Jean-Louis SKA

Jésuite, professeur émérite d’Ancien Testament à l’Institut biblique pontifical de Rome.
A publié Le chantier du Pentateuque (Lessius, 2016).
LA BIBLE, RELECTURE DE L'HISTOIRE D'ISRAËL
CHRISTUS N°198
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Jean-Louis SKA
Ces événements leur arrivaient pour servir d'exemple et furent mis par écrit pour nous instruire, nous qui touchons à la fin des temps » (1 Co 10,11). Dans ce passage, Paul reprend une série d'exemples à l'histoire d'Israël, plus précisément au séjour au désert (10,1-13), pour exhorter les Corinthiens à ne pas imiter leurs ancêtres hébreux. Les épisodes auxquels il fait allusion sont bien connus : le passage de la mer, le veau d'or, la manne, l'eau du rocher, le serpent d'airain. Mais le point qui mérite d'être souligné est moins cette série d'événements particuliers que la notation sur l'écriture en tant que telle : « Ces événements furent écrits pour notre instruction. » L'événement ne peut être atteint que par un récit qui lui-même a besoin d'un support écrit pour pouvoir être transmis de façon durable et effective. Paul est parfaitement conscient de la chose. Sans cette médiation du récit, et d'un récit mis par écrit, son argumentation perdrait son point d'appui. Toute réflexion sur l'événement dans l'écriture se devra donc de passer par une lecture et une analyse des récits, puisque les événements eux-mêmes ne sont accessibles que par eux. Cette p...
Mots clés : Bible Dieu Faute Loi Tradition Désert
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« LA SAGESSE EST BONNE COMME UN HÉRITAGE » (QO 7,11)
CHRISTUS N°233
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Jean-Louis SKA
 Jean-Louis SKA s.j. Exégète, Institut Biblique, Rome. A récemment publié : Abraham et ses hôtes : le patriarche et les croyants au Dieu unique (Lessius, 2002), De l’ancien et du nouveau : pages choisies de l’Évangile de Matthieu (Lumen Vitae, 2008), Le livre scellé et le livre ouvert : comment lire la Bible aujourd’hui ? (Bayard, 2011). Dernier article paru dans Christus : « La Bible, relecture de l’histoire d’Israël » (n° 198, avril 2003).       Les problèmes d’héritage sont aussi vieux que le monde et la Bible ne fait pas exception. Il suffit de penser à l’histoire d’Ésaü et de Jacob (Gn 25 et 27) pour s’en persuader. L’héritage est en général constitué des biens de famille qui passent des parents aux enfants, et c’est autour des ces biens matériels que naissent bien des conflits. Mais, à ce propos, il existe dans la Bible une ligne de réflexion différente dont fait état, par exemple, la maxime tirée du livre de Qohélet : « La sagesse est bonne comme un héritage ; elle profite à ceux qui voient le soleil » (7,11). S’agit-il d’une spiritualisation gratuite ? Ou faut-il y voir le fruit d’une profonde expérience ? Une brève enquête à partir...
Mots clés : Dieu Loi Paternité Promesse Sagesse
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ANTIGONE ET JOSEPH
CHRISTUS N°240
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Jean-Louis SKA
« Oh ! Qu’il est bon, qu’il est doux de se trouver entre frères tous ensemble ! » (Ps 133,1). Ainsi débute un psaume devenu célèbre en Israël grâce à un air repris en canon lors du sabbat ou pour accompagner des danses populaires. Cet air fit partie du répertoire de nombreuses sessions d’hébreu ancien ou moderne, et il a été popularisé par plus d’un chanteur, par la télévision et le cinéma. Une image aussi positive de la fraternité reflète une des constantes de la pensée biblique, l’exigence de la solidarité pour un peuple peu nombreux où il faut se serrer les coudes afin d’affronter les défis et les crises de l’histoire. Mais l’Ancien Testament contient d’autres images moins idylliques de la vie de frères et sœurs au sein d’une même famille. Il suffira de mentionner la question de Dieu à Caïn, au début de la Genèse : « Où est Abel, ton frère ? » (4,9). Le premier récit biblique qui met en scène deux frères est un récit de fratricide (4,8). Un autre cas connu est celui des jumeaux Ésaü et Jacob dont le destin est scellé dès avant leur naissance par un oracle divin : &laquo...
"SUIS-JE À LA PLACE DE DIEU?" (GN 50,19)
CHRISTUS N°246
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Jean-Louis SKA
« Suis-je à la place de Dieu ? » est la question que Joseph pose à ses frères qui, après la mort de leur père, viennent invoquer sa clémence, en se prosternant devant lui et se déclarant ses esclaves (Gn 50,15-18). La situation est critique puisque les frères craignent que Joseph se venge d’eux, à présent que leur père n’est plus là pour garantir une paix relative entre les divers membres de la famille. « Nous sommes tes esclaves » (Gn 50,18 [1]) fait certainement écho, en fin de parcours, aux rêves de Joseph qui avaient été une des premières causes du conflit (Gn 37,5-11 : les gerbes des frères se prosternent devant la gerbe de Joseph ; le soleil, la lune et onze étoiles se prosternent devant Joseph). Le père et les frères avaient immédiatement compris le sens de ces rêves : « Vas-tu régner sur nous en roi ou vas-tu nous dominer en maître ? » (37,8) ou encore : « Quel rêve as-tu fait là ? Allons-nous avoir, moi, ta mère et tes frères, à nous prosterner à terre devant toi ? » (37,10). Or, les frères viennent une dernière fois se prosterner devant Joseph pour implorer son pardon et s’offrent à devenir esclaves de leur frère en 50,18. La fin du récit reprend don...
Mots clés : Gloire Fraternité Egalité Royauté Sagesse
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ESTHER OU LA REVANCHE DES PETITS
CHRISTUS N°252
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Jean-Louis SKA
  Ce dont le monde a besoin en toutes ses dimensions c'est de personnes capables d'agir justement. En ces jours, ceux qui soignent, ceux qui nourrissent, ceux qui protègent retrouvent la place qui leur est due. Qu'à l'exemple d'Esther chacune, chacun de nous, nous sachions poser l'acte, la parole qui convient pour faire avancer notre humanité. Bonne lecture à chacun, en ce temps de l'appropriation personnelle et communautaire de la grâce Pascale.  Esther est l'équivalent féminin de David. Elle fait, elle aussi, appel à ses qualités propres. Elle n'essaie en aucune manière d'affronter directement l'ennemi sur son terrain mais l'attire plutôt sur celui où elle est maîtresse de la situation. Ruth est parfois appelée la « Cendrillon biblique », puisqu'elle réussit à sortir de la misère grâce à un heureux mariage. Le personnage d'Esther est plus difficile à cerner, mais l'histoire et la littérature ne manquent pas de figures féminines qui peuvent agir dans l'ombre ou dans les coulisses pour le bonheur ou le malheur d'autrui. Il y a, dans la Bible même, la contrepartie d'Esther, une sorte de Lady Macbeth biblique, et c'est Athalie. Il n'est sans doute pas étonnant que Jean Racine ait choisi ces deux personnages pour ses deux tragédies bibliques. Le personnage d'Esther est assez...
RÉJOUIS-TOI DANS TA JEUNESSE
CHRISTUS N°258
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Jean-Louis SKA
Dans la Bible comme dans toute l'Antiquité, la sagesse et l'expérience des anciens sont valorisées bien plus que la vigueur des jeunes. Il y a cependant dans les Écritures des cas où la jeunesse se voit accorder une valeur inhabituelle, sinon supérieure à l'ancienneté. La Bible, en général, exalte plutôt les qualités du grand âge que celles de la jeunesse. Il suffit, pour s'en convaincre, de relire quelques sentences de Ben Sirac le Sage, appelé aussi l'Ecclésiastique. Voici ce qu'il dit, entre autres : « Comme le jugement convient aux cheveux blancs, et aux anciens de savoir donner un conseil ! Comme la sagesse convient aux vieillards, et aux gens honorés la réflexion et le conseil ! La couronne des vieillards est une grande expérience et leur fierté la crainte du Seigneur » (Si 25,4-6) ; ou encore : « Ne t'écarte pas des récits des vieillards, car eux-mêmes les ont appris de leurs pères. C'est auprès d'eux que tu apprendras à comprendre, et à avoir une réponse prête lorsqu'il faut. » (Si 8,9). Il est vrai que, dans toute l'Antiquité, que ce soit dans le Proche-Orient ancien, en Grèce ou à Rome, l'ancienneté est une qualité très appréciée. Ce sont les anciens qui possèdent la sage...