CONFRONTATIONS AU RÉEL
CHRISTUS N°226
-
Claire COLLIGNON
Jacques ARÈNES
Christus : Nous avons pensé qu’un dialogue serait bienvenu pour nous aider à comprendre à quels types de réalités sont confrontés les scientifiques. Pourriez-vous d’abord vous présenter ?
Claire Collignon : Je suis ingénieur depuis dix ans, et travaille actuellement sur le traitement des combustibles nucléaires.
Christus : Comment en êtes-vous venue à cette formation d’ingénieur ?
C. C. De manière un peu classique. Quand on réussit à peu près et qu’on n’a pas d’idée préconçue sur ce qu’on veut faire, on se retrouve en classe préparatoire. Je me suis alors posé la question d’aller soit dans une école d’ingénieur, soit de retourner à l’université pour devenir enseignante : n’ayant pas d’ingénieur dans ma famille, je ne savais pas du tout à quoi correspondait ce type de métier. Puis j’ai fait des stages, et je me suis rendu compte que j’aimais bien le monde de l’entreprise et la recherche appliquée.
Jacques Arènes : Quant à moi, j’ai fait des études de mathématiques pendant un certain temps, des mathématiques pures et appliquées, notamment statistiques. J’ai travaillé à EDF, quand j’étais en DESS...
Mots clés :
Action
Charité
Grâce
Humilité
Politique
Réalité
Sagesse
Science
Lire la suite
PSYCHANALYSE CONTEMPORAINE ET RELIGION
CHRISTUS N°224
-
Jacques ARÈNES
Dans cet article très fouillé, Jacques Arènes – qui vient de soutenir sa thèse de psychopathologie fondamentale et psychanalyse – tente ici de dégager les principaux aspects de la religion qui intéressent certains psychanalystes contemporains. Le simple fait que ceux-ci envisagent désormais la religion sous un jour positif est en soi, pour l’auteur, un « événement spirituel », qui mérite que l’on s’y attarde avec attention et rigueur. La psychanalyse s’est édifiée en conflictualité avec la religion. Freud considérait l’objet religieux comme voué à disparaître au profit du « Dieu Logos », qui serait l’attitude scientifique généralisée, successeur proposé à la fonction illusoire de la religion dans la société 1. L’attitude psychanalytique classique oscille donc entre un voeu de « remplacer » la religion par une attitude plus adulte, et un désir, plus modeste, de compléter et transformer, par sa puissance critique, la religion et les rapports que le sujet entretient avec elle. Ces deux postures se nourrissent du modèle freudien de la religion comme issue des voeux infantiles de protection, notamment par la figure paternelle. Besoin de croire et éthique Cette attitude classiqu...
Mots clés :
Athéisme
Evénement
Foi
Guérison
Images
Imagination
Liberté
Mystique
Paternité
Psychologie
Réalité
Religions
Lire la suite
DEVENIR PARENT
CHRISTUS N°217
-
Jacques ARÈNES
Tout être humain n’a-t-il pas, à un moment ou un autre, à se confronter à son enfance passée, dans son chemin d’humanisation ? Les parents sont au premier rang dans cette confrontation à leur propre enfance qui se double de la relation, toujours surprenante, à leur très réelle progéniture. Mais nous avons tous, parents ou non, à rencontrer cette enfance qui fut la nôtre. En effet, depuis Freud, l’enfance, ou plutôt l’infantile – qui est ce lieu de l’enfance présent, mais transformé, au sein du psychisme de l’adulte – est le temps et le lieu privilégiés du rapport du sujet adulte avec sa destinée. L’infantile est ce rapport énigmatique entre l’historicité inaccessible de notre enfance et la vie de l’inconscient qui se déploierait hors du temps.
La tâche analytique est l’exemple de cette théorie de l’enfance habitant le monde adulte : le sujet en analyse retrouve quelque chose de l’enfance oeuvrant à l’intérieur de sa vie. Le psychisme humain en devenir est habité, voire hanté, par les positions anciennes qui le structurent et le guident. Le devenir de chacun de nous, notamment quand nous devenons parents, est de nous confronter à ces lieux de l’enfance : le retour de notre enfance se conjug...
Mots clés :
Liberté
Mère
Père
Paternité
Psychologie
Réalité
Souffrance
Lire la suite
ACCOMPAGNER L'HOMO VIATOR
CHRISTUS N°210
-
Jacques ARÈNES
La culture européenne est traversée par l'évidence de la non-existence de Dieu. Si la quête spirituelle est encore vivante, la lisibilité sociale des religions est en perte de vitesse. Dans ce contexte, la subjectivité de la foi n'a rien à voir avec ce qu'elle fut. La formule du philosophe Georg Simmel évoquant l'univers de Rembrandt, premier peintre à figurer, selon lui, la modernité sans Dieu, récapitule la condition croyante contemporaine : « Les gens ne sont plus dans un monde religieux objectif ; ils sont subjectivement religieux dans un monde objectivement indifférent » 1.
Le narcissisme du croyant est provoqué par l'agnosticisme commun. La religion n'étant qu'une perspective parmi d'autres, l'univers de la religion est rapatrié dans le for interne de chaque croyant, avec un clivage de plus en plus marqué entre ce for interne et la culture extérieure vide de symbolique religieuse explicite. Le chrétien vivra au sein de sa paroisse, s'il en a une, des temps d'affiliation communautaire de sa foi, mais le quotidien des jours est affronté à l'évidence de la « non-foi ». La foi se déploie de moins en moins dans le cadre de croyances partagées, mais surtout dans l'affirmation vitale d'un trajet personnel, recherchant sa validation dans des rencontres singulières avec des accompagnant...
Mots clés :
Catholicisme
Foi
Parole d’homme
Paternité
Psychologie
Réalité
Lire la suite
PEUT-ON ÉDUQUER À LA LOYAUTÉ ?
CHRISTUS N°204
-
Jacques ARÈNES
Le tricheur était autrefois un personnage voué à la honte. Dans le cadre scolaire, on considérait qu'il se préparait un avenir de transgression parce qu'il se mettait en dehors de la loi commune, acceptée par l'ensemble de la société, et quasi sacralisée. J'ai le souvenir d'un professeur de collège apostrophant un camarade tricheur et lui prédisant un avenir de voleur ! Certains d'entre nous ont le souvenir de tricheries de potaches, présentées comme des exploits sportifs, mais jamais les tricheries d'antan n'ont fait système. Il semblerait qu'aujourd'hui un certain rapport avec la triche se mette en place dans les collèges, les lycées, et même les universités. Plus profondément, nous avons à relier ce diagnostic à une absence de vérité dans le processus éducatif lui-même : si la triche existe, c'est que le monde adulte l'a laissée s'installer.
Lâcheté des adultes, duplicité de ceux qui enseignent une morale à laquelle ils ne croient pas, cynisme de ceux qui professent un mépris ouvert des règles du jeu, déni de la réalité même du phénomène, les causes d'un tel état de fait sont multiples et prennent racine dans la crise actuelle de la transmission. Il existe des lieux d'enseignement où prospè...
UN DÉFI POUR LA FOI ?
CHRISTUS N°200
-
Marie-Amélie LE BOURGEOIS
Jacques ARÈNES
Arnaud de Rolland
TABLE RONDE
Comment l'indifférence, qui caractérise l'atmosphère religieuse dans laquelle nous vivons, interroge-t-elle la foi des chrétiens ? Celle-ci s'est trouvée confrontée à l'athéisme militant dans la première moitié du XXe siècle, puis à la critique des maîtres du soupçon avec le développement des sciences humaines, enfin à la contestation des années 70. Aujourd'hui, elle se trouve plongée dans le climat d'une tolérance un peu molle, qui relativise la question de la vérité la profession de la foi chrétienne ne semble pas déranger grand-monde. Comment donc les chrétiens sont-ils amenés à vivre leur foi dans cette atmosphère de désaffection ? Nous avons réuni autour de cette question plusieurs voix, dont la diversité pouvait enrichir notre réflexion Jacques Arènes est psychanalyste ; Marie-Amélie Le Bourgeois, ursuline, ancienne responsable diocésaine de la catéchèse à Bourges ; Arnaud de Rolland, jésuite, aumônier d'étudiants en grandes écoles à Pans ; Claude Flipo, rédacteur en chef de Christus, Yves Roullière, rédacteur en chef adjoint de Christus.
Claude Flipo : Comment ressentez-vous cette désaffection ?
Jacques Arènes : Dans le m...
Mots clés :
Eglise
Foi
Indifférence
Mal
Mission
Psychologie
Réalité
Souffrance
Lire la suite
LE MÉPRIS COMME UN BROUILLARD
CHRISTUS N°195
-
Jacques ARÈNES
Durant les deux premières années de mon mariage, mes rapports avec ma femme furent, je puis aujourd'hui l'affirmer, parfaits. Je veux dire que pendant ces deux années l'accord complet et profond de nos sens s'accompagnait de cet obscurcissement ou, si l'on préfère, de ce silence de l'esprit qui (...) suspend toute critique et s'en remet à l'amour seul pour juger la personne aimée. (...) L'objet de ce récit est de raconter comment, alors que je continuais à l'aimer et à ne pas la juger, Emilia au contraire découvrit ou crut découvrir certains de mes défauts, me jugea et, en conséquence, cessa de m'aimer » 1.
Dans Le mépris, Moravia décrit le processus de « désidéalisation », qui s'avère le passage délicat auquel de nombreux couples ne survivent pas. L'idéalisation amoureuse met, dans un premier temps, le jugement en suspens. En ce temps de la « cristallisation », chère à Stendhal, même les défauts de l'aimé(e) semblent aimables. La sortie de l'illusion souligne durement les traits de caractère, autrefois amusants, qui deviennent d'affreux défauts. La désillusion devrait permettre d'aboutir à un point de vue plus nuancé sur l'aimé(e), à un accès à l'ambivalence qui serait la nécessaire reconnaissa...
Mots clés :
Affectivité
Amour
Athéisme
Culpabilité
Faute
Femme
Grâce
Haine
Mensonge
Psychologie
Réconciliation (confession)
Lire la suite
IMPOSSIBLE ESTIME DE SOI ?
CHRISTUS N°232
-
Jacques ARÈNES
JACQUES ARÈNES Psychanalyste, Université catholique de Lille et Collège des Bernardins, Paris. A récemment publié : N’ayons pas peur des ados (Desclée de Brouwer, 2006) et Le psychanalyste et le bibliste : la solitude, Dieu et nous (avec P. Gibert, Bayard, 2007), La quête spirituelle hier et aujourd’hui : un point de vie psychanalytique (Cerf, 2011). Dernier artiste paru dans Christus : « Devenir parent : heureux traumatisme » (n° 226HS, mai 2010)
La question de l’estime de soi prend beaucoup de place dans notre culture, la littérature de psychologie en est un bon exemple. Ce terme est pourtant difficile à cerner… La sphère de l’estime de soi est celle où l’image de soi est importante, dans l’ordre du « moi idéal ». Une mauvaise image de soi « impacte » beaucoup l’action. Le philosophe Axel Honneth met le désir de reconnaissance (ce n’est pas un hasard) au coeur du lien social. Ce voeu s’appuie sur ce que qui se passe de plus fondamental au début de la vie, entre la mère et l’enfant, et cette assurance intérieure acquise très tôt conditionne l’estime de soi dans son versant plus social 1. L’intérêt des penseurs du social pour l’estime de soi montre que cette notion est au coeur de notre culture.
Q...
Mots clés :
Culpabilité
Dieu
Expérience spirituelle
Images
Maladie
Pardon
Psychologie
Lire la suite
LE SENTIMENT OCÉANIQUE
CHRISTUS N°243
-
Jacques ARÈNES
La rédaction Christus
Christus : Qu’est-ce que le sentiment océanique ?
Jacques Arènes : C’est l’écrivain Romain Rolland qui en parle à Sigmund Freud après avoir lu L’avenir d’une illusion (1927). Freud a analysé les religions en laissant complètement de côté, selon Rolland, un point crucial de l’expérience religieuse : le sentiment océanique. En effet, dans cet ouvrage, Freud parle principalement de la religion comme vecteur de protection de la culture ; ce sont, en effet, les contraintes et renoncements religieux (interdits, limites…) qui permettent à l’être humain d’« entrer en culture ». Sa vision du religieux est donc très sociétale et liée à l’éthique culturelle. Elle comporte aussi une composante de réassurance devant la détresse issue de la vulnérabilité humaine. Le « sentiment océanique » n’est pas son problème. En revanche, c’est celui de Rolland, qui s’intéresse aux spiritualités asiatiques et qui est aussi rattaché à ce mouvement qui tente de réhabiliter une certaine forme de mystique ou de spiritualité éloignée du religieux. Contrairement à Freud qui est davantage intéressé par le religieu...
EN QUÊTE D'INTIMITÉ
CHRISTUS N°248
-
Jacques ARÈNES
Christus : En tant que psychanalyste, vous êtes amené à rencontrer en consultation des hommes et des femmes de toutes générations et origines sociales. Diriez-vous que le monde de la connexion a engendré de nouvelles pathologies ou du moins fait apparaître des problématiques nouvelles sur les plans psychologique et relationnel ?
Jacques Arènes : De fait, le monde de la connexion se rend davantage présent dans le cabinet du psy, dans les rituels mêmes et les pratiques de la psychothérapie ou de la psychanalyse. En séance par exemple, les gens me commentent ce qu’ils ont lu le jour même sur internet, alors qu’ils me parlaient rarement de ce qu’ils avaient lu dans le journal. Comme si cela les concernait plus directement. J’ai par ailleurs des patients qui utilisent les différentes modalités actuelles pour communiquer avec moi, les textos par exemple, le premier contact s’établit souvent par le biais d’un courriel, ou par l’intermédiaire d’un site sur lequel j’ai fait une chronique. Avant, il y a seulement quatre ou cinq ans, personne n’utilisait son portable dans le cabinet du psychanalyste. Aujourd’hui, pendant la consultation, on voit de plus en plus de gens qui sont tentés de répondre à leur téléphone quand il sonne, ou qui se permettent de le...
ACCOMPAGNER L'HOMO VIATOR
CHRISTUS N°276HS
-
Jacques ARÈNES
Parution initiale dans Christus n° 210 (avril 2006).La culture européenne est traversée par l'évidence de la non-existence de Dieu. Si la quête spirituelle est encore vivante, la lisibilité sociale des religions est en perte de vitesse. Dans ce contexte, la subjectivité de la foi n'a rien à voir avec ce qu'elle fut. La formule du philosophe Georg Simmel (1858-1918) évoquant l'univers de Rembrandt, premier peintre à figurer, selon lui, la modernité sans Dieu, récapitule la condition croyante contemporaine : « Les gens ne sont plus dans un monde religieux objectif : ils sont subjectivement religieux dans un monde objectivement indifférent1. »Le narcissisme du croyant est provoqué par l'agnosticisme commun. La religion n'étant qu'une perspective parmi d'autres, l'univers de la religion est rapatrié dans le for interne de chaque croyant, avec un clivage de plus en plus marqué entre ce for interne et la culture extérieure vide de symbolique religieuse explicite. Le chrétien vivra au sein de sa paroisse, s'il en a une, des temps d'affiliation communautaire de sa foi, mais le quotidien des jours est affronté à l'évidence de la « non-foi ». La foi se déploie de moins en moins dans le cadre de croyances partagées, mais surtout dans l'affirmation vitale d'un traje...