Jésuite (Manrèse, Clamart), enseignant émérite en Bible au Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris.
A publié La Sagesse, où la trouver ? (Éditions jésuites, 2022).
LIRE LE TEXTE BIBLIQUE PENDANT L’ORAISON ?
CHRISTUS N°221
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Jean-Marie CARRIÈRE
Lorsque le retraitant, au cours d’une démarche selon les Exercices spirituels, prend au cours de la journée un temps pour l’oraison, convient-il qu’il emporte avec lui le texte biblique avec lequel il a prévu de prier ? C’est là une pratique assez courante. Elle l’est évidemment surtout pour les personnes dont la culture biblique est relativement maigre, et qui ne connaissent pas bien l’ensemble des « textes » ou « passages » bibliques qui leur sont proposés. Mais elle est aussi répandue chez ceux qui « connaissent bien leur Bible ». Ces quelques pages se proposent de réfléchir à cette question concrète, en tant qu’il s’agit d’une question pédagogique, mais aussi d’une question sur notre culture d’aujourd’hui.
Dans le parcours des quatre semaines des Exercices, cette question concrète se pose surtout, pensons-nous, à partir de la deuxième semaine. Sans entrer dans la discussion d’un point disputé, disons qu’il n’y a pas vraiment de rapport à la Bible au cours de la première semaine, du moins telle qu’elle est proposée dans le livret d’Ignace. Notre position contredit la pratique courante, certes, surtout lorsqu’on prévoit dans telle ou telle retraite une période dite « d...
Mots clés :
Bible
Contemplation
Exercices spirituels
Spiritualité ignatienne
Tradition
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LE RESPECT DANS LA BIBLE
CHRISTUS N°195
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Jean-Marie CARRIÈRE
Comment réfléchir sur le défi du respect ? La Bible peut-elle m'en apprendre quelque chose ? Le respect n'est pas un de ses thèmes centraux, ni un fil rouge comme celui du salut ou de la révélation de Dieu. Pour autant, et parce que c'est une expérience forte de notre humanité, ceux et celles dont nous parle la Bible (ses personnages, un peuple, des communautés, Dieu même) peuvent nous aider à comprendre quelque chose du respect. On pourra ainsi faire jouer la mémoire, se rappeler quelques épisodes bibliques où il en est question, écouter quelques exemples… Le choix sera guidé par ma propre mémoire, ce qui en assignera les limites mais permettra de faire apparaître trois choses : d'abord, le respect est une manière d'être, et passive et active, vis-à-vis du mystère de l'autre ; ensuite, il trouve sa raison d'être dans notre vocation à être engendrés pour la liberté ; enfin, il se manifeste en des attitudes et des gestes très simples, corporels. Le défi du respect vaut autant envers Dieu qu'envers le prochain : l'une et l'autre attitude se fécondent mutuellement, comme on le verra.
Le respect de Dieu
Un premier exemple vient à l'esprit, très connu : Moïse au buisson ardent (Ex 3). La rencontre de Dieu commence ici dans la crainte. La mê...
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Amour
Bible
Crainte
Dieu
Epreuve
Jésus-Christ
Pauvreté
Prière
Service
Volonté de Dieu (volonté)
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LA BIBLE ET SA CULTURE
CHRISTUS N°191
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Jean-Marie CARRIÈRE
« AU MILIEU DES DÉPORTÉS »
CHRISTUS N°230
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Jean-Marie CARRIÈRE
JEAN-MARIE CARRIÈRE S.J.
JRS France et bibliste au Centre Sèvres, Paris.A publié : Théorie du politique dans le Deutéronome (Peter Lang, 2001), Le livre du Deutéronome (L’Atelier, 2002) et L’eau et le sang (Desclée de Brouwer, 2009).Dernier article
paru dans Christus : « Lire le texte biblique pendant l’oraison ? » (n° 221, janvier 2009).
L’Exil est une référence majeure dans la Bible. Il y a certes la réalité concrète de l’exil et de la déportation, dont la taille historiquement modeste ne doit pas faire oublier son lot de souffrances et de traumatismes, mais il y a aussi la manière dont on interprète l’événement et les remises en cause qu’il provoque. Pour Israël, et particulièrement pour les Judéens qui furent sujets de ces événements, l’exil est un mythe fondateur du judaïsme tel qu’il naît à l’époque perse.Les voix qui parlent de l’Exil diffèrent les unes des autres. La voix prophétique considère la crise comme le début d’une nouvelle ère, un possible point de départ ou de renouveau en profondeur. La voix sacerdotale (on n’oubliera pas la place jouée par les milieux sacerdotaux au retour de l’exil), plus conservatrice, pense que la seule fa&...
Mots clés :
Bible
Dieu
Evénement
Foi
Mémoire
Paternité
Politique
Salut
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LE REPOS SELON LA BIBLE
CHRISTUS N°182
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Jean-Marie CARRIÈRE
L'inquiétude est le lot quotidien, obsédant, de ceux qui n'ont rien ; démunis, exclus, oubliés ou méprisés, la lutte quotidienne pour survivre est incessante ; uouver les moyens de satisfaire les besoins de chacun et particulièrement des enfants se vit dans une inquiétude permanente. Il y a là d'abord une question de justice que doivent assumer le prochain et la société. Faire justice, pratiquer la solidarité, de sorte que cette tension permanente, inhumaine et insupportable, devant l'avenir bouché, soit soulagée. Mais une telle inquiétude — du manger et du boire, du vêtir et se loger — habite le coeur de chacun, et pas seulement des plus pauvres : le sermon sur la montagne (Mt 6,25-34) et, à sa suite, la spiritualité de saint François invitent à trouver le repos face à cette inquiétude : « Ne vous inquiétez pas du lendemain. »
C'est du lendemain aussi que, sur un autre plan, le responsable est inquiet. Soucieux du destin de sa communauté, il affronte l'avenir qu'il sait dépendre, au moins en partie, de la qualité et de la pertinence des décisions à prendre. Fût-elle prise à l'aide d'un grand nombre de conseillers, la décision reste un pari. Prendre une décision, c'est avancer vers l'inconnu de l'avenir. Et souvent, l'inqui&eacut...
LA LOI (MATTHIEU 5-7)
CHRISTUS N°112
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Jean-Marie CARRIÈRE
TROIS LIVRES SUR LA CONDITION OUVRIÈRE
CHRISTUS N°102
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Jean-Marie CARRIÈRE
LA NOURRITURE DANS LA BIBLE
CHRISTUS N°238
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Jean-Marie CARRIÈRE
Puisque manger nous occupe plusieurs fois par jour, il aurait été étonnant que les auteurs bibliques ne croisent pas cette nécessité prégnante dans leurs écrits, sauf à se réfugier dans une spiritualité désincarnée, ce qui n’est pas précisément leur cas. On ne trouvera pas pour autant chez eux de traité sur la nourriture, sur la manière de se la procurer ou de la consommer, sinon quelques listes de nourritures « impures ». Mais ils en parlent à l’occasion, livrent quelques considérations utiles, lorsqu’est en jeu ce dont ils tiennent à témoigner : la qualité de notre humanité, telle qu’ils la voient prise dans le dessein de Dieu. Proposons quelques exemples, en tournant les pages de la Bible au fil de ses livres ; voyons comment ils abordent le fait de manger et de se nourrir.
Le régime alimentaire de l’humain (Gn 1–9)
Dans les récits archétypaux de la Bible, ce n’est qu’après la violence du Déluge que l’humain se nourrira selon le régime alimentaire qui est couramment le sien : végétarien et carnivore. Tout commence (Gn 1) par la vocation de l’humain à dominer, à gouverner un monde mis en ordre, vocation qui le situe quelque part entre divinité et animalit&...
MAIS LA SAGESSE, OÙ LA TROUVER ?
CHRISTUS N°248
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Jean-Marie CARRIÈRE
Dans un monde très mobile et interconnecté, dont nous avons mesuré les traits, cette question tirée du livre de Job (Jb 28,12.20) n’a rien d’une accusation, comme si ce monde qui est le nôtre manquait cruellement de sagesse. Tout au long de leur histoire, les fils d’Israël ont cherché la sagesse, comme d’autres cultures autour d’eux, et comme la nôtre aujourd’hui. La Bible fait place à cette quête dans les Écrits, qui ne constituent pas moins d’un bon tiers de la littérature de l’Ancien Testament, et qui irriguent en profondeur l’intelligence du mystère du Christ dans le Nouveau. Alors que nous sommes confrontés aujourd’hui aux enjeux de l’interconnexion, qu’il s’agisse de notre rapport à la technique, de la manière dont les technologies de l’information et de la communication (TIC) font évoluer notre manière d’être en relation et de nous servir de notre intelligence et de notre esprit, la quête de la sagesse dans la Bible ne nous fournira pas des solutions « prêtes à porter », mais bien plutôt pourra nous guider sur les points où notre responsabilité humaine et croyante est appelée à s’exercer. Commençons par faire connaissance avec Dame Sagesse, avec un passage du Siracide...
ABRAHAM ET LA MIGRATION COMME CHEMIN DE FOI
CHRISTUS N°253
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Jean-Marie CARRIÈRE

Lors des mouvements de réfugiés et de migrants, ceux et celles qui accompagnent ces personnes découvrent une expérience humaine singulière, qui n'est pas sans rappeler celle d'Abraham. Si la foi peut s'entendre comme chemin de migration, peut-être verrons-nous aussi avec Abraham combien la migration est un chemin de foi.
« Je te garderai partout où tu iras. » (Gn 28,15)
L'histoire d'Abraham aide à mieux comprendre les hommes et les femmes en situation de migration, et particulièrement à percevoir la foi qui les fait tenir dans leur quête d'un avenir, la figure d'Abraham étant tout à la fois celle du migrant et celle de la foi.
Quitter les lieux où la vie n'est plus possible
Le livre de la Genèse mentionne la naissance d'Abram en 11,27 et raconte sa mort en 25,1-11 : telle est l'ampleur du « cycle » d'Abraham. Bien que les divisions des bibles semblent faire commencer l'histoire d'Abraham au chapitre 12, il convient de scruter quelque peu les derniers versets du chapitre 111. Térah, le père d'Abram, a commencé un mouvement de migration, depuis sa ville d'origine, Our en Chaldée, mais s'est arrêté à Haran, où « ils habitèrent ». Par un jeu de mots, le nom de cette ville, Haran, se confond avec celui d'un autre fils d...
SE DISPOSER À L'ACCUEIL
CHRISTUS N°260
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Jean-Marie CARRIÈRE
Dans les Exercices spirituels, saint Ignace dispose du temps comme d'un cadre. C'est à travers une organisation active des moments et des durées (semaines, jours, heures…), mais aussi dans une totale disponibilité au temps de la grâce, que peut se produire ce qui est recherché et désiré : la Rencontre. Ainsi, le retraitant passe-t-il sans cesse d'un temps où il « s'occupe » à un temps où il accueille ce qui advient.
S'il y a profit, pour s'engager dans les Exercices spirituels, à poser une distance d'avec les amis et connaissances, on gagnera aussi à se dégager de toute préoccupation particulière. Mais, dès lors, qu'en est-il de l'expérience du temps durant les Exercices ? Pour nous rendre sensibles à sa particularité, nous commencerons par examiner la manière dont il est organisé, selon les diverses durées qui le constituent. Puis nous pourrons percevoir qu'à côté de la mesurabilité du temps, l'attention est aussi portée à la qualité de celui-ci, aux potentialités qu'il recèle.
« Les exercices se termineront, plus ou moins, en trente jours » (Ex. sp., 4)1. C'est ce que l'on appelle communément le mois des Exercices. Les Exercices s'étendent sur quatre semaines. Mais, justement, les «...
UN POINT DE PASSAGE
CHRISTUS N°267
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Jean-Marie CARRIÈRE

Si la Bible ne propose pas de traités de l'abandon, elle offre, tout au long de ses pages, de nombreuses illustrations de ce que peut signifier s'abandonner à Dieu. Quelques-unes de ces figures sont données ici à méditer dans leur grande variété.
La Bible ne nous offre pas de traité de l'abandon, comme l'ont fait Jean-Pierre de Caussade ou, à sa manière, Jean de la Croix. Ce n'est pas trop la manière de faire de la Bible, dans le vécu et l'expression de la foi. Il est clair, cependant, que cette expérience de l'abandon – entendue comme un renoncer, un laisser, un quitter, un « ne plus s'occuper de », voire « un se détendre en se laissant aller1 » – est éprouvée par l'homme biblique, dans sa relation aux autres, à la création, à Dieu. Proposons-nous donc de percevoir, peut-être de « sentir et goûter », les diverses facettes de cette expérience qui sollicite, à certains moments de leur vie, quelques personnages bibliques.
« Il partit sans savoir où il allait » (He 11,8)
Abraham, migrant et croyant, première grande figure de la Bible. Migrant, si souvent sur le départ, que la parole divine invite à « quitter » pays, famille, relations pour s'engager sur la route d'un avenir encore invisible. Certes, Abraham vit un arrachement, comme les migrants au long de l'Histoire jusqu'à aujourd'hui, un arrachement qui imprime douloureusement la vie à venir. Mais un arrachement qui est tout autant une sortie (Gn 12,4 : « quand il sortit de Haran ») d'un lieu de mort et d'impasses. La par...
"DONNE-MOI À BOIRE"
CHRISTUS N°278
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Jean-Marie CARRIÈRE

Nombreuses sont les conversations dans la Bible. Nous sommes ainsi invités à oser entrer en conversation avec Dieu, pour honorer en paroles l'alliance qui nous est offerte. Nous apprenons au passage comment converser au mieux entre nous.
Comment les Écritures nous aident-elles à entrer en conversation avec Dieu ? Certes, si nous considérons combien le dessein de Dieu notre Créateur cherche avant tout avec une grande constance et fidélité à entrer en alliance avec nous, alors il est clair que la conversation avec lui constitue la forme essentielle de la réponse que nous pourrons donner à sa proposition. Car, de fait, la conversation est au cœur de l'alliance et notamment sur le modèle conjugal de la parole échangée, comme nous pouvons le lire en Deutéronome 26, 17-19 ou encore en Osée 2, 22-25. De là, notre dialogue avec le Seigneur créateur et sauveur s'élargit dans les deux formes fondamentales de la parole adressée à Dieu : la louange et la supplication. Formes qui s'articulent dans les psaumes, grâce auxquels les Écritures nous offrent des mots pour ce dialogue. Nous pouvons aussi songer aux prières adressées au Seigneur qui, grâce à leur disposition réfléchie, nous apprennent à converser avec Dieu, comme la prière de Salomon en Sagesse 9.
Une autre manière, encore, de répondre à notre question initiale serait de porter notre attention sur quelques-unes des conversations entre un humain et Dieu, par exemple avec Abraham et avec Job1, plus encore de goûter les conversat...
UN POINT DE PASSAGE
CHRISTUS N°278HS
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Jean-Marie CARRIÈRE
La Bible ne nous offre pas de traité de l'abandon, comme l'ont fait Jean-Pierre de Caussade ou, à sa façon, Jean de la Croix. Ce n'est pas trop la manière de faire de la Bible, dans le vécu et l'expression de la foi. Il est clair, cependant, que cette expérience de l'abandon – entendue comme un renoncer, un laisser, un quitter, un « ne plus s'occuper de », voire un « se détendre en se laissant aller1 » – est éprouvée par l'homme biblique, dans sa relation aux autres, à la création, à Dieu. Proposons-nous donc de percevoir, peut-être de « sentir et goûter », les diverses facettes de cette expérience qui sollicite, à certains moments de leur vie, quelques personnages bibliques. […]« Tu m'apprends la sagesse » (Ps 51 [50], 8)Coupable d'un triple crime dans l'aventure avec Bethsabée (2 S 11 – 12), David aura à subir la lourde punition que le prophète lui annonce. Triple crime : l'adultère avec la femme d'Urie, l'assassinat par personne interposée du soldat et le rapt que met en évidence la parabole du prophète Natân. Les crimes clairement établis, il s'ensuit une condamnation et une peine qui ne sera pas la peine de mort juridiquement prévue. Le crime ou le d&e...