit, sociologue et théologien protestant. Dans ce texte inédit, transcrit à partir d'un séminaire donné sur l'épître de Jacques en 1978, l'auteur s'attaque au commentaire d'un écrit qui n'a pas toujours eu bonne presse dans la tradition réformée, Luther l'appelant même « l'épître de paille ». Saint Jacques, on le sait, semble insister davantage sur les œuvres que sur la foi, d'une plume radicale et jugée brutale pour certains. Si, plus près de nous, un théologien comme Dominique Collin a pu souligner combien cette lettre invite à ranimer « une foi qui serait désactivée de toute mise en œuvre1 », pour mieux « ébranler la suffisance du monde », Ellul quant à lui tente de dégager la logique interne de celle-ci en la commentant verset par verset. Au départ, l'épître semble vouloir répondre à des questions diverses comme le service des autres, l'épreuve de la foi, la souffrance, le rapport à l'argent. On s'attendrait donc à recevoir une leçon de morale, mais saint Jacques, explique Ellul, nous invite d'abord à vivre dans la joie l'épreuve du croire, à accueillir la Parole comme une création nouvelle. Surtout, il propose « d'entrer dans la loi de liberté », comme saint Pierre dans les Actes des Apôtres, convié à consommer des aliments impurs. N'...
SAINT AUGUSTIN
CHRISTUS N°270
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Marc LEBOUCHER

Nouvelle Cité, « Racines », 2019, 376 p., 23 €.
Professeure à l'Université de Lorraine, spécialiste des Pères de l'Église et directrice de l'Encyclopédie saint Augustin parue au Cerf en 2005, Marie-Anne Vannier signe ce nouveau volume consacré à l'évêque d'Hippone. À rebours d'une simple introduction à son œuvre, elle rassemble ici de nombreux articles qui tentent de cerner les trois grandes dimensions de saint Augustin, « pasteur, théologien et maître spirituel ». Si le genre littéraire du recueil montre ses limites, les contributions étant ici d'une longueur et d'une technicité inégales, aboutissant aussi à de nombreuses redites, ce travail invite néanmoins à s'arrêter sur nombre d'aspects d'une pensée foisonnante et toujours à approfondir. Alors que la biographie d'Augustin propose à sa manière une herméneutique de la conversion, manifestée notamment à travers ses Confessions, tout à la fois vues comme aveu des fautes, profession de foi et louange au Créateur, elle invite très vite aussi à considérer le pasteur qu'il fut. C'est cette dimension pastorale, premier temps du présent ouvrage, qui conduit Augustin à témoigner d'un grand souci du peuple de Dieu, à expliciter les Écritures, à prêcher avec sollicitude comme sur une « échelle » qui irait sans cesse « de bas en haut et de haut en bas », à proposer une mystagogie efficace. Dans une deuxième partie, la plus fournie, l'auteure aborde la dimension théologique, nécessairement attendue : si le Père de l'Église ne propo...
LA LOI DE LIBERTÉ
01 AVRIL 2021
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Marc LEBOUCHER
Postface de Bernard Bouyssou, Bayard, 2020, 320 p., 18,90 €.La critique de la société technicienne qu'il a pu développer voici quelques décennies conduit à l'actuelle redécouverte de l'œuvre de Jacques Ellul (1912-1994), historien du droit, sociologue et théologien protestant. Dans ce texte inédit, transcrit à partir d'un séminaire donné sur l'épître de Jacques en 1978, l'auteur s'attaque au commentaire d'un écrit qui n'a pas toujours eu bonne presse dans la tradition réformée, Luther l'appelant même « l'épître de paille ». Saint Jacques, on le sait, semble insister davantage sur les œuvres que sur la foi, d'une plume radicale et jugée brutale pour certains. Si, plus près de nous, un théologien comme Dominique Collin a pu souligner combien cette lettre invite à ranimer « une foi qui serait désactivée de toute mise en œuvre1 », pour mieux « ébranler la suffisance du monde », Ellul quant à lui tente de dégager la logique interne de celle-ci en la commentant verset par verset. Au départ, l'épître semble vouloir répondre à des questions diverses comme le service des autres, l'épreuve de la foi, la souffrance, le rapport à l'argent. On s'attend...
SAINT AUGUSTIN
01 AVRIL 2021
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Marc LEBOUCHER
Nouvelle Cité, « Racines », 2019, 376 p., 23 €.Professeure à l'Université de Lorraine, spécialiste des Pères de l'Église et directrice de l'Encyclopédie saint Augustin parue au Cerf en 2005, Marie-Anne Vannier signe ce nouveau volume consacré à l'évêque d'Hippone. À rebours d'une simple introduction à son œuvre, elle rassemble ici de nombreux articles qui tentent de cerner les trois grandes dimensions de saint Augustin, « pasteur, théologien et maître spirituel ». Si le genre littéraire du recueil montre ses limites, les contributions étant ici d'une longueur et d'une technicité inégales, aboutissant aussi à de nombreuses redites, ce travail invite néanmoins à s'arrêter sur nombre d'aspects d'une pensée foisonnante et toujours à approfondir. Alors que la biographie d'Augustin propose à sa manière une herméneutique de la conversion, manifestée notamment à travers ses Confessions, tout à la fois vues comme aveu des fautes, profession de foi et louange au Créateur, elle invite très vite aussi à considérer le pasteur qu'il fut. C'est cette dimension pastorale, premier temps du présent ouvrage, qui conduit Augustin à témoigner d'un grand souci du peuple de...
L'EMPATHIE FAIT DES MIRACLES - L'EMPATHIE A L'ECOLE DU CHRIST
CHRISTUS N°271
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Marc LEBOUCHER

Éditions jésuites – Fidélité, 2020, 156 p., 15 €.Préface d'Emmanuel Durand, Éditions du Carmel, « Recherches carmélitaines », 2020, 192 p., 18 €.Depuis quelques années, le mot « empathie » fait florès dans les médias et rien n'apparaît plus critiquable pour un responsable politique que de ne pas exprimer publiquement cette attitude lorsque survient un drame. Mais que se cache-t-il vraiment sous ce terme, proche de celui de « sympathie », ou de cette « compassion » que valorise une spiritualité orientale comme le bouddhisme ? Deux ouvrages très différents donnent une idée de cet intérêt et tentent de mieux la définir, jusqu'à essayer d'en trouver des traductions concrètes.À travers une approche brève mais dense, le père Maximilien-Marie Barrié, carme déchaux et maître des novices, se propose de fonder au plan philosophique, théologique et même scientifique ce qu'il appelle l'empathie à l'école du Christ. Se référant à la pensée phénoménologique d'Édith Stein, il définit cette notion sous trois aspects : « Il s'agit d'un acte de connaissance qui permet en premier lieu de constater la p...
LA VULNÉRABILITÉ OU LA FORCE OUBLIÉE
CHRISTUS N°273
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Marc LEBOUCHER

Le Passeur, 2020, 288 p., 20,90 €.
Avec la pandémie de Covid-19, la question de la vulnérabilité humaine a fait retour de manière massive chez nos contemporains. D'où le souci du philosophe Bertrand Vergely d'interroger celle-ci, avec ses ambiguïtés mêmes : venant du latin vulnus qui signifie « blessure », le terme de « vulnérabilité » signifie que nous pouvons tous être blessés. Mais s'il alerte sur une blessure potentielle ou réelle, il renvoie aussi à une double réalité, matérielle et morale. Pour affronter les difficultés de la vie, l'être humain ne doit-il pas faire preuve de force ou du moins concilier le fort et le faible ? Trois parties jalonnent la démarche de Vergely, tout à la fois marquée en filigrane par la tradition orthodoxe et, de manière plus explicite, par les mythes philosophiques et la sagesse imagée des fables de La Fontaine. Un premier temps rappelle la nécessité de l'exigence car, nous dit saint Thomas d'Aquin cité par l'auteur, « la faiblesse n'est pas une vertu ». Au cours d'une vie qui se révèle un combat, nous avons à faire preuve de vigilance et de résistance à l'exemple de Job, qui n'est pas d'abord celui qui se plaint de son épreuve : « À cet égard, il est l'incarnation du principe selon lequel, dans la vie, il faut se battre et se battre sans faille. » Non sans polémique, Vergely s'en prend à une vision de la foi qui exalterait une forme de mollesse : « S'il y a un christianisme profond, il y a un populisme chrétien qui pense bien faire en c...
UN DIALOGUE IMPOSSIBLE ?
CHRISTUS N°274
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Marc LEBOUCHER

Les crises se succèdent, les incompréhensions et affrontements entre générations augmentent, la gouvernance est mise à mal… L'une des causes n'en serait-il pas un dialogue devenu difficile et même impossible ?
Crise de la Covid-19 et des médiations politiques, incertitudes économiques, épuisement de la planète, mais aussi scandales dans l'Église, ébranlement de repères éthiques… Face à des réalités aussi diverses, nos contemporains n'aspirent-ils pas, même de manière confuse, à des conditions de vie renouvelées, à cette forme de bien commun qui pourrait tracer un horizon de sens ? Encore faut-il, pour dessiner celui-là au-delà de la seule somme des intérêts particuliers, pouvoir se parler et dialoguer ensemble. Or, il semble que cela n'aille pas très fort du côté du dialogue, ces temps-ci. Si, à d'autres moments critiques de l'histoire, des sursauts ont été rendus possibles, pensons à la construction européenne après la Deuxième Guerre mondiale ou à la réunification allemande après la chute du mur de Berlin, si des prises de conscience collectives ont permis d'imaginer ensemble des solutions, il semble que nous ayons plus de mal désormais à nous écouter dans ce but. Domine davantage le sentiment confus d'un ressentiment permanent, fait de colères, de frustrations et d'accusations réciproques. Comment alors démêler ce nœud qui empêche nos destins communs de se forger et d'avancer ?
La grande désillusion
C'est devenu un lieu commun que de dénoncer la fin des grands récits o...
LE COURAGE DE LA NUANCE, JEAN BIRNBAUM
CHRISTUS N°274
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Marc LEBOUCHER

Seuil, 2021, 144 p., 14 €.
C'est pour réagir contre l'atmosphère d'intolérance si préjudiciable au débat public que Jean Birnbaum, directeur du « Monde des livres », publie ce Courage de la nuance, montrant que les plus vindicatifs ne sont pas nécessairement les plus audacieux. Plutôt que de se livrer à un propos abstrait, l'auteur nous offre une galerie de portraits de penseurs, d'écrivains ou de témoins qui ont su incarner cet art de la nuance, à la fois par leurs écrits et leur vie même. À leur propos, on pourrait parler de liberté spirituelle, même si ceux-ci ne se réclament pas d'une confession, pour la plupart. Si l'on ne s'étonne pas d'y trouver Albert Camus toujours sur la ligne de crête, Raymond Aron analyste lucide des conflits du monde ou George Orwell s'inquiétant des phénomènes totalitaires, si toute la place est laissée à une Hannah Arendt soucieuse des amitiés intellectuelles et au regard acéré du sémiologue Roland Barthes, on se réjouit beaucoup de voir autant valorisées ici les figures engagées de Georges Bernanos et de Germaine Tillion. C'est sans doute grâce à sa profonde connaissance de l'âme humaine et de ses abîmes que le chrétien Bernanos a pu dépasser des clivages trop faciles pour dénoncer des situations d'oppression, comme durant la guerre civile espagnole, ou s'élever contre les dangers du monde technique. Quant à la belle figure de Germaine Tillion, résistante et déportée, soucieuse de vérité dans son travail d'ethnologue, consciente de la frag...
L'HUMILITÉ NI VUE NI CONNUE, FRANÇOISE LE CORRE
CHRISTUS N°277
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Marc LEBOUCHER

Un petit livre d'aspect modeste consacré à l'humilité, quoi de plus normal a priori ? Le propos de Françoise Le Corre, philosophe et ancienne rédactrice en chef ajointe d'Études, invite pourtant à ne pas passer à côté de ce qu'elle considère non comme une simple vertu, mais bien comme une « grâce ». Alors, en abordant ce sujet avec tout à la fois des expériences personnelles et des réflexions à déguster, elle prend presque des accents pauliniens pour composer une manière d'hymne à l'humilité. Paradoxalement, l'humilité serait à la mode, injonction donnée aux hommes politiques ou aux figures médiatiques, par exemple, d'être plus modestes, alors qu'elle se situe en dehors de toute logique de communication ou de success stories. Si elle se distingue de l'humiliation, l'humilité invite à la « conscience de ses limites, défait les mauvaises défenses ». Ainsi, reconnaître tout simplement que je reçois ce qui est mien, comme dans le domaine du savoir, que « mes idées ne sont pas mes idées » participe de sa dynamique profonde. On ne s'étonne pas alors de voir l'auteure démarquer aussi, de manière parallèle, le champ de l'orgueil et de situer l'impasse où il conduit. Si le mot d'humilité renvoie à l'humus, à notre terre, c'est bien parce que l'incarnation y a toute sa place. Loin de la résignation ou de la tentation de la force, démunie par nature, « l'humilité connaît le sel de la vie ». Mieux, elle plonge dans la relativité du réel : « Va pour l'immersion dans le relatif qui n'e...
GEORGES BERNANOS, UN PROPHÈTE POUR NOTRE TEMPS, PATRICK CHAUVET - OÙ ALLONS-NOUS ?, GEORGES BERNANOS
CHRISTUS N°277
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Marc LEBOUCHER

À travers des regards croisés voire inattendus, la figure de Georges Bernanos (1888-1948) refait surface ces derniers temps et souvent pour que soit soulignée la dimension prophétique et spirituelle de son œuvre. À l'instar de plusieurs auteurs, Mgr Patrick Chauvet n'hésite pas à écrire qu'en dépit de la distance entre son époque et la nôtre, « Bernanos a quelque chose à nous dire au moment où nous vivons une fin de civilisation et où nous sommes en train de vivre une révolution numérique ». Et, de fait, sa lucidité continue de nous interpeller.
Chez Bernanos, les « zones troubles et pourries de l'âme » (L'imposture, Plon, 1927) n'ont jamais le dernier mot, pas plus que le désespoir. Mgr Chauvet voit chez Bernanos un auteur qui invite à l'espérance, fut-ce au prix d'un exigeant combat spirituel. Pour cela, Mgr Chauvet invite à lire ou relire trois de ses œuvres majeures : Sous le soleil de Satan (Plon, 1926), le Journal d'un curé de campagne (Plon, 1936) et le Dialogue des carmélites (Seuil, 1949). C'est l'occasion d'entrer dans la densité de l'affrontement direct au Mal dans l'aventure d'une sainteté qui se déploie ici à travers des personnages plongés dans une tension permanente. La relecture des œuvres est l'occasion pour le recteur de Notre-Dame de proposer une catéchèse plus large et classique en évoquant les grandes figures de sainteté qui ont inspiré les œuvres de l'écrivain, notamment le curé d'Ars pour les personnages de prêtres dont l'abbé Donissan, mais aussi T...
LES SPIRITUALITÉS EN TEMPS DE PANDÉMIE, LAËTITIA ATLANI-DUAULT (DIR.)
CHRISTUS N°279
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Marc LEBOUCHER

Dirigé par l'anthropologue Laëtitia Atlani-Duault, cet ouvrage traite surtout, en fait, de l'attitude des religions et des confessions durant la période de la Covid-19, chacune donnant, par la voix de responsables ou d'intellectuels, son témoignage sur ce qui a pu se vivre alors. Quinze contributions de catholiques, protestants, orthodoxes, juifs, musulmans et bouddhistes se retrouvent donc ici, à l'image de la pluralité du paysage religieux français. Même si cet ensemble souffre des limites du genre du livre collectif, il permet cependant de dégager quelques lignes de force. L'opinion se souvient des querelles entre les pouvoirs publics et l'épiscopat à propos de l'ouverture des lieux de culte, entre autres, mais ce qui ressort ici est avant tout nombre de convictions ou de découvertes partagées. À leur manière, les religions étaient mises elles aussi face à un défi : « L'enjeu théologique posé par les épidémies est celui des rapports entre la foi, le plan divin et la marche naturelle du monde », souligne d'emblée la contribution d'ouverture. Comment ne pas percevoir du coup une tension entre la nécessité pour les confessions de délivrer une parole de foi et le légitime silence face à la souffrance, voire le constat du « silence de Dieu » (François Clavairoly) ? L'affrontement à la pandémie a été l'occasion de prendre conscience de notre fragilité et de notre condition mortelle, à travers la manifestation d'une « vulnérabilité sans précédent » (Denis Malvy). Pour dépasse...